LES TRENTE PREMIERS VERSETS DE LA LITANIE D’OSIRIS À ESNA (ESNA 217)* PAR CHRIS
LES TRENTE PREMIERS VERSETS DE LA LITANIE D’OSIRIS À ESNA (ESNA 217)* PAR CHRISTIAN LEITZ Àgyptologisches Institut der Universitat Tübingen SchloG Hohentübingen D-72070 Tübingen L’état des recherches sur les litanies d’Esna n’a pratiquement pas changé depuis la mort de Serge Sauneron en 1976 : six ans après le tragique accident, son manuscrit a été publié par les soins de J. J. Clère, devenant le huitième volume de la série Esna. Comme Clère le relève dans son avant-propos, Sauneron en avait entièrement rédigé le texte principal, mais il manquait une révision et une harmonisation finales du manuscrit. Au cours des vingt- cinq dernières années, quelques versets ont été cités, traduits et parfois commentés ici et là, mais d’une manière générale, ces litanies sont considérées comme relevant d’un jeu de l’écriture ptolémaïque, comparables aux deux hymnes à Khnoum, écrits presque exclusive ment avec des hiéroglyphes figurant des béliers ou des crocodiles. Le début de la litanie d’Osiris est gravé sur la colonne 3, laquelle date du règne de Domitien (81-96) ; la fin est située sur la colonne 2, gravée un peu plus tard, sous le règne de Trajan (98-117). A priori, ce texte est facile à lire, tout comme celui des autres litanies; il est établi que les trois premiers signes, après le n datif, se lisent Wsîr, ou plus exactement, il s’agit des trois consonnes w, s et r. Les épithètes - habituellement entre une et trois - sont écrites conventionnellement et posent rarement des problèmes de lecture. Sauneron parle d'une véritable alchimie hiéroglyphique dont il n’a trouvé que très peu d’exemples ailleurs, où, selon ses propres mots, «dans l’orthographe des noms divins doi vent pouvoir se retrouver toutes les épithètes possibles de la divinité, et comme les élé ments essentiels servant à écrire les actes ou les attitudes qu’on lui prête. Autrement dit, l’explication par calembour ne porte pas sur le nom dans son ensemble, ni même sur le son individuel des consonnes qui le composent, mais sur les possibilités graphiques offertes par * Les thèmes abordés dans cet article ont fait l’objet de deux conférences à l’École Pratique des Hautes Études, section des Sciences religieuses, à l’invitation de Christiane Zivie-Coche, qu’il m’est agréable de remercier pour cet honneur et pour son hospitalité pendant mon séjour parisien. Ivan Guermeur a bien voulu corriger le texte français de mes quatre conférences à la Sorbonne mais aussi celui de cette contribution pour la RdE ; qu’il trouve ici mes remerciements les plus sincères. Cette étude - quoique déjà assez longue — n’est qu’un rapport préliminaire d’un projet beaucoup plus vaste qui abordera toutes les litanies à Esna ; un projet dont l’achèvement, du fait des multiples obligations de l’auteur, n’est envisagée que dans quelques années. Revue d'Égyptologie 59, 231-266. doi: 10.2143/RE.59.0.2036291 Tous droits réservés © Revue d’Égyptologie, 2008. Originalveröffentlichung in: Revue d’Égyptologie 59, 2008, S. 231-266 232 Chr. LEITZ les signes qui servent à l’écrire. Le jeu de mots n’est plus phonétique, mais orthogra phique, et il ne peut être sensible qu’à celui qui lit ces textes». Sauneron avait pu isoler sept cas principaux de ces jeux extraordinairement complexes et subtils1. Pour ma part, j’ai essayé, dans un premier temps, de ne travailler qu’avec trois catégo ries : une graphique, une phonétique et une autre allégorique (cette dernière étant plus ou moins la même que le sixième cas de Sauneron). Comme souvent, ce premier essai se révéla peu concluant ; il est en effet parfois difficile d’opérer des distinctions entre les dif férentes catégories, un même phénomène pouvant assez souvent appartenir à deux catégo ries. Il faut d’abord remarquer qu’on ne peut se contenter, simplement, d’établir les pos sibles relations existant entre l’écriture du nom divin et ses épithètes (le texte en clair). Bien au contraire, la plupart des textes et des allusions qui en découlent sont, au premier abord, absolument incompréhensibles. Sauneron a, bien entendu, essayé de déterminer la structure sous-jacente des litanies et les a comparées avec des arétalogies grecques d’Isis. Toutefois, il a fini par confesser que «ici, rien de semblable. Nous avons relu maintes fois, verset après verset, les diverses litanies, avec l’espoir de déceler quelque disposition sub tile dont la trame nous aurait d’abord échappé, en vain»2. Finalement, j’en suis arrivé à la conclusion que l’on pouvait expliciter tous les phéno mènes avec un classement en cinq catégories : A) purement graphique ; B) une catégorie graphique/phonétique ; C) une catégorie purement phonétique ; D) une catégorie phoné tique/allégorique ; et enfin, E) une catégorie purement allégorique. La catégorie A) peut être subdivisée en deux groupes : soit on fait des allusions avec exactement le même signe, soit on utilise un signe apparenté à l’autre. Dans la terminologie de Sauneron, il s’agit des catégories 1, 2 et 7. Chacune des cinq catégories se combine librement avec un élément du même verset x ou du suivant x+1 ou encore du verset x+2 ; il s’agit, en principe, de la clef qui permet la compréhension du texte. La seule litanie d’Osiris occupe, dans Esna VIII, trois pages et demie de hiéroglyphes tandis qu’il en faut vingt-et-une pour reproduire en typographie l’ensemble des litanies ; mon commentaire, qui ne traite que des trente pre mier versets de la litanie d’Osiris, ne fait déjà pas moins de quarante pages et ceci n’en est pas la fin. Verset (1): n Wsir Wnn-nfr mV-hrw nsw ntrw ntr ei hry-ib Tï-sny «À Osiris-Onnophris, juste de voix, roi des dieux, le grand dieu, qui réside à Esna». A. Catégorie graphique (lb) : le lièvre (Æa) dans le texte d’accompagnement renvoie au même signe qui se trouve au verset suivant, dans l’écriture de Sokar-Osiris. 1 S. Sauneron, L’écriture figurative dans les textes d’Esna (Esna VIII), 1982, p. 56-58. 2 Esna Vin, 13. RdE 59 (2008) LES TRENTE PREMIERS VERSETS DE LA LITANIE D’OSIRIS À ESNA (ESNA 217) 233 ^<==)£i A. Catégorie graphique (lb) : sert de chaîne graphique entre les versets (1) et (2). C. Catégorie phonétique (la) : la fleur de lotus (^^) a aussi la valeur Wn-nfr, c’est-à-dire qu’elle rappelle le du texte en clair du verset (1). C. Catégorie phonétique (la-b) : Isis et Nephthys associées (îM) ont la valeur snty, qui dérive de snty «les deux sœurs». Elles renvoient ainsi au groupe snt (~~~@) des versets (1) et (2), employé dans l’écriture de Tl-sny. C. Catégorie phonétique (2a) : l’allusion se retrouve dans la fleur de lotus (^2?) qui se lit aussi ssny «lotus». On obtient donc, par calembour, une allusion au de l’écriture de Ti-sny : ssn devient tycucyeN en copte, les deux sifflantes s’étant rapprochées3 4 . ‘‘y C. Catégorie phonétique (2b) : O évoque le &o. figurant dans l’écriture de Sokar-Osiris au verset (2). D. Catégorie phonétique/allégorique (la-b) : l’allusion qui suit fonctionne avec l’enfant sur la fleur de lotus (O1), groupe qui peut se lire wn (P < wdhA, «enfant» et '22 < nhb, «fleur de lotus») ; autrement dit, on obtient un renvoi au Æs. du texte d’accompagnement et au verset (2). Par ailleurs, l’enfant solaire sur la fleur de lotus (Ô) évoque aussi le mythe de la naissance d’Osiris, dont une des descriptions les plus détaillées figure au temple d’Opet à Kamak5 : «Lorsqu’elle (la déesse ’lpt-wrt) se hâta <vers> le temple de ’lpt-wrt, elle accoucha (hms.s)6 d’Onnophris, juste de voix, en tant qu’aîné de Geb (ou comme première étoile). La lumière (Sw) se lève sur la terre ainsi que sur ses frères, dans leur lieu de naissance (st-mshnt) ; ils sont à côté de lui, dans sa place et Nout devient le nom du ciel et ses enfants deviendront ses étoiles7. La8 lumière (sw) brille dans tout le nome thébain (Wlst) et dans le temple de ’lpt- wrt ; la couronne blanche est sur sa tête et Turaeus l’entoure, Sa Majesté est un bel adoles cent (hwn nfr) ; on l’appela wn (peut-être enfant) au commencement (m-hk), au moment où la lumière (wny) parut sur sa brique de naissance (mshnt.f) ; il ouvrit (wn) la matrice (nfrt)9 (?) dès le début (m i'j')...?...10, avant ses frères : ainsi le nomma-t-on Onnophris, juste de voix, lorsqu’il fut créé à Thèbes (WJst).» Un autre texte se trouve dans le voisinage du pré cédent, au bandeau du soubassement11 : «En ce jour parfait qui se produisit à Thèbes (Nlwt), 3 C’est-à-dire que le c s’est assimilé, au voisinage d’un cy, à cy° : cf. M.-L. Ryhiner, L’offrande du Lotus (Rites égyp tiens VI), 1986, p. 3. 4 Esna VIII, p. 115, n° 16. 5 Opet I, p. 183 (le début de la partie traduite ici se trouve à la colonne 3, côté sud) ; cf. la traduction de C. De Wit, Les inscriptions du temple d’Opet à Kamak, III (BAe 13), 1968, p. 101-102 et son commentaire p. 146 ; voir également Fr.-R. Herbin, Le livre de parcourir l’éternité (OLA 58), 1994, p. 176-177 et Id.y RdE 54 (2003), p. 106. 6 Ce sens de hms n’est pas relevé par le Wôrterbuch, mais la traduction proposée par uploads/Litterature/ les-30-premiers-versets-de-la-litanies.pdf
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- Publié le Fev 26, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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