L es travaux des chercheurs restent trop méconnus des enseignants. Cette distan
L es travaux des chercheurs restent trop méconnus des enseignants. Cette distance entre recherche et terrain, Britt-Mari Barth l’a toujours combattue avec le souci constant de rapprocher le monde des praticiens et celui des cher- cheurs pour conjuguer leurs complémentarités et concevoir de meilleurs environnements d’apprentissage pour les élèves. S’appuyant sur les travaux de Bruner et de Vygotski, mais aussi de Varela, de Damasio ou d’Edgar Morin, l’auteur s’attache, dans son dernier ouvrage1, à promouvoir « un cadre à la fois pratique – comment s’y prendre ? –, théorique – selon quels principes ? – et éthique – au nom de quelles valeurs ? ». C’est ce cadre qui – grâce à la médiation de l’enseignant et à la collaboration entre pairs – va permettre, à partir des supports et activités proposés, de susciter la pensée et d’aider ainsi à apprendre. Il y est beaucoup question d’éduquer le regard des élèves comme des enseignants pour forger leur discernement et leur jugement afin de mieux « exercer leurs responsabilités au sein d’une société démocratique confrontée à un futur incertain ». Les lecteurs trouveront dans la première partie de l’ouvrage le cadre théorique, les concepts, les outils élaborés et enrichis depuis plus de trente années. La seconde partie leur fera franchir la porte des salles de cours à travers l’analyse de quatre expérimentations menées en France et au Québec (primaire, se- condaire, Université). Parce que l’éditeur – c’est une originalité intéressante – met à disposition sur le web2des vidéos d’extraits de ces cours, un va-et-vient est rendu possible entre lecture et visionnement, entre observation et analyse. Dans la continuité On appréciera l’insistance mise, en référence à Vygotski ou à Damasio, sur la nécessité de ne pas séparer émotion et pensée. Le bon fonctionnement intellectuel dépendrait de « la façon dont nous percevons la place qui nous est réser- vée dans un groupe d’appartenance, la confiance que nous pouvons avoir dans la relation pédagogique, l’image […] qui nous est renvoyée par autrui ». Il devient donc essentiel que l’enseignant investisse ce rôle de médiateur, cette fonc- tion « d’étayage » pour installer la confiance, donner à cha- cun une place, faciliter la mise en relation avec les savoirs, pour chaque élève, particulièrement les plus en difficulté. Car l’approche préconisée par Britt-Mari Barth se fonde sur la volonté d’enrayer « le gâchis humain et intellectuel » du blocage face aux apprentissages : c’est ce qui a été le déclencheur de ses travaux. Il n’y a pas de fatalité de l’échec scolaire : l’une des expériences rapportées, sur l’écriture d’un roman policier dans une classe de CM1 en ZEP, en est l’une des illustrations. Trente ans de recherche, trois ouvrages (cf. encadré) : d’un titre à l’autre le regard se déplace. Dans la continuité des deux précédents, ce troisième les prolonge et les accomplit en mettant l’accent sur les per- sonnes de l’élève et de l’ensei- gnant – sans pour autant négliger la rigueur des appren- tissages. Des personnes situées dans un environnement, appe- lées à vivre ensemble dans une culture commune : quand on s’intéresse vraiment à la pédagogie, l’anthropologie et l’éthique ne sont jamais bien loin. 1. Britt-Mari Barth, Élève chercheur, enseignant médiateur - Donner du sens aux savoirs, Retz, 2013, 140 p., 21,10 €. 2. À l’adresse : www.editions-retz.com (saisir « Élève chercheur » dans la fenêtre « Rechercher », puis cliquer sur le titre du livre). Dans la classe N° 353, février - mars 2013 Enseignement catholique actualités41 C’est pour enrayer le « le gâchis humain et intellectuel » du blocage face aux apprentissages que Britt-Mari Barth a repris la plume. Avec sa partie théorique, suivie d’une analyse d’expérimentations françaises ou québécoises, son nouveau livre s’attache, comme les précédents, à rapprocher chercheurs et praticiens. Trois qui se suivent… Dans son dernier livre, Britt-Mari Barth met l’accent sur les personnes de l’élève et de l’enseignant. Nous lui avons demandé s’il fallait y voir une signification particulière. « Oui, certainement. Dès mon premier livre* j’avais l’intuition que l’affectif était le facteur le plus important pour apprendre. Il fallait donc mieux comprendre les processus cognitifs susceptibles d’aider les élèves à apprendre et ainsi à prendre confiance en eux. J’ai alors analysé les difficultés de compréhension des élèves et mis en place des “scénarios” visant à contourner celles-ci. Non seulement les élèves apprenaient mieux, mais ils prenaient également conscience qu’ils étaient à présent mieux outillés pour apprendre. Mon deuxième livre** propose cinq conditions pour aider l’enseignant à engager les élèves et à favoriser les interactions entre eux et avec le savoir. Dans ce troisième livre, avec les enseignants eux-mêmes, nous mettons en œuvre cette grille, dans différentes classes. Cela nous permet – in fine – de pleinement prendre conscience du fait que l’activité cognitive émerge dans les espaces relationnels. » Propos recueillis par Nicole Priou * L’apprentissage de l’abstraction, Retz, 2001. ** Le savoir en construction, Retz, 2002. Britt-Mari Barth Photo : S. Cannasse NICOLE PRIOU 353 p40-41 reflexion(4):- 25/02/13 09:24 Page41 uploads/Litterature/ 353-britt-mari-barth 1 .pdf
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- Publié le Apv 18, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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