Document généré le 10 mars 2018 23:15 International Journal of Canadian Studies

Document généré le 10 mars 2018 23:15 International Journal of Canadian Studies Narratologie et étude du personnage : un cas de figure. Caractérisation dans Dis-moi que je vis de Michèle Mailhot Myreille Pawliez Miscellaneous: International Perspectives on Canada Numéro 43, 2011 URI : id.erudit.org/iderudit/1009460ar DOI : 10.7202/1009460ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Conseil international d’études canadiennes ISSN 1180-3991 (imprimé) 1923-5291 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Pawliez, M. (2011). Narratologie et étude du personnage : un cas de figure. Caractérisation dans Dis-moi que je vis de Michèle Mailhot. International Journal of Canadian Studies, (43), 189–204. doi:10.7202/1009460ar Résumé de l'article Dans le but d’étudier, en profondeur et essentiellement dans le cadre de la narratologie, le dispositif des personnages dans Dis-moi que je vis, un roman « psychologique » de Michèle Mailhot publié au Québec en 1964, on propose, puis applique, un nouveau modèle où le personnage est conçu comme une entité fictive de langage et de paroles. S’inspirant des travaux de Genette, Barthes, Ewen, Rimmon-Kenan, Bal, Hamon et Doležel, on combine les notions de distance modale, de focalisation et d’instance narrative à celles d’identification et de qualification pour examiner comment se construisent les personnages et l’univers. Ce faisant, on est en mesure d’expliquer pourquoi les analystes précédents pensent que, Josée, la protagoniste-narratrice, est un personnage lucide, voire ultra-lucide. On démontre, également, que l’étude du personnage, loin d’être incompatible avec la narratologie, gagne à y avoir recours. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique- dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org All Rights Reserved © Conseil international d’études canadiennes, 2012 IJCS / RIÉC 43, 2011 Narratologie et étude du personnage : un cas de figure. Caractérisation dans Dis-moi que je vis de Michèle Mailhot Résumé Dans le but d’étudier, en profondeur et essentiellement dans le cadre de la narratologie, le dispositif des personnages dans Dis-moi que je vis, un roman « psychologique » de Michèle Mailhot publié au Québec en 1964, on propose, puis applique, un nouveau modèle où le personnage est conçu comme une entité fictive de langage et de paroles. S’inspirant des travaux de Genette, Barthes, Ewen, Rimmon-Kenan, Bal, Hamon et Doležel, on combine les notions de distance modale, de focalisation et d’instance narrative à celles d’identification et de qualification pour examiner comment se construisent les personnages et l’univers. Ce faisant, on est en mesure d’expliquer pour- quoi les analystes précédents pensent que, Josée, la protagoniste-narratrice, est un personnage lucide, voire ultra-lucide. On démontre, également, que l’étude du personnage, loin d’être incompatible avec la narratologie, gagne à y avoir recours. Abstract In order to provide, within a narratological framework, an in-depth study of the characters of Dis-moi que je vis, a “psychological” novel by Michèle Mailhot published in 1964 in Quebec, a new model in which the character is viewed as a fictional semantic and enunciative entity is proposed and applied. Taking the works of Genette, Barthes, Ewen, Rimmon-Kenan, Bal, Hamon and Doležel as a starting point, the notions of focalisation and narration are combined with those of identification and qualification to examine how the characters and their world are created. This approach makes it possible to explain why previous analysts think that Josée, the protagonist-narrator, is lucid, if not ultra-lucid. It also proves that the study of characters, far from being incompatible with narratology, can benefit from it. L’œuvre romanesque de Michèle Mailhot (1932-2009) a été publiée au Québec entre 1964 et 1990. Son premier roman, Dis-moi que je vis1, écrit à la première personne et au présent, est le soliloque2 introspectif d’une jeune femme (Josée) qui, au cours d’une nuit passée sans dormir à côté de Pierre, son mari, s’interroge sur sa vie tout en se remémorant certains moments. En proie à un malaise intérieur depuis plusieurs années, rien ne semble la rendre heureuse, pas même la voiture offerte en cadeau par Pierre, le voyage en Flo- ride avec sa compagne Laure, l'été passé à la campagne ou sa courte liaison Myreille Pawliez 190 International Journal of Canadian Studies Revue internationale d’études canadiennes avec Jean. Pourtant, la protagoniste prend progressivement conscience de la nécessité de se libérer des conventions sociales, et finit par comprendre que le bonheur est un état précaire sans cesse à renouveler. Les analyses sociologiques et psychologiques existantes relèvent, à l’instar de l’article de Suzanne Paradis (312-317), la lucidité de Josée qui lui permet de s'émanciper progressivement de son assujettissement conjugal. Maïr Verthuy décrit Josée comme une héroïne qui se penche sur l'insigni- fiance de sa vie et sur une société matérialiste de laquelle on n'échappe que par l'alcoolisme et les aventures extraconjugales (133). Pour Jean Anderson, Josée est un personnage « ultra-lucide » aliéné par l'institution du mariage et la société technologique et de consommation qui refuse de se laisser déshu- maniser (93-105). L’approche de ces travaux importants ne permet cependant pas de séparer clairement ce qui incombe à la narratrice ou à la protagoniste dans ce roman écrit à la première personne. Vu la sensibilité et l'acuité particulières avec lesquelles les personnages sont peints, la lucidité et l'authenticité avec lesquelles la nature humaine est relatée dans Dis-moi que je vis, on vise à étudier la pleine dimension des personnages et du milieu dans lequel ils évoluent dans le cadre de la narrato- logie structuraliste qui, paradoxalement, se défie du personnage, mais offre les outils pour dissocier protagoniste et instance narrative3. Narratologie structuraliste et étude du personnage Issue du mouvement formaliste russe des années 1920 et du développement structuraliste de la linguistique qui a débuté, en France, dans les années 1950, l’approche narratologique structuraliste des textes littéraires est centrée sur le récit. Celui-ci est traité comme un tout cohérent existant par lui-même où l’on trouve les marques linguistiques sur lesquelles repose l'analyse. Ne pouvant considérer ni l’auteur réel (personne qui écrit le livre dans la réalité) ou impliqué (image mentale de l'auteur construite par le lecteur), ni le lecteur réel (personne qui lit l'ouvrage dans la réalité) ou impliqué (image mentale du lecteur construite par l'auteur), ni le personnage comme un être réel, l'ana- lyste peut s’intéresser, par le truchement du récit, aux rapports entre histoire et récit, aux phénomènes de point de vue, de narrateur (instance fictive qui prend en charge la narration dans le récit) et de narrataire (instance fictive à qui la narration s'adresse ou destinataire fictif de l'acte narratif). C’est dans ce courant qu’est apparue la théorie littéraire narratologique de Gérard Genette4, qui a, par la suite, dominé la scène internationale. Adop- tant la position selon laquelle la signification d'une œuvre est créée par le jeu combinatoire de trois niveaux narratifs, Genette distingue l'histoire, qui fait référence à l'enchaînement des événements qui constitue l'infrastructure que l'on peut extraire du récit; le récit, qui correspond à l'énoncé tel qu'il se présente linéairement; et la narration, qui est l'acte narratif (fictif) qui produit 191 Narratologie et étude du personnage : un cas de figure. Caractérisation dans Dis-moi que je vis de Michèle Mailhot. le discours et par extension l'ensemble de la situation fictive dans laquelle il prend place. Cette approche, essentiellement textuelle, privilégie le récit que Genette conçoit comme l'instrument qui médiatise les autres niveaux, et à partir duquel on est en mesure d’examiner les relations temporelles entre l'histoire et le récit (temps), la manière dont l'information narrative est vue ou perçue dans le récit (mode), et les problèmes d'énonciation (voix) qui se situent au niveau des relations récit-narration et des rapports histoire-narration5. Malheureusement, tout comme les narratologues structuralistes qui s’insurgent contre les analyses traditionnelles dans lesquelles on traite le personnage comme une personne réelle, Gérard Genette ne considère pas le personnage comme un élément narratif intrinsèque et n’y fait allusion qu’indirectement quand le personnage assume un rôle au niveau de la nar- ration ou de la focalisation. Cette prise de position typique a été remarquée par Rimmon-Kenan qui explique que « les structuralistes ne peuvent guère intégrer le personnage dans leur théorie à cause de leur adhérence à une idéo- logie qui “décentre” l'homme et qui va à l'encontre des notions d'individualité et de profondeur psychologique6 ». Par ailleurs, les analyses formalistes de Propp et de Greimas7 réduisent les personnages à une fonction ou un rôle abstrait; aussi ces typologies sont peu adaptées à l'étude des romans dits « psychologiques » où les personnages ont beaucoup plus de profondeur. On préconise donc de repousser un tant soit peu les limites de la narratologie structuraliste pour rendre compte des personnages dans des romans complexes tels que Dis-moi que je vis tout en restant dans le cadre de la théorie de Genette. Vers une conception narratologique du personnage Pour étudier le personnage d’une manière qui soit compatible avec la nar- uploads/Litterature/ narratologie-et-etude-du-personnage.pdf

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