Texte 1 - Objet d’étude : le théâtre du XVIIe au XXIe siècle Œuvre intégrale
Texte 1 - Objet d’étude : le théâtre du XVIIe au XXIe siècle Œuvre intégrale : Molière, Le Malade imaginaire (1673). Extrait : « Mademoiselle, ne plus ne moins […] de beaux discours. » (acte II, scène 5) Parcours associé : Spectacle et comjstaédie. 5 10 15 THOMAS DIAFOIRUS.-Mademoiselle, ne plus ne moins que la statue de Memnon rendait un son harmonieux, lorsqu’elle venait à être éclairée des rayons du soleil, tout de même me sens- je animé d’un doux transport à l’apparition du soleil de vos beautés. Et comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son pôle unique. Souffrez donc, Mademoiselle, que j’appende aujourd’hui à l’autel de vos charmes l’offrande de ce cœur, qui ne respire ni n’ambitionne autre gloire, que d’être toute sa vie, Mademoiselle, votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur et mari. TOINETTE, en le raillant.- Voilà ce que c’est que d’étudier, on apprend à dire de belles choses. ARGAN.-Eh ! que dites-vous de cela ? CLÉANTE.-Que Monsieur fait merveilles, et que s’il est aussi bon médecin qu’il est bon orateur, il y aura plaisir à être de ses malades. TOINETTE.-Assurément. Ce sera quelque chose d’admirable, s’il fait d’aussi belles cures qu’il fait de beaux discours. Molière, Le Malade imaginaire (II, 5 ; 1673). 20 25 30 Texte 1 - Objet d’étude : le théâtre du XVIIe au XXIe siècle Remarque : ce corrigé n’est pas rédigé intégralement, de manière à faciliter les révisions. Ne pas adopter ce genre de présentation lors de la rédaction d’un commentaire organisé (épreuve écrite). 1. Présentation de l’extrait En 1673, dans Le Malade imaginaire, Molière met en scène Argan, qui fait vivre son entourage au rythme de ses maladies imaginaires et qui, par intérêt personnel, veut marier sa fille Angélique à un étudiant en médecine. Ce texte est issu de la scène centrale de la dernière comédie du dramaturge ; une scène qui confronte deux camps qui s’opposent au sujet du mariage d’Angélique. Il s’agit ici du moment où Thomas Diafoirus, fils d’un médecin d’Argan, doit faire sa déclaration et demande au bourgeois la main de sa fille. De son côté, Cléante, jeune homme qui aime Angélique, a pu, grâce à Toinette, entrer dans la maison d’Argan (il passe pour le remplaçant du maître de musique d’Angélique) ; il est donc contraint d’assister au spectacle pathétique d’une jeune homme maladroit qui ne connaît sa future épouse que depuis quelques instants. 2. Structure, mouvements du texte Les deux mouvements que nous pouvons délimiter dans l’extrait : a) le compliment maladroit et emphatique de Thomas (l. 1-21) ; b) les réactions contrastées de l’auditoire (l. 22-33). 3. Lecture expressive de l’extrait 4. Annonce de la problématique (projet de lecture) Ma lecture commentée se propose de répondre à la question suivante : “Comment Molière suscite-t-il le rire en représentant le danger d’un mariage arrangé ?ˮ 5. Explication linéaire Le premier mouvement du texte est la tirade de l’étudiant en médecine, remarquable d’emphase et de ridicule, qu’il faut imaginer prononcée sous un costume de médecin de l’époque (haut chapeau, fraise autour du cou, habit long). Les gestes d’orateur mal maîtrisés, les accents à contretemps, les hésitations et tremblements divers sont au nombre des particularités scéniques de l’extrait. Le nom du personnage : le nom « Diafoirus », qui combine le préfixe grec dia, le suffixe latin à connotation savante -us et le mot français réaliste foire (qui désigne aussi la diarrhée), souligne le ridicule d’un apprenti médecin réduit satiriquement par Molière, comme son père, à la prescription de lavements. D’emblée le spectateur saisit que Thomas n’est sorti ni des cours de l’Université, ni de l’emprise exercée par un père autoritaire. Sa maladresse est exagérée à des fins comiques, et on rappelle qu’il vient de prendre Angélique pour sa belle-mère, ce qui disqualifie de toute façon l’éloge qu’il s’apprête à énoncer. Le « compliment » de Thomas est rigoureusement structuré et repose sur la syntaxe oratoire latine des périodes : trois périodes, longues phrases présentant une phase ascendante plus longue (protase), un sommet (« soleil » ; « astre du jour », « toute sa vie ») et une phase descendante (apodose). On l’a compris, il ne s’agit d’un poème lyrique improvisé, mais d’une sorte de démonstration. La 1ère phrase se distingue par : -la longue comparaison homérique (« ne plus ne moins…, tout de même », l. 2 et 5) ; cette