Dans l’article ‘’’l’analyse linguistique du texte littéraire’’, Dominique Maing

Dans l’article ‘’’l’analyse linguistique du texte littéraire’’, Dominique Maingueneau cherche de savoir à quel titre la linguistique doit s’intéresser à la littérature ? cette question a apporté deux réponses : d’une part les linguistes considère la littérature comme un corpus parmi d’autres (ambivalente), cette considération tantôt la dévalorise parce que les énoncés ne sont pas des données fiables ( la vision esthétique), tantôt la survalorise car seuls les écrivains qui maitrisent leurs langues (grammaire et littérature) , la deuxième réponse consiste à avancer que la linguistique peut aider à comprendre les textes littéraires. Au 19 siècle l’Europe défend le principe d’une approche linguistique des textes littéraires sous le nom ‘’stylistique’’, au début elle a un rôle auxiliaire dans l’interprétation littéraire puis se répand l’idée que la linguistique peut être davantage qu’un auxiliaire de l’interprétation, dans cette stylistique existe deux courants très différents , le premier courant dit « atomiste », qui consiste à étudier les procédés par lesquels un écrivain parvient à créer un effet sur son lecteur (technique d’expression), le deuxième courant dit « organique », l’objet de courant est la conscience de l’écrivain exprimée dans son œuvre, elle n’intéresse pas à la langue. Beaucoup d’approches sont nées à cote du structuralisme dans la nouvelle critique mais ne réclament pas de la linguistique ou ne doit pas grand-chose à la linguistique. Le domaine où la linguistique est intervenue de la manière la plus remarquable est certainement la poétique, entendue comme science de la poésie. Le problème est alors de savoir pourquoi les recherches llinguistiques ont été productives dans ce domaine de la littérature et pas dans les autres. On peut invoquer pour cela deux raisons majeures. Tout d'abord, la technicité très grande de la poétique (les relations très étroites que la poésie en tant que telle entretient avec la langue). La seconde raison c'est que la poésie est par nature dans lequel Jakobson voit la caractéristique de la "fonction poétique», est un principe structural, le principe fondateur du structuralisme linguistique, TI n'est donc pas surprenant que le structuralisme littéraire ait trouvé un espace de développement privilégié dans la poétique. Nous avons repéré un paradoxe, celui d'une linguistique qui est dénoncée dans les années 1960 conune "impérialiste" à l'égard de la littérature. Pour dénouer ce paradoxe il faut garder à l'esprit la différence entre "structuralisme" et "Nouvelle critique", que l'on confond souvent, et à tort. Le structuralisme est un courant qui a traversé l'ensemble des sciences humaines, qui est aussi une théorie de la culture. Les études littéraires étaient dominées jusqu'aux années 1960 par ce qu'on appelle l'''histoire littéraire", qui s'intéresse au contexte de la création des œuvres mais ne considère pas les œuvres "en elles-mêmes et pour elles-mêmes", suivant une formule structuraliste. On a donc appelé "Nouvelle critique" l'ensemble des recherches qui prétendaient rompre avec cette histoire littéraire et considérer les œuvres de façon "immanente". Mais dans cette Nouvelle critique se trouvaient en fait mêlées deux approches très différentes : les approches "structurales", qui étaient nouvelles; elles voyaient dans les œuvres la réalisation de codes arbitraires qui n'avaient de pouvoir de représentation du monde que sur le mode de l'illusion. Dès lors, le travail de l'analyste consistait à dégager les règles de ce code, à arracher la littérature à une idéologie de la représentation du "réel". les approches qui se situaient dans le prolongement de tendances anciennes cherchaient la source du texte dans la conscience du créateur ou dans la conscience d'une classe sociale. Comme on avait associé le structuralisme littéraire à un "impérialisme linguistique", quand ce structuralisme, et avec lui l'ensemble de la Nouvelle critique, a reflué on en a conclu que la linguistique ne donnait pas de résultats intéressants en matière d'étude de la littérature et que ce n'était pas la peine que les littéraires perdent leur temps à étudier la linguistique. Conclusion d'autant plus absurde, on l'a vu, qu'en réalité la linguistique n'avait joué pratiquement aucun rôle dans ces approches du texte littéraire des années 1960. Les linguistes n'ont pas réellement pu investir leur travail sur la langue dans l'étude des textes littéraires. La question est alors de savoir si la linguistique actuelle dispose de concepts, de méthodes qui permettent d'aller plus loin qu'auparavant, de véritablement entrer dans la littérature, L'évolution de l'étude de la langue depuis les années 1960 est positive pour l'appréhension des textes littéraires, surtout si l'on prend en compte les courants pragmatiques, et plus particulièrement les théories de l'énonciation linguistique. Les théories de l'énonciation sont des problématiques de