Richard Cooper Les dernières années de Symphorien Champier In: Bulletin de l'As

Richard Cooper Les dernières années de Symphorien Champier In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°47, 1998. pp. 25-50. Citer ce document / Cite this document : Cooper Richard. Les dernières années de Symphorien Champier. In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°47, 1998. pp. 25-50. doi : 10.3406/rhren.1998.2223 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_1998_num_47_1_2223 Les dernières années de Symphorien Champier « Que de féconds romanciers, que de laborieux historiens, que d'intrépides poètes dorment aujourd'hui paisibles dans la tombe, scellés par la fatale main de l'oubli! Combien d'autres ne secouent leur chape de plomb qu'au bruit des pas d'un philologue patient et curieux qui vient les réveiller de leur sommeil! »* A lire entre les lignes de cet austère jugement de Collombet, les philologues patients et curieux réunis ici aujourd'hui auraient mieux fait de ne pas troubler le sommeil de plomb d'un Barthélémy Aneau. Pourquoi arracher à l'oubli un plumitif ennuyeux et pédant? Et pourtant, les contemporains de Collombet disaient la même chose d'un Maurice Scève et d'un Agrippa d'Aubigné, qui, comme Aneau, dormaient paisiblement dans la tombe, mais qui, suite à la curiosité d'une foule de philologues patients, n'arrivent plus à fermer l'œil. Aneau lui-même, suite aux attentions de Marie-Madeleine Fontaine et de Brigitte Biot, est bien éveillé. Or Collombet visait particulièr ement Symphorien Champier, et vous estimez sans doute, que si la recherche consiste à réveiller les morts, on peut tout de même laisser Champier dormir tout son soûl... Jules-César Scaliger, critique modeste et indulgent, éreinta notre ami lyonnais dans ses vers : « C'est un insigne ardélion, insolent, bouffi d'arrogance et d'orgueil (...). Faussaire, envieux, inepte, il a mis son nom aux œuvres d'autrui... »2. Mais être mal vu par Scaliger peut être interprété comme un compliment. Et si la cote de Champier a beaucoup baissé depuis sa mort en 1539 - « semibarbarus », « presque totalement inconnu», «je ne pense pas que l'on puisse jeter les yeux sur un écrivain plus disgracié », etc.. — on ne saurait passer sous s ilence la considération dont il jouissait auprès de ses contemporains. Et il me semble indéniable que, lorsque B. Aneau quitta Bourges vers 1. F.Z. Collombet, « Etude sur les historiens du Lyonnais, S. Champier », in Revue du Lyonnais, TV, 1946, p. 42. 2. Cité par P. Allut, Etude biographique et bibliographique sur Symphorien Champier, Nieuwkoop, 1972, p. 56 «Ardelio mirus, insolens, tumens, turgens/ Titulo archiatri, quod deus sit atrorum (...)/ Falsarius sed invidus ineptusquef Scriptis alienis indidit suum nomenl Uno alterove verbulo usque mutato... » RHR 47- Décembre 1998 26 RICHARD COOPER 1533 pour répondre à l'invitation de Cublize, le seul humaniste lyon nais résidant à Lyon à jouir d'une réputation internationale établie fut justement notre homo semibarbarus, Symphorien Champier. Champier dut cette réputation en partie à la quantité de ses publi cations, et en partie à la largeur de ses intérêts. Saulnier estimait que cet auteur méritait que l'on dise « Champier, ou de l'universalité »3 ; d'autres, tels Jacques Roger4, ont fait observer que le catalogue des écrits de ce médecin dressé en 1533 par son élève Jérôme Monteux, ne comptait pas moins de 105 titres, comprenait plus de 35 ouvrages médi caux, 26 compositions historiques, 14 manuels pédagogiques, 12 traités de théologie et 7 d'astronomie, 7 recueils de lettres et 4 ouvrages apo logétiques. Même s'il s'agit souvent de volumes composites, je ne vois guère d'autres auteurs français des quatre premières décennies de ce siècle, pace Budé, Lemaire, Gaguin, Lefèvre, Bovelles et Bouchet, qui aient été si féconds. Les critiques qui se sont penchés sur les symphonies de Symphorien se sont concentrés presqu'exclusivement sur ses premières élucubra- tions, avant 15 105. Notre auteur fait figure de philosophe et notam ment de pionnier du platonisme ficinien en France6, d'adversaire des 3. V.L. Saulnier, « Lyon et la médecine au temps de la Renaissance. Symphorien Champier ou de l'universalité » in Lyon et la médecine, 43 avant J. Christ-1958. Numéro spécial de la Revue Lyonnaise de médecine, VII, 1958. 4. J, Roger, « l'Humanisme médical de Symphorien Champier » in Colloque international de Tours: l'Humanisme français au début de la Renaissance, Paris, 1973, pp. 26-72. 