Conférence 11/10/2012 Institut Municipal Angers (France) (Cinélégende) Les état
Conférence 11/10/2012 Institut Municipal Angers (France) (Cinélégende) Les états modifiés de conscience : de l’intérêt et des dangers de l’utilisation des hallucinogènes aux applications thérapeutiques (rêve éveillé, hypnose, imagerie mentale) Présentation Cette conférence s’inscrit dans le prolongement des projections du documentaire « Rites, rythmes et transe » et du film de Ken Russel « Au-delà du réel ». En effet, le dénominateur commun entre les rites magico-religieux traditionnels, les recherches en laboratoire sur les effets de l’isolement sensoriel et l’utilisation psychothérapeutique des hallucinogènes réside dans l’état modifié de conscience induit chez les participants, les sujets des expériences ou les patients. Nous verrons qu’il y a une continuité anthropologique entre les rites initiatiques des sociétés traditionnelles et certaines psychothérapies contemporaines comme l’hypnose ou l’utilisation de diverses formes d’imagerie mentale comme le rêve éveillé. Conférencier Philippe Grosbois, maître de conférences en psychologie, anthropologue de la santé, Institut de Psychologie et Sociologie Appliquées, Université Catholique de l’Ouest, Angers, phil.grosbois@free.fr Les états modifiés de conscience : de l’intérêt et des dangers de l’utilisation des hallucinogènes aux applications thérapeutiques (rêve éveillé, hypnose, imagerie mentale) Les sujets furent plongés dans un réservoir d'eau spécialement aménagé où ils étaient isolés non seulement de la lumière et du bruit, mais encore de l'information qu'on tire d'ordinaire du fait qu'on s'appuie sur une surface quelconque…/… Se trouvant dans l'eau, beaucoup entendaient nettement un bourdonnement d'abeilles, des chants d'oiseaux, des voix humaines, de la musique. D'autres apercevaient de brusque lueurs, diverses figures géométriques, voire des scènes entières: l'un voyait une procession d'écureuils, sac sur l'épaule, marchant dans un champ enneigé, d'autres assistaient à un match de basket-ball ou à des épreuves de natation, d'autres encore voyaient des gouttes d'eau tomber du plafond. Les sujets avaient l'impression que leur corps changeait de place, que leur tête et leurs mains se détachaient du tronc, qu'à côté d'eux apparaissait leur sosie… 1 GAGARINE et LEBEDEV, dans leur petit ouvrage paru dans les années 60 intitulé « La psychologie et le cosmos », font ce récit d'expériences de ce type provoquant des déformations subjectives du schème corporel et une imagerie mentale riche d'affects et de significations. Le sujet, soudain, sent sa jambe droite s’allonger démesurément jusqu’au bout de la pièce et sa jambe gauche, au contraire, rétrécir ; il perçoit son corps comme se dédoublant, l’un au-dessus et l’autre au-dessous du divan ; ses mains, qu’il sait être là, sont perçues comme étant ailleurs. « Je sais », dit-il, « que mes mains sont immobiles sur le divan mais je les perçois en l’air… » ou : « Je les sens derrière 1 GAGARINE Y., LEBEDEV V. Les mystères du silence in La psychologie et le cosmos, Moscou, Mir, 1969, trad., p. 226-227. 2 mon dos… » ou : « J’ai quatre mains, c’est idiot, j’en ai deux à droite et deux qui sont à gauche et je ne sais plus laquelle est la vraie… ». Un autre sujet dira : « Je me sens complètement disloqué, c’est drôle, complètement en biais. Je n’arrive plus à me sentir sur le dos, comme si je flottais. La tête flotte toute seule. Mon corps est à quelques mètres au-dessus du sol mais il n’est pas droit. Il n’est pas horizontal. Je suis à 45°, le plan des jambes incliné à 45° vers la gauche et le plan du corps incliné à 45° vers la droite… et puis alors, les bras, ils sont comprimés, alternativement comprimés et détendus comme si j’étais soumis à des pulsions… Et maintenant cela devient de plus en plus difficile à essayer de définir la position relative… J’ai l’impression que je suis une énorme hélice et que tout tourne dans des sens différents… Ce qui est certain, c’est que je n’arrive pas à retrouver l’équilibre… Maintenant j’ai l’impression que le haut du corps se retourne comme si le dos venait en l’air et le ventre en bas… J’ai froid… » 2 André VIREL, psychologue et thérapeute qui a utilisé entre les années 50 et 2000 diverses méthodes psychothérapiques fondées sur le rêve à l’état de veille (rêve éveillé dirigé, onirothérapie, imagerie mentale), décrit cette mise en condition comme étant proche des états dits d’isolement sensoriel induits dans les laboratoires russes de médecine aérospatiale ; il s’appuie sur ce qu’il nomme la décentration3 mise au point par lui dans les années 1970. Il la décrit ainsi : le sujet est habituellement allongé, les yeux fermés, dans une pièce obscure ou aux éclairages très atténués. Il lui est demandé d’oublier ce qu’il peut savoir de la concentration et de la relaxation. Ici, en effet, le sujet doit s’abstenir de tout effort : « Toute attention doit s’effacer pour une attente. » Le but de la mise en condition n’est pas la recherche d’un état de relaxation, puisqu’il s’agit d’accepter les contractures qui précèdent généralement, et parfois de façon douloureuse, le stade de « dissociation de l’image corporelle ». La décentration conduit ainsi à une perception désintégrée du corps réel dont le sujet 2 VIREL A. Décentration in Vocabulaire des Psychothérapies, op. cit., p. 89-90. 