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Copyright © Canadian Society for Eighteenth-Century Studies / Société canadienne d'étude du dix-huitième siècle, 2002 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 01/28/2023 12:45 p.m. Lumen Selected Proceedings from the Canadian Society for Eighteenth-Century Studies Travaux choisis de la Société canadienne d'étude du dix-huitième siècle Les notes du traducteur des Voyages de Gulliver : détonation et « détonnement » Benoit Léger Volume 21, 2002 URI: https://id.erudit.org/iderudit/1012274ar DOI: https://doi.org/10.7202/1012274ar See table of contents Publisher(s) Canadian Society for Eighteenth-Century Studies / Société canadienne d'étude du dix-huitième siècle ISSN 1209-3696 (print) 1927-8284 (digital) Explore this journal Cite this article Léger, B. (2002). Les notes du traducteur des Voyages de Gulliver : détonation et « détonnement ». Lumen, 21, 179–198. https://doi.org/10.7202/1012274ar 10. Les notes du traducteur des Voyages de Gulliver, détonation et «détonnement» Cet article1 aborde le rôle d'un élément peu étudié du paratexte des traductions au XVIIIe siècle, soit le corpus des notes du traducteur, à partir du cas de la traduction des Voyages de Gulliver par Pierre-François Guyot, abbé Desfontaines (1685-1745), publiée d'abord en 17272. Cette traduction a fait l'objet de nombreuses critiques, en fait le plus souvent des comparaisons minutieuses de l'original et de la traduction qui montrent les «infidélités» de la traduction. Ces critiques relèvent en fait des jugements traditionnels sur la traduction, jugements parfois «en- gagés4», teintés de platonisme, et où l'idée d'un original, génial et in- touchable, est plus ou moins latente, de même que celle d'une conception souvent ambiguë de la «fidélité» en traduction. Notre lecture de la traduction de Desfontaines tient compte de ce que Berman définit comme l'«analyse descriptive» et comme la «critique des traductions5». De l'analyse descriptive, nous reprenons le souci de re- 1 Les recherches qui ont mené au présent article ont été rendues possibles grâce à une subvention du Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche du gouvernement du Québec. L'auteur tient à remercier son assistante de recherche, Janine Hopkinson. 2 Jonathan Swift, Voyages de Gulliver, Paris, Jacques Guérin, 1727. Sauf mention contraire, l'édition utilisée ici est celle de Garnier dans les Voyages imaginaires, Paris, 1787, qui reprend la plupart des notes de Desfontaines, ainsi que la préface du traducteur de l'édition revue et corrigée de 1727. L'orthographe des citations n'a pas été modifiée. 3 Voir Thelma Morris, «L'abbé Desfontaines et son rôle dans la littérature de son temps», Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 19,1961; Sybil Goulding, Swift en France, Paris, Champion, 1924. 4 Antoine Berman, Pour une critique des traductions: John Donne, Paris, Gallimard, 1995, 45. 5 Ibid., 38-44, 50-63. LUMEN XXI / 2002 1209-3696 / 2002 / 2100-0179 $9.00 / © CSECS / SCEDHS 180 Benoit Léger mettre en contexte une traduction produite à une époque où la censure influe sur la publication des textes et où l'obsession du «goût du public» oriente la manière de traduire de Desfontaines (du moins dans son discours officiel), tout comme son propre souci du succès commercial. Ce respect du contexte de production de la traduction implique que Ton souligne que la traduction de Gulliver's Travels est non seulement la première en France, mais Tune des premières publications en France d'un texte clairement attribué à Swift6 — la traduction de La Haye évoquée plus loin connaîtra une réception et une diffusion très limitées en France7. En cela, le texte de Desfontaines constitue une «traduction- introduction8». De la critique des traductions, nous reprenons ce que Berman décrit comme la deuxième étape, soit la définition de la «position traductive du traducteur9», du «projet de traduction10» et de «l'horizon du traducteur11». Après la mise au point des circonstances de publication de la traduc- tion, nous montrerons, dans un deuxième temps, comment les notes du traducteur dans les Voyages de Gulliver entrent en contradiction avec la position traductive officielle de Desfontaines telle qu'orientée par son horizon de traduction et affichée dans sa préface. Contexte de la traduction Pour comprendre le fonctionnement du paratexte de la traduction de Desfontaines, il faut d'abord prendre connaissance du contexte de sa 6 Ainsi que l'annonce l'incipit de la préface du traducteur: «L'Auteur de cet Ouvrage est le célèbre M. Swift, Irlandois.» La nationalité de Swift sera corrigée dès la deuxième édition. Sur les traductions antérieures (surtout aux Pays-Bas) de textes de Swift, voir Goulding, Swift en France, 1-11. 