LA COMÉDIE DES SEXES : SEXUALITÉ FÉMININE ET SEXUALITÉ MASCULINE Fouzia Liget L

LA COMÉDIE DES SEXES : SEXUALITÉ FÉMININE ET SEXUALITÉ MASCULINE Fouzia Liget L'École de la Cause freudienne | « La Cause du Désir » 2012/2 N° 81 | pages 37 à 40 ISSN 2258-8051 ISBN 9782905040787 DOI 10.3917/lcdd.081.0037 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-la-cause-du-desir-2012-2-page-37.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L'École de la Cause freudienne. © L'École de la Cause freudienne. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Ibid. 37 La comédie des sexes : sexualité féminine et sexualité masculine Fouzia Liget L’un des soucis de Lacan, tout au long de son enseignement, est de redonner sa place au principe féminin laissé de côté dans la théorisation freudienne. Qu’introduit de nouveau Lacan concernant la vie amoureuse et en particulier la féminité ? Il a inter- prété le phallocentrisme isolé par Freud. Celui-ci pensait en trouver le fondement dans l’avoir anatomique, privilège du mâle. Lacan a su rapporter ce primat du phallus à un logocentrisme, qui est le lot commun des êtres parlants, qu’ils soient hommes ou femmes. Lacan a élevé le phallus au rang de signifiant. Ainsi, les deux sexes se déterminent rela- tivement au phallus. C’est au sujet de la sexualité féminine que « le chapitre Lacan contre Freud » est le plus évident1. Nous verrons comment, dans son texte « La signification du phallus »2 et dans le Séminaire V, Lacan interprète les rapports sexués entre être et avoir le phallus. Comme êtres de langage, les hommes et les femmes sont condamnés à emprunter, pour entrer en relation, les détours de la parole où règnent les masques du paraître : la mascarade côté féminin, et la parade virile côté masculin. C’est toute la difficulté que peut rencontrer un sujet pour approcher l’Autre sexe. Un patient témoignait ainsi de son impossibilité à conclure un flirt : il prenait la fuite dès qu’il s’agissait d’aller plus loin. « Taiseux » était le signifiant qui l’identifiait à toute la lignée masculine du côté paternel. Faire de sa féminité un masque Côté femme, écrit Lacan, c’est « pour ce qu’elle n’est pas qu’elle entend être désirée en même temps qu’aimée »3. Plus haut, il précise : « c’est pour être le phallus, c’est-à-dire le signifiant du désir de l’Autre, que la femme va rejeter une part essentielle de la fémi- nité, nommément tous ses attributs dans la mascarade »4. Mascarade vient de l’italien La Cause du désir no81 © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 17/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 177.51.205.36) © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 17/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 177.51.205.36) 5. Cf. s./dir. J. Rey & A. Rey, Le Petit Robert, Paris, Le Robert, 2012, p. 1545. 6. Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les formations de l’inconscient, Paris, Seuil, 1998, p. 326. 7. Ibid. 8. Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les formations…, op. cit., p. 454. 9. Cf. Rivière J., « La féminité en tant que mascarade », Féminité Mascarade. Études psychanalytiques réunies par M.-Ch. Hamon, Paris, Seuil, 1994, p. 13-26. 10. Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les formations…, op. cit., p. 350. 11. Ibid., p. 454. 12. Ibid. 13. Ibid., p. 350. 38 maschera qui veut dire masque. Au sens propre, on trouve cette définition dans le diction- naire : réunion de gens masqués, c’est-à-dire mise en scène trompeuse5. La mascarade relève du masque, du paraître. Le caractère problématique du désir se présente au travers du symptôme, sous la forme de ce que Lacan appelle le « masque du symptôme »6, titre de la leçon XVIII du Séminaire V. Dans cette leçon, il donne cette indication précieuse pour cerner ce qui se joue dans la mascarade : « La question est celle du lien du désir, qui reste un point d’interrogation, […] avec le symptôme dont il se revêt, c’est-à-dire avec le masque »7. Lacan souligne ainsi que le désir est refoulé et rejeté, là où il se présente