3 terme vraisemblablement emprunté à Jean PIAGET quand il parle de l’accès de l’enfant à une forme d’intelligence sensori-motrice lui permettant de se situer comme un objet parmi les autres en un univers formé d’objets permanents, structuré de façon spatio-temporelle et siège d’une causalité à la fois spatialisée et objectivée dans les choses. Cf. PIAGET J., INHELDER B. La psychologie de l’enfant, Paris, Presses Universitaires de France, 1966, p. 15. 3 garde pourtant conscience. Peu à peu vont surgir des images, d'abord corporalisées, puis des images mentales discontinues, enfin des paysages cohérents dans lesquels le sujet va imaginer se mouvoir, habitant un corps imaginaire comme dans les rêves hypniques. On peut ainsi dire que l'image naît du corps dans un décor (dé-corps) imaginaire dans lequel le sujet projette sur un mode le plus souvent visuel les difficultés psychiques qu'il avait précédemment incarnées sur un mode cénesthésique. Le sujet passe par des phases critiques qui représentent d’une certaine façon un apprentissage de la peur et de l’angoisse, à savoir se désolidariser de son Moi corporel réel au profit de la constitution d’un Moi corporel imaginaire. Cette perte des repères corporel et spatio-temporel correspond à un lâcher-prise, un vertige, une sorte de transe. Le monde extérieur devient ainsi moins prégnant et le sujet est plus réceptif aux sensations corporelles. Comme dans les diverses techniques hypnothérapiques, le thérapeute peut suggérer une sorte de voyage à l’intérieur du corps : « Vous imaginez que vous êtes au bout de vos pieds, dans vos orteils » ou bien « Vous imaginez que vous êtes une petite bulle et, à partir de vos orteils, vous allez remonter lentement à l’intérieur de votre corps ». Si le sujet éprouve des difficultés à se vivre à l’intérieur de lui-même, il peut lui être proposé d’emprunter certaines voies anatomiques, circulation du sang, tracés osseux. « Vous remontez lentement en essayant de rester au niveau de la sensation, afin de sentir ce qui se passe à l’intérieur du corps ». Pour certains sujets, cette prise de conscience corporelle peut faire naître une certaine angoisse. Ce voyage corporel habitue ainsi le patient à verbaliser ses sensations, ce qui lui permet de rester en contact verbal avec le thérapeute. Ce parcours corporel s’achève souvent par les doigts : « Quand vous arrivez au bout de vos doigts, vous restez là, en attente. Vous allez sentir comme des petits cœurs quoi battent au bout des doigts… Vous êtes en attente, disponible à tout ce qui va venir de votre corps ». En général, le thérapeute ne donne pas plus de précisions afin de ne pas induire ce qui va être vécu sur le plan corporel. Il s’agit d’une sorte de « règle fondamentale » analogue à celle de FREUD mais sur le plan des sensations : « Laissez venir ce qui vient dans votre corps », « Accueillez les sensations comme elles 4 viennent ». Il arrive fréquemment que le sujet ressente des douleurs, des contractures, des crampes, le plus souvent passagères. Ces phénomènes somatiques peuvent n’avoir aucun lien avec l’histoire du sujet mais il arrive que certaines douleurs soient plus précises, en liaison avec le vécu actuel ou passé, voire associées par le sujet à un traumatisme corporel dont la douleur évoque alors le souvenir : Cécile me fut adressée par son médecin pour des douleurs dorsales qui ne cédaient à rien. Après plusieurs séances en face à face, elle accepte une première séance de décentration qui s’arrête rapidement, avec un refus véhément de poursuivre. Elle avait ressenti, au niveau de la cage thoracique, une violente douleur au niveau de la base du poumon droit. Elle m’apprend alors, ce qu’une anamnèse approfondie n’avait pas révélée, qu’elle avait dû subir, à l’âge de quinze ans, une lobotomie de la base du poumon droit. L’angoisse, liée à l’évocation de ce traumatisme, représentait pour elle ce qu’elle avait dû subir au cours de la période ayant nécessité l’intervention. Ces somatisations apparaissent surtout au cours des premières uploads/Litterature/ les-etats-modifies-de-conscience-des-hallucinogenes-aux-applications-therapeutiques.pdf
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- Publié le Oct 31, 2022
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