5. Par ex. C. Vasoli, « Terni et fonti délia tradizione ermetica in uno scritto di S. Champier (Commentarii in definitiones Asclepii) » in Umanesimo ed esoterismo, Padoue, ed. Castelli, 1960 ; J.B. Wadsworth, Lyons 1473-1503, The beginnings of cosmopolitanism, Cambridge, Mass., 1962. M.L. Holmes, « A brief survey of the use of Renaissance themes in some works of the Lyonese doctor, humanist and man of letters, Symphorien Champier » in Cinq études lyonnaises, Genève-Paris, 1966, p. 27-54. 6. Par ex. J. Festugière, La philosophie de l 'amour de Marsile Ficin et son influence sur la littérature française du XVIe siècle, Coimbra 1923, Paris, 1941 ; G. Tracconaglia, Femminismo e platonismo in un libro raro del 1503 : « La nef des Dames » di S. Champier, Lodi, 1928 ; W. Mônch, Die italienische Platon. Renaissance und ihre Bedeutung fur Frankreichs-Literatur und Geistesgeschichte, 1540-1550, Berlin, 1936 ; E.F. Meylan, « L'évolution de la notion d'amour platonique » in Humanisme et Renaissance, V, 1938, p. 437-39 ; P. Kristeller, « Marsilio Ficino e Ludovico Lazzarelli. Contributo alla diffusione délie idee ermetiche del Rinascimento » in Annali délia R. Scuola Normale Superiore SYMPHORIEN CHAMPIER 2 7 sciences occultes7, d'apologiste de Louis XII8, de chroniqueur et d'his torien9, et surtout d'autorité médicale et de vulgarisateur de la médec ine. J'ai avancé l'hypothèse qu'à la fin du règne de Louis XII, il s'était essayé à un nouveau genre, le roman en prose, car je lui attri bue le Roman de Palanus10. Sous le nouveau règne, il se lança dans de nouveaux domaines avec un livre sur les merveilles du monde11, une épopée burlesque en prose sur la bataille entre le cœur et le cerveau (gagnée haut la main par l'anus)12, un échange de lettres assez chauvines sur les mérites de la France et de l'Italie13, des volumes sur les évangiles ou sur les présages14, et plusieurs manuels et commentaires médicaux qui se vendirent très bien et dans lesquels il ne se montrait pas encore l'ennemi acharné de la médecine arabe15. di Pisa, ser. 2, VII (1938), p. 237-62 ; R. Antonioli « Une médecin lecteur du Timée, S. Champier » in L'Humanisme lyonnais au XVIe siècle, Grenoble, 1974, p. 53-62. 7. Dyalogus singularissimus et perutilis (..) in magicarum artium destructionem, éd. S. de Ulmo, Lyon, G. Balsarin, 28 août s. a. (c. 1500) ; J.F. Ballard et M. Pijoan « A preliminary Checklist of the writings of S. Champier, 1472-1539 in Bulletin of the Medical Library Association, XXVIII (1939-40) ; L. Thorndike, A History of Magic and Experimental Science, New York, 1923-58, V, 115 ; B. P. Copenhaver, Symphorien Champier and the reception of the occultist tradition in Renaissance France, La Haye, 1978. 8. Le triumphe du treschrestien Roy de France Louis XII de ce nom contenant l'origine & la declination des Veniciens avec l'armée dudict Roy et celle desdictz Veniciens, Lyon, Claude Davost, 1509. 9. Le recueil ou chronique des hystoires des royaulmes d'Austrasie ou France orientale dite a present Lorrayne, de Hierusalem, de Sicile et de la duché de Bar, Lyon, par Vincent de Portonariis, 1510 ; Les grans croniques des gestes & vertueux faicts des tresexcellens catholicques illustres et victorieux ducz & princes des pays de Savoye et Piémont, Paris, J. de la Garde, 1516. 10. Il s'agit d'un manuscrit à peintures, un velin conservé à l'Arsenal (ms 5111), le Roman de Palanus dont le texte fut publié à Lyon en 1833 par Terrebasse ; voir notre article « Le roman à Lyon sous François Ier : Symphorien Champier et Jean des Gouttes » in // Romanzo nella Francia del Rinascimento : dall 'eredità médiévale all'Astrea, éd. E. Balmas, Fasano, 1996, p. 109-27. 11. Mirabilium divinorum humanorumque volumina quattuor, Lyon, Jacques Mareschal (pour Simon Vincent), 1517. 12. Médicinale bellum inter Galenum et Aristotelem gestum, Lyon, Jean Marion, 1516-17 (?). 13. Duellum epistolare : Gallie & Italie antiquitates summatim complectens, s.l., Jean Phiroben et Jean Divineur pour Jacopo Francesco Giunta, 1519. 14. Pronosticon libri très quorum primus est de pronosticiis seu presagiis prophetarum, s.l.n.d., pour Vincent de Portonariis (1518). 15. Roger, art. cit ; Thorndike, V, 114. 28 RICHARD COOPER II avait un vaste cercle d'amis, de correspondants et d'admirateurs, dont il ne rougit pas de publier la liste en 151916. On recherchait ses livres, qui paraissaient surtout à Paris, chez Josse Bade17, à Lyon, chez divers éditeurs, et même à Venise. Ce n'est pas le lieu de parler ici de ses séjours en Lorraine et en Italie, sauf à dire que nous savons si peu de la chronologie de son existence itinérante que nous sommes mal placés, faute de documents, pour jeter un regard objectif sur ce qu'il raconte de sa vie. Mais nous réussissons à suivre ses traces jusqu'en 1520 approximativement, an née où il est élu consul de sa ville adoptive. uploads/Litterature/ les-dernieres-annees-de-symphorien-champier.pdf

  • 39
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager