Écrivain marocain de langue française, Tahar Ben Jelloun est né à Fès en 1944.

Écrivain marocain de langue française, Tahar Ben Jelloun est né à Fès en 1944. Il a publié de nombreux romans, recueils de poèmes et essais. Il a obtenu le prix Goncourt en 1987 pour La Nuit sacrée. DU MÊME AUTEUR Harrouda roman Denoël, 1973, 1977, 1982 La Réclusion solitaire roman Denoël, 1976 et « Points », n o P161 Les amandiers sont morts de leurs blessures poèmes prix de l’Amitié franco-arabe Maspero, 1976 et « Points », n o P543 La Mémoire future Anthologie de la nouvelle poésie du Maroc Maspero, 1976 La Plus Haute des solitudes Misère affective et sexuelle d’émigrés nord-africains essai Seuil, 1977 et « Points », n o P377 Moha le fou, Moha le sage roman prix des Bibliothécaires de France et de Radio Monte-Carlo Seuil 1978 et « Points », n o P358 À l’insu du souvenir poèmes Maspero, 1980 La Prière de l’absent roman Seuil, 1981 et « Points », n o P376 L’Écrivain public récit Seuil, 1983 et « Points », n o P428 Hospitalité française Seuil 1984, 1997 La Fiancée de l’eau théâtre suivi de Entretiens avec M. Saïd Hammadi, ouvrier algérien Actes Sud, 1984 L’Enfant de sable roman Seuil, 1985 et « Points », n o P7 La Nuit sacrée roman prix Goncourt Seuil, 1987 « Points », n o P113 Jour de silence à Tanger récit Seuil, 1990 et « Points », n o P160 Les Yeux baissés roman Seuil, 1991 et « Points », n o P359 Alberto Giacometti illustré Flohic, 1991 La Remontée des cendres suivi de Non identifiés poèmes édition bilingue, version arabe de Kadhim Jihad Seuil, 1991 et « Points Poésie », n o P544 L’Ange aveugle nouvelles Seuil, 1992 et « Points », n o P64 L’Homme rompu roman Seuil, 1994 et « Points », n o P116 Éloge de l’amitié Arléa, 1994 et réédition suivi de Ombres de la trahison « Points », n o P1079 Poésie complète Seuil, 1995 Le premier amour est toujours le dernier nouvelles Seuil, 1995 et « Points », n o P278 Les Raisins de la galère roman Fayard, 1996 La Nuit de l’erreur roman Seuil, 1997 et « Points », n o P541 Le Racisme expliqué à ma fille document Seuil, 1998 et réédition suivi de La Montée des haines, 2004 et 2009 Médinas (photographies de Jean-Marc Tingaud) Assouline, 1998 L’Auberge des pauvres roman Seuil, 1999 et « Points », n o P746 Labyrinthe des sentiments roman (dessins de Ernest Pignon-Ernest) Stock, 1999 et « Points », n o P822 Cette aveuglante absence de lumière roman prix international Impac Seuil, 2001 et « Points », n o P967 L’Islam expliqué aux enfants document Seuil, 2002 et réédition augmentée de La Montée des haines, 2004 Les Italiens (photographies de Bruno Barbey) La Martinière, 2002 Amours sorcières nouvelles Seuil, 2003 et « Points », n o P1173 Maroc : les montagnes du silence (photographies de Philippe Lafond) Chêne, 2004 Delacroix au Maroc (avec des textes de Pédro de Alarcon, Edmondo de Amicis, Pierre Loti) Ricci, 2005 Partir roman Gallimard, 2006 et « Folio », n o 4525 Giacometti, la rue d’un seul suivi de Visite fantôme de l’atelier Gallimard, 2006 Le Discours du chameau suivi de Jénine et autres poèmes Gallimard, 2007 Les Pierres du temps et autres poèmes « Points poésie », n o P1709 L’École perdue (illustrations de Laurent Corvaisier) Gallimard Jeunesse, « Folio Junior », n o 1442, 2007 Sur ma mère Gallimard, 2008 et « Folio », n o 4923 Au pays Gallimard, 2009 et « Folio », n o 5145 Marabouts, Maroc (photographies Antonio Cores, Beatriz del Rio Garcia, dessins Claudio Bravo) Gallimard, 2009 Lettre à Delacroix Gallimard, « Folio », n o 5086 Jean Genet : le menteur sublime récit Gallimard, 2010 et « Folio », n o 5547 Harrouda roman Gallimard, 2010 Beckett et Genet, un thé à Tanger théâtre Gallimard, 2010 L’Étincelle Révoltes dans les pays arabes essai Gallimard, 2011 Par le feu récit Gallimard, 2011 Au seuil du paradis essai Editions des Busclats, 2012 Que la blessure se ferme poèmes Gallimard, 2012 Le Bonheur conjugal roman Gallimard, 2012 et « Folio », n o 5688 Lettre à Henri Matisse et autres écrits sur l’art « Folio », n o 5656 L’Ablation récit Gallimard, 2014 TEXTE INTÉGRAL ISBN 978-2-02-135053-1 (ISBN 2-02-065412-1, 1 re publication) © Éditions du Seuil, mars 2004 Cet ouvrage a été numérisé en partenariat avec le Centre National du Livre. Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. TABLE DES MATIÈRES Du même auteur Copyright I - ALI 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 II - MAMED 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 III - RAMON IV - LA LETTRE J’ai reçu une lettre ce matin. Une enveloppe en papier recyclé. Sur la tête de Hassan II en djellaba blanche, un tampon où la date et le lieu d’émission sont difficilement lisibles. J’ai reconnu l’écriture hachurée de Mamed. En haut à gauche, le mot « personnel » est souligné deux fois. À l’intérieur, une feuille jaunâtre. Quelques phrases, brutales, sèches, définitives. Je les ai lues et relues. Ce n’est pas une blague, un canular de mauvais goût. C’est une lettre destinée à me détruire. La signature est bien celle de mon ami Mamed. Il n’y a pas de doute. Mamed, le dernier ami. I ALI 1 Il avait l’habitude de dire : « Les mots ne mentent jamais ; ce sont les hommes qui mentent ; moi, je suis comme les mots ! » Mamed riait de sa trouvaille, sortait de sa poche une cigarette brune et entrait dans les toilettes du lycée pour la fumer en cachette. C’était la première de la journée ; il lui trouvait un goût particulier. Nous l’attendions tout en faisant le guet de peur que M. Briançon, l’intraitable surveillant général, n’intervînt. On le craignait parce qu’il était sévère et donnait des heures de colle aussi bien à ses deux enfants qu’à n’importe quel autre élève qui chahutait ou faisait le malin. Son humeur ne pouvait pas s’améliorer, surtout depuis le jour où son fils aîné fut appelé à faire son service militaire en Algérie. Nous étions en 1960. L’Algérie était déjà meurtrie par une guerre féroce. M. Briançon se retrouvait parfois avec M. Hakim, notre professeur d’arabe, qui lui aussi avait un fils au combat, enrôlé dans l’armée du FLN. Les deux devaient évoquer les horreurs et l’absurdité de cette guerre, mais aussi la volonté farouche des Algériens de recouvrer leur indépendance. Mamed était petit, les cheveux courts, le regard intelligent et avait de l’humour. Il était complexé par son physique sec et menu. Il pensait que tant qu’il n’avait pas parlé aucune fille ne lui prêterait attention. Il avait besoin des mots pour séduire, faire rire et aussi pour lancer des piques qui faisaient mal. On le savait toujours prêt à la bagarre, et rares étaient les gars qui le provoquaient. Nous étions devenus copains parce qu’il avait pris ma défense le jour où j’avais été attaqué par Arzou et Apache, deux voyous qui avaient été renvoyés du lycée pour vol et agression. Ils m’attendaient à la sortie et cherchaient à m’attirer dans une trappe en me disant « Al Fassi la teigne » ; « Al Fassi le juif »… À l’époque, les gens nés à Fès et émigrés à Tanger n’étaient pas aimés. On les appelait « les gens de l’intérieur ». Tanger avait un statut de ville internationale, et ses habitants se considéraient comme des privilégiés. Mamed s’était interposé entre les deux voyous et moi ; il montra sa détermination à se battre pour protéger son ami. Arzou et Apache rebroussèrent chemin en disant : « On plaisante, c’est tout ; on n’a rien contre les Peaux Blanches de Fès, c’est comme les juifs, on n’a rien contre eux, mais ils réussissent partout, allez, on plaisante… » Mamed me dit que j’avais la peau trop blanche et que je devrais aller à la plage me faire bronzer. Il ajoutait que lui aussi pensait que les Fassis avaient les mêmes caractéristiques que les juifs, mais que lui les admirait tout en étant un peu jaloux de leur statut de minorité dans la ville. Il disait aussi que les Fassis et les juifs étaient calculateurs et radins, intelligents et souvent brillants, mais que lui aussi aurait voulu être économe comme eux. Un jour, il me montra une page d’un magazine d’histoire où on disait que plus de la moitié des Fassis était d’origine juive. La preuve, disait-il en riant, tous les noms commençant par Ben sont juifs, des juifs venus d’Andalousie ; ils se sont convertis à l’islam. Regarde, la chance que tu as ! Tu es juif sans devoir porter la kippa, tu as leur mentalité, leur intelligence et en vérité tu es musulman comme moi. Tu gagnes sur les deux tableaux et même mieux, uploads/Litterature/ le-dernier-ami.pdf

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