Diplˆ ome et universit´ e en Tunisie dans les ann´ ees 1950 Kmar Bendana To cit
Diplˆ ome et universit´ e en Tunisie dans les ann´ ees 1950 Kmar Bendana To cite this version: Kmar Bendana. Diplˆ ome et universit´ e en Tunisie dans les ann´ ees 1950. Alfa, Maghreb et sciences sociales, 2004, 2004, pp.61-67. <halshs-00609870> HAL Id: halshs-00609870 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00609870 Submitted on 20 Jul 2011 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. A u cours des années 1950 en Tunisie, la mise en place d’un embryon d’uni- versité qui vient coiffer le système éducatif instauré par la direction de l’Instruction publique depuis le début du protectorat, coïncide avec une effervescence nationaliste où la population étudiante joue un rôle de premier plan. La jeunesse diplômée dont les effectifs croissent régulièrement revendique, entre autres, une place à la mesure de l’instruction acquise dans les cursus zaytûnien, khaldûnien, à l’étranger ou en Tunisie. La bataille politique et idéologique qui se développe autour de la reconnaissance officielle des diplômes supé- rieurs, illustre la force croissante de ce symbole de réussite dans l’aspiration élitaire des Tunisiens. Avec l’indépendance, le diplôme prend définitivement sa place dans l’organisa- tion juridique de l’enseignement universitaire et son statut de vecteur d’ascension sociale dans le nouvel État national. La présente enquête fait suite à deux travaux spécialement concentrés sur le premier noyau de l'université tunisienne, l'Institut des hautes études de Tunis (IHET) qui ouvre ses portes en 1945 1. Ce tableau d'une université embryon- naire créée dans l'immédiat après-guerre, cherchait à donner une idée des premiers balbutiements de cette institution, de ses programmes, de ses effectifs et de sa place dans le dispositif général de l'enseignement à cette époque. Il a permis de dégager quelques traits d'une politique coloniale, timidement offensive, désireuse de bâtir le dernier étage d'un édifice éducatif, certes contrôlé, mais pas complète- ment. En effet, les péripéties des premières années de cette institution faisaient écho à une animation particulièrement vive au sein de La Khaldûnia, association-académie qui acquiert, dès sa naissance en 1896, le statut d'annexe de la mosquée-université tunisoise, La Zaytûna. Reprenant le même type de sources – les archives de l'administration coloniale –, cette étude oriente le regard du côté du pôle Zaytûna – Khaldûnia. Au cours des années 1950, l'université musulmane et son annexe traversent une agitation qui touche à plusieurs problèmes : l'enseignement qu'on y dispense, le statut des enseignants, l'état et le devenir des étudiants. À côté des rapports de surveillance, des tableaux statistiques, des comptes rendus de fonctionnaires des services éducatifs, le dépouillement du Journal officiel livre une expression finalisée des atermoiements, lisse les hésitations, contradictions et interprétations contenues dans la littérature administrative produite au jour le jour. Les limites chronologiques de cette recherche sont : 1945-1960. La première borne marque la naissance de droit et de fait de l'IHET, la seconde est celle de la proclamation d'une université tunisienne par l'État indé- pendant. Au cours de cette quinzaine d'années et rien qu'en suivant les traces de la gestion administrative et de son officialisation à travers les décrets, les lois, les notes et règlements, on voit pointer, s'affirmer une vision des études universitaires. Entre celle qui transparaît à travers la correspondance et la politique de l'Instruction publique et celle de La Zaytûna et de La Khaldûnia, on assiste à une "invention" du diplôme, activée, exacerbée ou favorisée par le climat politique particulièrement chaud. Les Diplôme et université en Tunisie dans les années 1950 Kmar BENDANA-KCHIR 1. K. Bendana, 1991 ; idem, 1998. 62 Diplôme et université en Tunisie dans les années 1950 péripéties de la vie universitaire, discrète au regard de domaines plus voyants, reflètent des rapports conflictuels, des attitudes tactiques, une tension soutenue. L’hypothèse qui sous-tend cette étude est que le diplôme prend ou développe, en cette période idéologiquement intense, une dimen- sion nationale, une portée nationaliste symbolique. Cette représentation de la réussite, ce brevet d'intégration professionnelle, ce certificat de reconnaissance de l'accès au savoir acquiert une connotation nouvelle, en tous cas de plus en plus fortement marquée, exprimée et même agie, la valeur d'un sentiment de légitimité politique, le sens d'une réalité à imposer, d'une force à montrer (ou à démontrer). Dernière considération préliminaire : la démarche consiste à repérer l'apparition, l'organisation, la transformation des diplômes au cours de cette quinzaine d'années. Même si cette collecte n'est pas exhaustive (et cela entre autres parce que les archives de l'université de La Zaytûna