comparaison, pourtant bien entamée, est gâchée à la fin par l’expression redondante « soleil de vos beautés » (l. 7) ; -la référence érudite aux colonnes de Memnon, au bord du Nil (l. 2-5) et à la légende qui leur est associée ; -l’emploi de l’expression archaïque, même à l’époque de Molière, « ne plus ne moins » (l. 2) : vient du latin nec (« et… ne… pas »). « Ne » a été supplanté par « ni » dès le XVIIe s., mais Thomas emploie l’ancienne forme à dessein, pour impressionner Angélique par un vocabulaire recherché. Un personnage n’a pas pris la parole, alors même qu’elle est présente : Angélique. C’est la façon qu’a choisie Molière de signifier l’inutilité et la vacuité de la déclaration du jeune Thomas, mais aussi de créer un certain effet d’attente. Le spectateur peut imaginer une Angélique témoignant silencieusement d’un certain dégoût. Dans la 2e période (de longueur similaire à la première : 38 mots), nous constatons que le jeune homme persiste dans sa volonté d’exposer son érudition et la maîtrise d’un discours complexe. Soyons sensibles : -aux expressions hyperboliques (« sans cesse », « toujours », « son pôle unique » ; l. 9-10, 12, 14) qui alourdissent le propos et donnent à la déclaration un caractère ampoulé. -à l’emploi d’une nouvelle expression ancienne : « dores-en-avant » est pourtant supplanté dès le XVIe s. par « dorénavant » ! -à une nouvelle comparaison, cette fois de nature scientifique : le jeune étudiant y décrit l’héliotrope (l. 7-10) à l’intérieur d’une structure aussi longue que la première. L’emploi de l’expression de l’expression « les naturalistes remarquent » est empreinte de ridicule dans la mesure où les réactions de cette plante, communément appelée « tournesol », sont connues de tous. -à la redondance créée par le développement inutile de cette comparaison (« les astres resplendissants de vos yeux », l. 12-13). Il faut aussi remarquer que l’association métaphorique « beauté de la femme - astre » relève de la platitude poétique. -au rythme ternaire qui caractérise l’énoncé de ces deux périodes (« Et comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, // aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, // ainsi que vers son pôle unique ») : ce rythme est habituellement adapté à la rhétorique argumentative. Son emploi suggère une certaine maladresse qui s’oppose à la sincérité lyrique qu’on attendrait dans ce genre de situation. -au comique de situation : Thomas fait allusion, dans un langage périphrastique et précieux (« vos yeux adorables », « vos beautés » ; l. 7 et 13) au charme physique d’Angélique, alors qu’il vient de la rencontrer ! La 3e période ne contraste en rien avec l’impression générale d’un discours amoureux qui manque sa cible : -la conj. de coord. « donc » relève de la démonstration ; celle-ci est pour le moins rudimentaire, car elle revient à dire : « Vous êtes d’une beauté radieuse, par conséquent je vous sacrifie mon coeur ». -une 3e comparaison cliché apparaît, celle du coeur porté sur l’autel de la dame (« j’appende aujourd’hui à l’autel de vos charmes l’offrande de ce coeur », l. 15-17) : le déictique précieux (« ce » au lieu de « mon ») et l’emploi du terme religieux spécialisé « appende » expriment une solennité exagérée. -la phrase se termine par la formule administrative « votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur » complétée in extremis par « et mari » (l. 21), ce qui ôte à la déclaration toute spontanéité et brise le rythme ternaire, si bien que l’effet de fermeture de la période est annulé. Ce discours précieux, qui relève davantage de la récitation d’écolier que de la déclaration sincère, produit des effets opposés sur les autres personnages, selon leur camp. -Toinette, quoiqu’elle parle peu, joue un rôle important : ses courtes remarques ironiques (voir la didascalie, l. 22) font d’elle le porte-parole discret de l’auteur et indiquent implicitement au spectateur que cette scène est plus sérieuse qu’il n’y paraît. Aux lignes 22-24, dans la réplique « Voilà ce que c’est que d’étudier, on apprend à dire de belles choses », on note la mise en relief par les deux présentatifs « voilà » et « c’est », la virgule suppléant l’absence de lien logique causal entre les deux propositions, ainsi que l’antiphrase « belles uploads/Litterature/ les-16-textes-presentes 1 .pdf
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- Publié le Apv 01, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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