LE RÔLE DE L'IMAGINAIRE LINGUISTIQUE DANS LA NÉOLOGIE SCIENTIFIQUE À BASE GRECQ

LE RÔLE DE L'IMAGINAIRE LINGUISTIQUE DANS LA NÉOLOGIE SCIENTIFIQUE À BASE GRECQUE EN FRANÇAIS Evangelia Adamou Presses Universitaires de France | « La linguistique » 2003/1 Vol. 39 | pages 97 à 108 ISSN 0075-966X ISBN 9782130536659 DOI 10.3917/ling.391.0097 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-la-linguistique-2003-1-page-97.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 07/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.121.39.143) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 07/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.121.39.143) LE RÔLE DE L’IMAGINAIRE LINGUISTIQUE DANS LA NÉOLOGIE SCIENTIFIQUE À BASE GRECQUE EN FRANÇAIS par Evangelia ADAMOU Université René-Descartes, Paris This article shall attempt to examine words of Greek origin in contemporary French through the model of Linguistic imaginary, created by Anne-Marie Houdebine. I will try to describe the ways of introduction of Greek loanwords in French language. This shall be put for- ward by a historical examination of French attitudes to these processes in a causal relation to their use in word-formation. OBJET DE L’ÉTUDE, PRÉCISIONS THÉORIQUES ET MÉTHODOLOGIQUES Le point de vue adopté dans la présente étude est celui du modèle dit Imaginaire linguistique1 proposé par Anne-Marie Houde- bine. Il s’agit d’un modèle théorique et méthodologique fondé sur le principe de synchronie dynamique2, introduit dans les études lin- guistiques par André Martinet. Le point de vue synchronique dynamique s’appuie sur une recherche des manifestations et des causalités de la dynamique des langues à l’étude. Le travail porte donc en priorité sur la description minutieuse des usages réels des locuteurs en synchronie. Sur cette base, les causalités prises en compte sont en priorité internes, c’est-à-dire propres au système linguistique, et dans un deuxième temps externes, notamment géo- graphiques, sociales et temporelles. Le modèle de l’Imaginaire linguistique regroupe les causalités La Linguistique, vol. 39, fasc. 1/2003 1. Cf. Anne-Marie Houdebine et les travaux inspirés de l’imaginaire linguistique, Tra- vaux de linguistique, 7, 1996, Université d’Angers, et L’Imaginaire linguistique, Paris, L’Harmattan, 2002. 2. André Martinet, « Diachronie et synchronie dynamique », Évolutions des langues et reconstruction, Paris, PUF, 1975, p. 5-10, et Fonction et dynamique des langues, Paris, A. Colin, 1989. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 07/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.121.39.143) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 07/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.121.39.143) internes sous le terme de normes objectives, et les élabore au niveau du système (normes systémiques) et des usages (normes statistiques). Les causalités externes sociologiques sont prises en considération selon leur pertinence linguistique (c’est-à-dire en allant des faits de variation linguistique observés vers les facteurs explicatifs sociologiques). Parallèlement aux variables sociologiques « classi- ques », l’Imaginaire linguistique propose d’intégrer à l’étude l’examen des causalités subjectives. L’objectif est non seulement d’explorer le rapport intime du sujet parlant à la langue, ce qui est proprement désigné par le terme imaginaire linguistique3, mais aussi de faire ressortir les répercussions que l’imaginaire linguis- tique peut avoir sur les usages et le système linguistique. Le présent travail s’intègre dans un effort collectif4 pour iden- tifier la nature des facteurs subjectifs qui interviennent dans les différents domaines de la dynamique linguistique ou langagière. Pour progresser dans ce vaste champ de recherche, il est néces- saire de centrer les travaux sur des points limités de la dyna- mique linguistique. On ne traitera ici que de la néologie scienti- fique française à matériau grec, partie d’une étude5 synchronique dynamique plus large menée autour de mots d’origine grecque6 en français. Les causalités subjectives relatives à l’usage de matériaux grecs dans la terminologie scientifique française seront examinées dans une perspective historique et dans leurs manifestations contemporaines. Il ne s’agit pas d’entreprendre une étude dia- chronique mais de privilégier certaines périodes historiques – des coupes synchroniques – où le français est en évolution rapide et attestée dans une partie précise de son lexique, et de tenter d’identifier les facteurs subjectifs qui ont joué à l’époque, à côté d’autres causes. On s’arrêtera ainsi sur deux moments impor- tants : le XVIe siècle, quand les grammairiens français recourent 98 Evangelia Adamou 3. On utilise la minuscule pour distinguer l’imaginaire linguistique, c’est-à-dire l’ensemble de représentations linguistiques des sujets parlants, du modèle théorique d’Imaginaire linguistique auquel il a donné son nom. 4. Équipe SEM du laboratoire Dynalang de l’Université René-Descartes – Paris V. 5. Evangelia Adamou, Imaginaire linguistique et dynamique lexicale : les mots d’origine grecque en français, thèse de doctorat, sous la direction de Anne-Marie Houdebine, Université René- Descartes – Paris V, 2001. 