LE RAPPORT SEXUEL, LACAN VERSUS RATZINGER Antonio Di Ciaccia L'École de la Caus

LE RAPPORT SEXUEL, LACAN VERSUS RATZINGER Antonio Di Ciaccia L'École de la Cause freudienne | « La Cause freudienne » 2009/3 N° 73 | pages 7 à 13 ISSN 2258-8051 ISBN 9782905040671 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-la-cause-freudienne-2009-3-page-7.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L'École de la Cause freudienne. © L'École de la Cause freudienne. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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On doit distinguer la négation d’une proposition écrite, de la non-écriture de cette proposition »1. Nous rappelant que Lacan n’a jamais formulé ni écrit le mathème du il n’y a pas…, J.-A. Miller – dans un élan pédagogique, comme il le dit lui-même – en propose au contraire une écriture : « j’ai représenté l’absence de rapport sexuel en prenant simplement le symbole de l’ensemble vide, et j’ai [écrit] au-dessus le sigma du symptôme »2. Son argumentation se développe sur deux niveaux. Lacan n’a pas écrit le mathème de ce « Il n’y a pas », car il s’agit d’un autre manque que celui de la forclusion – qui, elle, est en revanche formalisée, au moyen des symboles P0 ou F0. « La forclusion est un trou. En revanche, le “Il n’y a pas de rapport sexuel” n’est pas un trou, et c’est la raison pour laquelle Lacan ne l’a jamais écrit comme tel : c’est un pur “Il n’y a pas”. » Et puis – soutient J.-A. Miller –, « ce n’est pas par hasard qu’on ne trouve jamais chez Lacan le mathème de l’absence du rapport sexuel, et qu’elle est seulement énoncée dans la langue sous la forme : “Il n’y a pas” ». Les textes de cette rubrique sont issus de quelques-uns des travaux présentés au congrès annuel de la Scuola laca- niana di psicoanalisi (16-17 mai 2009, Naples) qui avait pour titre Variazioni sessuali e realtà dell’inconscio [« Variations sexuelles et réalité de l’inconscient »]. *Antonio Di Ciaccia est psychanalyste, membre de l’École de la Cause freudienne et de la Scuola lacaniana di psicoanalisi [SLP]. Ce texte a été présenté lors des Journées annuelles de la SLP (16-17 mai 2009, Naples) qui avaient pour titre Variazioni sessuali e realtà dell’inconscio [« Variations sexuelles et réalité de l’inconscient »]. 1. Miller J.-A., in IRMA (coll.), La conversation d’Arcachon, Paris, Agalma / Seuil, 1997, p. 260. 2. Ibid., p. 259-261. 7 la Cause freudienne n° 73 © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 188.77.46.168) © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 188.77.46.168) Antonio Di Ciaccia 8 Le rapport sexuel entre un homme et une femme, poursuit J.-A. Miller, pourrait cependant s’écrire de manière simple : ce serait H  F. En outre, on pourrait nier ce rapport et dire qu’il n’y a pas, en mettant le signe de la négation devant H  F. Hé bien, dit-il, ce « il n’y a pas », cette négation, n’écrit pas du tout le « Il n’y a pas de rapport sexuel » de Lacan. Ainsi, il y a lieu de bien différencier la négation de l’écriture H <> F d’un autre type de négation, qui concerne au contraire H  F qui n’est pas écrit et qui ne peut l’être. Il en ressort deux points majeurs : – Le « Il n’y a pas de rapport sexuel » ne peut pas être écrit mais il peut être dit. – Étant donné qu’il ne peut pas être écrit, on peut essayer d’écrire autre chose à la place où il aurait hypothétiquement dû se trouver inscrit. Des écritures de suppléance Ainsi, à la place du « Il n’y a pas de rapport sexuel », on trouve des écritures qui suppléent à ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire. La première écriture lacanienne de ces suppléances est le Nom-du-Père. Pluralisée, elle est devenue cette suppléance