et celles de La Khaldûnia 2 sont inaccessibles), elle permet, à cette étape, de comprendre les données d'un rapport de forces étouffé par des événements plus voyants ou plus violents, mais tout de même significatifs des enjeux idéologiques de cette période. Derrière la dualité, un système composite Le paysage de l'enseignement considéré comme supérieur, dans les années 1950, ressemble plutôt à une mosaïque éclatée. Composé d'institutions d'origine et de logique diverses, il ne constitue pas à proprement parler un système. Deux pôles apparaissent cependant distinctement : celui de l'université zaytûnienne (la mosquée-université proprement dite) auquel on peut rattacher La Khaldûnia et la constellation des créations successives au cours du protectorat. La Zaytûna – la plus ancienne des universités musulmanes 3, largement réor- ganisée sous Ahmed Bey 4 (1843) puis avec les réformes du ministre Khayreddine (1875) – met au point, vers la fin du XIXe siècle, de nouvelles modalités d’examens (l'épreuve de la mounadhara par exemple en 1892) et de diplôme (le tatwi', créé en 1898, couronne le cycle moyen). Suite à plusieurs "crises", quelques vagues de rénovations ont essayé d’adapter les programmes, cursus et budget de l'institution (1913, 1933, 1944) sans toutefois que l’enseignement zaytûnien acquière une convertibilité véritable quant aux débouchés de ses diplômes. Cela n’empêche pas le développement régulier des effectifs au point que la mosquée-université tunisoise a multiplié au cours du siècle et notamment après la Deuxième Guerre mondiale la création d’annexes importantes à Sousse, Sfax, Bizerte, Gafsa…5 qui grossiront le nombre d’étudiants achevant les trois cycles de cet enseignement. À cette institution locale ancestrale, le protectorat va adjoindre, pierre à pierre, un édifice éducationnel dont le dernier étage est représenté par une collection d’écoles et instituts spécialisés. Au cours des années 1950, une série de restructurations sont visibles dans ces établissements accrédités par la direction de l'Instruction publique qui dispensent un enseignement dit supérieur : les unes comme l'École coloniale d'agriculture 6 changent d'appellation, tandis que voient le jour des créations nouvelles, comme l'Institut des hautes études ouvert en 1945 ou l'École tunisienne d'administration qui démarre en 1949 7. Entre ces deux pôles de formation "concurrents" accrédités par des textes juridiques, La Khaldûnia 8 qui se dit annexe de La Zaytûna, est un institut où se déroule, depuis 1896, une expérience ouverte à de nouvelles exigences pédagogiques sans toutefois avoir la reconnaissance juridique de la mosquée-mère ou des établissements de l'Instruction publique. Les visées de cette association, prudemment qualifiée de culturelle, se déploieront de plus belle à partir de 1945 : la création d'instituts – 2. En dehors des séries – D et non classées – des Archives nationales de Tunisie et des documents du ministère français des Affaires étrangères et de la Résidence générale de France à Tunis, rassemblés dans le fonds microfilmé de l’Institut supérieur d’histoire du mouvement national (ISHMN), il serait intéressant d’explorer les archives de fonctionnement de l’institution, probablement conservées dans l’actuelle université de la Zaytûna. 3. Fondée en 734, un enseignement y est attesté à partir du XIIe siècle. 4. Parmi les réformes, la division de l’enseignement zaytûnien en trois étapes : primaire, moyen et supérieur. 5. Décret de 1947. 6. Créée en 1898, elle est classée en 1947 comme École supérieure d'agriculture et devient, le 10 novembre 1955, l'École nationale supérieure d'agriculture. 7. Décret beylical du 3 février 1949. 8. M. Sayadi, 1974. 63 Kmar BENDANA-KCHIR Institut d’études islamiques, 1945, Institut arabe de droit, 1946, Institut arabe de philosophie, 1946, etc. –, l’établissement de diplômes ad hoc et la recherche d'équivalences lui vaudront la dénomination d’Université tunisienne populaire. Plus que les réformes de La Zaytûna, ces offensives disent la soif d’asseoir un enseignement supérieur, ouvert et moderne, digne d'égaliser les cursus légitimés par l'administration du protectorat en dotant les nouvelles filières de la reconnaissance d’universités plus anciennes (Égypte, Irak, Syrie…) et de flexibilité pour des débouchés. Dans cette situation de fin de colonisation, la dualité du système de formation en Tunisie se conjugue avec des expériences médianes de plus en plus tapageuses qui expriment une volonté farouche de construire un nouvel enseignement de qualité en lui forgeant des accointances extra-locales. Au sein de cette fondation privée, un enseignement "supérieur" tente de s’imposer, à côté de la dernière étape uploads/Litterature/ article-k-bendana-alfa-hors-sa-rie-2004.pdf
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- Publié le Apv 03, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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