6. On emprunte ce terme à André Martinet, « Translittération du grec ancien et moderne, problèmes de l’intégration graphique des mots d’origine grecque dans les diverses langues », La linguistique, 28, 2/1992, p. 131-139. On l’utilise pour désigner toute forme lexi- cale du français contemporain qui fait usage de matériaux grecs. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 07/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.121.39.143) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 07/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.121.39.143) au grec pour l’enrichissement terminologique du français ; et le XVIIIe siècle, quand les scientifiques systématisent l’usage de maté- riaux grecs en terminologie. On conclura par une étude sur l’état actuel de l’imaginaire linguistique dans ce domaine, qui servira à évaluer le degré de permanence pour un objet linguistique précis et pour une langue donnée. Cette permanence permettrait éven- tuellement de considérer l’imaginaire linguistique dans une étude prédictive de la dynamique lexicale, à côté de facteurs internes ; les facteurs externes sociologiques, de par leur nature mouvante, étant difficilement prévisibles7. Par le présent article, on souhaite également illustrer le travail d’analyse particulier qui doit être entrepris pour repérer les fac- teurs subjectifs : des outils théoriques sont à notre disposition et ils doivent être confrontés à l’étude de cas concrets pour laquelle il faut développer des outils méthodologiques adaptés. La saisie de l’imaginaire linguistique pour les périodes historiques se fonde ainsi sur l’analyse des discours métalinguistiques8 dans les textes des époques étudiées. On tente d’atteindre l’imaginaire linguistique des locuteurs par les jugements positifs ou négatifs portés sur la langue grecque ou le langage scientifique à matériau grec. Pour la période actuelle, il est possible de mener des enquêtes auprès des locuteurs et de provoquer des évaluations. Les outils métho- dologiques sont dans ce cas empruntés à la sociolinguistique, et les problèmes de représentativité de l’échantillon ou de protocole d’enquête doivent être traités. Par exemple, l’étude synchronique sur l’imaginaire linguis- tique, présentée en partie par la suite, est essentiellement fondée sur une enquête qualitative. L’échantillon retenu comporte 60 lo- cuteurs francophones ayant suivi leurs études en France et décla- rant être de langue maternelle française ; ces informateurs ont des connaissances de grec ancien et de grec moderne variables. La moitié de l’échantillon est âgée de 18 à 30 ans et l’autre moitié de 31 à 60 ans ; 30 hommes et 30 femmes sont interrogés et les infor- mateurs se répartissent à égalité entre ceux qui ont suivi des études universitaires et ceux qui ont arrêté au niveau du baccalauréat. Le rôle de l’imaginaire linguistique 99 7. Evangelia Adamou, « Peut-on prévoir la dynamique lexicale ? », L’Imaginaire linguis- tique, A.-M. Houdebine (dir.), Paris, L’Harmattan, 2002, p. 31-36. 8. Cette méthode est plus largement utilisée par Ferenc Fodor, Dynamique des imagi- naires linguistiques dans la constitution des langues nationales européennes : le cas du français et du hongrois, thèse de doctorat, sous la direction de Anne-Marie Houdebine, Université René- Descartes – Paris V, 1999, p. 663. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 07/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.121.39.143) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 07/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.121.39.143) L’analyse des discours métalinguistiques recueillis au cours d’entretiens semi-directifs ou dans les textes s’appuie sur la typo- logie des normes subjectives proposée par Anne-Marie Houdebine : les évaluations produites par les locuteurs sont distribuées en nor- mes prescriptives, pour les évaluations étayées par un discours insti- tutionnel, en normes fictives, pour les arguments esthétisants non étayés par un discours antérieur scolaire ou grammatical, et en normes communicationnelles, lorsque l’accent est mis sur la com- préhension et l’intégration au groupe. L’article présentera donc successivement un aperçu de l’in- fluence de la supériorité prêtée au grec sur l’innovation lexi- cale en français au XVIe siècle, quelques précisions sur l’emploi particulier qui est fait du grec dans la néologie savante du XVIIIe et, enfin, un éclairage sur l’imaginaire linguistique actuel touchant à la situation du grec, aux traces du grec, en uploads/Litterature/ ling-391-0097 2 .pdf

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