sous la forme de question, d’énigme. Il s’agit, dans la mascarade, de faire « de sa féminité un masque »8. Ce masque de féminité dissimule habilement l’identification masculine en jeu9. Ce qui est donc refoulé dans la mascarade, c’est le désir féminin. Il ajoute que la femme a recours à la mascarade pour être désirée en même temps qu’aimée, incarnant à cet effet le phallus. La mascarade est tromperie, dévoilant ce qu’elle n’est pas. Lacan ne dit pas pour aimer et désirer. Ici l’accent est porté sur l’être : en tant qu’être le phallus. Ce qu’elle n’est pas : « Le fait qu’elle s’exhibe et se propose comme objet du désir, l’identifie de façon latente et secrète au phallus, et situe son être de sujet comme phallus désiré, signifiant du désir de l’Autre. »10 Le phallus est le signifiant du désir, il s’agit par la mascarade, « qu’elle en présente l’apparence, qu’elle paraisse l’être »11. Il y a un écart entre vouloir être le phallus, objet du désir de l’Autre, et avoir ou pas l’organe qui en porte la marque. Mais quel est son désir à elle ? À vouloir incarner le désir de l’Autre, être le phallus qui manque à l’Autre, son désir n’y est pas, il est refoulé. Lacan parle de divergence qui « s’établit entre être l’objet du désir de l’Autre, et avoir ou ne pas avoir l’organe qui en porte la marque »12. Cette féminité exilée s’exprime dans les symptômes et plaintes. Elle resurgit sous le masque du symptôme, signe que l’idéal qu’elle veut occuper ne tient pas. Cette identification au désir de l’Autre ne dit rien de son désir à elle, de son être de femme : « sa satisfaction passe par la voie substitutive, tandis que son désir se manifeste sur un plan où il ne peut aboutir qu’à une profonde Verwerfung, à une profonde étran- geté de son être par rapport à ce en quoi elle se doit de paraître »13. La clinique nous indique cette souffrance féminine, qui s’exprime au travers des reproches à l’égard du partenaire dont elle attend des signes d’amour : « il ne me dit pas qu’il m’aime », « il ne me parle pas ». Là où il y a demande, inversement, il y a écrase- ment du désir. Dès lors, elle étouffe, et les demandes ne font que masquer son désir Femme parmi les femmes © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 17/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 177.51.205.36) © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 17/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 177.51.205.36) 14. Lacan J., « La signification du phallus », op. cit., p. 694. 15. Ibid., p. 695. 16. Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les formations…, op. cit., p. 351. 17. Lacan J., « La signification du phallus », op. cit., p. 694-695. 18. Cf. Miller J.-A., « Causerie sur l’amour », Cahier, publication semestrielle de l’ACF–Val de Loire-Bretagne, n° 10, printemps 1998, p. 7-29. 19. Lacan J., « La signification du phallus », op. cit., p. 695. 20. Freud S., La vie sexuelle, Paris, PUF, 1999, p. 59. 21. Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les formations…, op. cit., p. 350. 22. Lacan J., Le Séminaire, livre VIII, Le transfert, Paris, Seuil, 2001, p. 150. 39 féminin dont elle ne veut rien savoir. C’est toute la valeur des plaintes qui s’expriment du côté féminin. Puisque son désir, elle en trouve le signifiant dans le corps de celui à qui s’adresse sa demande d’amour, « l’organe […] prend valeur de fétiche »14.Ainsi, pour le sujet féminin, il y a conjonction du désir et de l’amour. Le dédoublement, sorte d’infi- délité, porte sur le même homme : celui, castré, de l’amour, est simultanément posses- seur de l’organe qu’elle désire, « dont elle chérit les attributs »15. Ainsi, Lacan écrit : « pour la femme, le pénis symbolique est à l’intérieur, si l’on peut dire, du champ de son désir, au lieu que pour l’homme il est à l’extérieur »16. Côté homme : ravalement et disjonction « Chez l’homme par contre, la dialectique de la demande et du désir engendre les effets dont il faut admirer uploads/Litterature/ lcdd-081-0037.pdf

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