linguistes qui cherchent à résoudre des problèmes d'analyse des langues. L'intervention des sciences du langage sur l'étude de la littérature peut se faire sur deux plans complémentaires : un plan proprement "grammatical", où peut être analysé le travail que les œuvres littéraires opèrent sur les catégories de la langue, et un plan "discursif", où l'on étudie les œuvres comme type d'activité verbale, institution de parole spécifique. Une réflexion sur l'énonciation permet d'aller beaucoup plus loin, car elle place au centre de l'analyse la prise en charge du discours par l'énonciateur, ou plutôt par les "co-énonciateurs", c'est-à-dire le couple que forment les interlocuteurs. Quand on réfléchit en termes d'énonciation, on a en outre accès à des phénomènes linguistiques d'une grande finesse (modalités, discours rapporté, polyphonie, temporalité, détermination nominale, méta-énonciation .. .) Cette importante évolution dans les sciences du langage a, selon moi, des conséquences très positives pour les relations entre linguistique et analyse des oeuvres littéraires. Auparavant les relations entre ces deux champs étaient trop souvent "anecdotique": selon le bon vouloir de l'analyste on allait chercher tel ou tel segment de savoir linguistique qui semblait susceptible d'être éclairant pour l'interprétation. Comme auparavant la linguistique se limitait pour l'essentiel au domaine de la phrase, le texte littéraire était constamment décalée par rapport à elle. Or il existe à présent de plus en plus de recherches qui excèdent le domaine traditionnel de la "grammaire" et de la "lexicologie", qui s'inscrivent dans l'orbite d'une linguistique du discours. Les sciences du langage confrontées au discours littéraire sont ainsi appelées à jouer un rôle plus important que par le paasé; elles ne vont plus se contenter d'aider à tirer des interprétations, elles vont dire quelque chose sur l'oeuvre elle-même en tant que discours. Le grand défaut de nombre de commentaires stylistiques traditionnels est qu'ils ne recourent à des concepts linguistiques qu'en passant, les traitant comme des instruments qu'on prend et qu'on laisse. A notre sens, les sciences du langage doivent au contraire permettre de découvrir des choses nouvelles, et pas seulement de valider des interprétations qui ont été élaborées indépendanunent d'elles; et ceci et vrai de l'étude de détails de la structure linguistique comme de celle de l'oeuvre comme dispositif de communication. Une des voies les plus productives en matière d'analyse du discours littéraire est de considérer les mises en scène énonciatives que montent les écrivains. Trop souvent on appréhende l'esthétique des oeuvres en lisant les propos que leurs auteurs ont tenus sur l'art, la littérature, la poésie... Zola, par exemple, a beaucoup écrit sur le roman naturaliste; il a pleinement joué le rôle de chef d'école. Quand on veut étudier le roman naturaliste on est donc très tenté de se reporter à ses textes théoriques pour voir comment ses romans illustrent les thèses qu'il a défendues sur le roman. Une autre manière de procéder, c'est de prendre en considération non ces propos sur le roman mais les dispositifs d'énonciation qu'il faut mettre en place pour pouvoir produire un roman comme "naturaliste". Écrire un roman naturaliste, c'est trouver des solutions à un certain nombre de problèmes d'énonciation: introduire des personnages, décrire, employer les temps, rapporter des paroles, etc. Développer un mouvement littéraire, ce n'est pas seulement élaborer une doctrine, c'est aussi mettre au point des techniques de production verbale qui soient répétables, qui ouvrent un espace de création bien au-delà de ses promoteurs. Pour saisir ce type de fonctionnement on ne peut pas se contenter d'examiner de loin les textes; il faut entrer dans le détail des énoncés et mobiliser des savoirs linguistiques très précis; il faut en outre s'appuyer sur les acquis de l'analyse du discours, au lieu de jeter un regard "innocent", qui en fait n'est pas innocent, mais informé par des catégorisations dont on n'a pas conscience. Pour terminer, j'insisterai sur l'idée que les rapportsentre sciences du langage et littérature ne sont véritablement intéressants que si l'on sort du modèle que l'on peut dire "applicationniste", où les littéraires ne feraient qu'''appliquer" les concepts des sciences du langage à un corpus qui serait leur chasse gardée et qu'ils devraient maintenir pur de toute contamination extérieure. Avec l'évolution récente des sciences du langage, les choses sont devenues beaucoup moins simples qu'au temps de la stylistique triomphante; nous assistons aujourd'hui à une reconfiguration générale du champ des études littéraires et nul ne peut dire précisément quel visage il va prendre. Une chose est sOre, l'âge d'or de la stylistique, qui s'est ouvert avec le romantisme, est en train de se fermer sous nos yeux. uploads/Litterature/ lanalyse-linguistique-du-texte.pdf

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