que Lacan appellera le sinthome, différent en ce qu’il ne cesse pas de s’écrire. D’une part, on a donc le symptôme, soit ce qui ne cesse pas de s’inscrire, et, d’autre part, on a ce qui dit qu’il y a rapport sexuel, tout en ne pouvant pas pour autant l’écrire. Je « n’énonce pas qu’il ne cesse pas de ne pas se dire, […] mais de ne pas s’écrire »3, dit Lacan à propos du réel, en indiquant sa juxtaposition avec le « il n’y a pas de rapport sexuel ». « Le rapport sexuel, il faut le reconstituer par un discours. » Le discours amoureux, sous ses différentes formes, est une modalité de dire le rapport sexuel. Le fantasme en est une autre. Le dire analysant en est une également, même si l’analysant, alors qu’il croit dire la vérité, peut avoir le soupçon que, dans son dire, il ne cesse au contraire de dire la variété, ou plus précisément la « varité » du symptôme4. C’est la fonction du discours – des quatre discours. Finalement, comme le rappelle Lacan, c’est le langage lui-même qui sert de suppléance au « Il n’y a pas de rapport sexuel » : « Nous trouvons là, autour de la fonction parlante, quelque chose qui isole l’homme. Et ce n’est qu’en fonction de ceci, qu’il n’y a pas de rapport sexuel. Ce que nous pouvons appeler dans l’occasion le langage y suppléerait. C’est un fait – le bla-bla meuble ce qui se distingue de ce qu’il n’y a pas de rapport. »5 Ainsi, Lacan a parfois nommé diverses façons de suppléer au « il n’y a pas de rapport sexuel », soit les diverses manières de dire qu’« Il y a rapport sexuel » bien qu’on n’arrive jamais à l’écrire. Il y a rapport, dit Lacan, « dans la mesure où il y a sinthome »6. Un lit, un lit d’amour et non pas seulement un lit d’hôpital, précise Lacan, peut nous donner « une idée de ce qu’il en est de ce fameux rapport. Ce 3. Lacan J., Le Séminaire, livre XXIV, « L’insu que sait de l’une bévue s’aile à mourre », Ornicar ?, no 17/18, 1979, p. 17. 4. Ibid., p. 14 & 15. 5. Ibid., Ornicar?, no 15, 1978, p. 8. 6. Lacan J., Le séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Paris, Seuil, 2005, p. 101. © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 188.77.46.168) © L'École de la Cause freudienne | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 188.77.46.168) Le rapport sexuel : Lacan versus Ratzinger rapport se lie, c’est le cas de le dire, d’un lien étroit, au sinthome. C’est bien ce qui résulte, mon Dieu, de tout ce que j’entends sur un autre lit, le fameux divan où on m’en raconte à la longue ». Petite parenthèse : le « Il n’y a pas de rapport sexuel », Lacan l’articule à son École. Lorsqu’il dissout l’École freudienne de Paris, ses propos en portent la trace, sous les espèces d’une métaphore amoureuse : « Tel le rendez-vous célèbre des amoureux lors d’un bal à l’Opéra. Horreur quand ils laissèrent glisser leur masque : ce n’était pas lui, elle non plus d’ailleurs. Illustration de mon échec à cette Hétérité7, – pardonnez mon Ubris – qui m’a déçu assez pour que je m’en délivre de l’énoncé qu’il n’y a pas de rapport sexuel. »8 C’est en ces termes que Lacan liquide l’affaire avec son École, qu’il a lui-même fondée. N’entrons pas dans la politique, mais soulignons que toute la construction qui concerne le « Il n’y a pas de rapport sexuel » tourne précisément autour du terme qui focalise aujourd’hui le travail de l’École Une et de l’AMP, à savoir le semblant. Lacan le rappelle ainsi : « Si ce que Freud a dit a un sens, cette dialectique de la vérité et du semblant se situe au niveau de ce que j’ai désigné du terme de rapport sexuel. »9 Pour Lacan, tout ce qui vient à la place du « uploads/Litterature/ le-rapport-sexuel-lacan-versus-ratzinger.pdf

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