7 Voir infra. 8 Berman, op. cit., 84. 9 «[Le] "compromis" entre la manière dont le traducteur perçoit en tant que sujet pris par la pulsion de traduire, la tâche de la traduction, et la manière dont il a "internalise" le discours ambiant sur le traduire (les "normes")» (ibid., 74). 10 «Le projet définit la manière dont, d'une part, le traducteur va accomplir la translation littéraire, d'autre part, assumer la traduction même, choisir un "mode" de traduction, une "manière de traduire"» (ibid., 76). 11 «D'une part, désignant ce-à-partir-de-quoi l'agir du traducteur a sens et peut se déployer, elle pointe l'espace ouvert de cet agir. Mais, d'autre part, elle désigne ce qui clôt, ce qui enferme le traducteur dans un cercle de possibilités limitées» (ibid., 80). Les notes du traducteur des Voyages de Gulliver 181 parution en avril 1727, moins de six mois après la publication des Travels en Angleterre en octobre 1726. On sait que Voltaire, qui avait rencontré Swift en Angleterre, lit Gulliver's Travels en novembre 1726 et en envoie rapidement un exemplaire à son ami Thiérot, lui suggérant de procéder à la traduction12. En février 1727, Voltaire écrit encore à Thiérot et annonce que «quelqu'un de plus pressé» Fa précédé «en traduisant le premier tome qui est fait pour plaire à toutes les nations13». Le ton neutre et l'absence de précision sur le traducteur laissent ici supposer qu'il ne s'agit pas de la traduction de Desfontaines, mais bien de la toute pre- mière version française, celle qui paraît, sans mention de traducteur, à La Haye en janvier 172714. Selon David Williams et Thelma Morris15, Thiérot aurait annoncé à Desfontaines qu'il allait traduire le Gulliver, mais celui-ci le devancera, bien qu'il ait entendu parler de la traduction de La Haye, encore à paraître. Le Mercure de Trance, dans une «Addition aux Nouvelles lit- téraires» de mars 1727, annonce que «M. l'Abbé D. F.» y travaille depuis trois mois16. L'annonce du Journal des savants (avril 1727)17 est plus succincte et ne donne que le titre et l'auteur: «[l]e célèbre Mr Swift, Doyen de l'Église de Saint Patrice de Dublin en Irlande, qui a déjà donné plusieurs autres Ouvrages au Public, & entr'autres le fameux Conte du tonneau.» Le traducteur reste anonyme. En fait, au moment de l'annonce du Journal, la traduction de Desfontaines est déjà en vente: elle paraît pendant la deuxième ou la troisième semaine d'avril, soit deux mois et demi seulement après la réception par Thiérot de la lettre de Voltaire18. 12 Voltaire, Correspondance, Institut et musée Voltaire, Genève, 1953, vol. 2, lettre 298,42. 13 Voltaire, ibid., vol. 2, lettre 300,43-45. 14 Voyages du Capitaine Lemuel Gulliver en divers pays éloignez [...], La Haye, Gosse et Neaulme, 1727. 15 Voir «Essay sur la poésie épique, traduit de l'anglois de M. de Voltaire, par M. ***», Paris, Chaubert, 1728, réédité dans Œuvres complètes de Voltaire, 3B, Oxford, Voltaire Foundation, éd. critique de David Williams, 1996; Morris, op. cit., 278-294. 16 Mercure de France (1724-1794), Paris, Cavelier et Panckoucke, Genève, Slatkine reprints, 1968, 627-628. 17 Soit au moment où Desfontaines est exclu du Journal (voir Jean Sgard, dir., Dictionnaire des journalistes (1600-1789), Grenoble, Presses universitaires, 1976), vrai- semblablement avant la parution de l'article, mais peut-être pas au moment de sa rédaction. Journal des Sçavans, par Andry, Bignon, Belley, Bruhier, et al, Paris, 1665-1792, 351. 18 Goulding, op. cit., 60; Morris, op. cit., 279. 182 Benoit Léger Un livre «agréable & plein d'esprit» L'édition de 1726 des Travels ne comportait qu'une seule instance limi- naire: le texte de cinq pages, intitulé «The Publisher to the Reader», signé «Richard Sympson». Il s'agissait de donner des détails sur la façon dont l'éditeur serait entré en contact avec le texte et d'indiquer les modifica- tions et corrections apportées au texte. Dans la version de Desfontaines, la préface de Sympson est remplacée par une dédicace non datée à Mme du Deffand et par sa propre préface du traducteur. C'est dans cette préface que Desfontaines justifie sa poétique t r a d i - tionnelle et décrit le résultat escompté19. Reprenant plusieurs clichés des préfaces traductionnelles, il raconte la manière dont il serait entré en contact avec le Gulliver, grâce à son ami Francis Atterbury, ainsi que sa première lecture: un «Seigneur Anglois» en aurait reçu un exemplaire à Paris et lui en aurait parlé comme d'un livre «agréable & plein d'esprit.» D'autres uploads/Litterature/ les-notes-du-traducteur-des-voyages-de-gulliver-detonation-et-detonnement.pdf
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- Publié le Dec 03, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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