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Tous droits réservés © Département d'études françaises, Université de Toronto, 2013 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 19 mai 2021 12:25 Arborescences Revue d'études françaises Lire le texte et son espace Une introduction Antje Ziethen, Caroline Lebrec et Janet Paterson Lire le texte et son espace : outils, méthodes, études Numéro 3, juillet 2013 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1017362ar DOI : https://doi.org/10.7202/1017362ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Département d'études françaises, Université de Toronto ISSN 1925-5357 (numérique) Découvrir la revue Citer ce document Ziethen, A., Lebrec, C. & Paterson, J. (2013). Lire le texte et son espace : une introduction. Arborescences,(3). https://doi.org/10.7202/1017362ar Arborescences Ziethen, Lebrec et Paterson 1 LIRE LE TEXTE ET SON ESPACE Une introduction Antje Ziethen, Caroline Lebrec et Janet Paterson Université de Toronto L’espace de notre vie n’est ni continu, ni infini, ni homogène, ni iso- trope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble ? On sent confusément des fissures, des hiatus, des points de friction, on a parfois la vague impression que ça se coince quelque part, ou que ça éclate, ou que ça se cogne. Nous cherchons rarement à en savoir davantage et le plus souvent nous passons d’un endroit à l’autre, d’un espace à l’autre sans songer à me- surer, à prendre en charge, à prendre en compte ces laps d’espace. Le problème n’est pas d’inventer l’espace, encore moins de le ré-inventer […], mais de l’interroger, ou, plus simplement encore, de le lire […]. Georges Perec, « Prière d’insérer », Espèces d’espaces, Paris, Galilée, coll. « L’espace critique », 2000 [1974]. Depuis la fin du XXe siècle, la mondialisation et les phénomènes connexes tels que le time-space com- pression (Harvey 1989), la transmigration et le cyberespace ont profondément marqué notre vie quo- tidienne et le discours social. Les mouvements d’individus, de peuples, d’idées, d’objets et de capital à travers les frontières géographiques, linguistiques et nationales ont amené les chercheurs issus de disciplines diverses à repenser l’espace dans l’ère postmoderne, hypermoderne, surmoderne ou en- core postcoloniale. La formation de nouvelles réalités spatiales a suscité une prolifération de notions théoriques incluant l’hétérotopie (Foucault 1984), le space of flows (Castells 1989), les non-lieux (Augé 1992), le tiers espace (Bhabha 1994), la postmetropolis (Soja 2000) ou encore le glocal. La mobilité des populations, leur densité croissante ainsi que les constellations sociales, culturelles et écono- miques qui en découlent soulèvent des questionnements pour les géographes, sociologues, anthro- pologues, urbanistes et philosophes. Le présent dossier s’inscrit dans le contexte actuel de cette réo- rientation des sciences sociales et humaines communément appelée le spatial turn (Warf et Arias 2009 : 1) qui a également influencé les études littéraires. L’émergence récente d’approches dites « géocentrées » qui conjuguent la théorie littéraire à la géographie, la sociologie, la philosophie, l’architecture et l’écologie témoigne de l’actualité du sujet proposé. Pour les chercheurs, lire le texte et son espace implique forcément de réfléchir au fonctionnement même du texte littéraire et à son Arborescences Ziethen, Lebrec et Paterson 2 rapport au monde, car l’espace-temps empirique traverse l’œuvre en véritable sédiment du processus poétique tout en étant reconfiguré par le verbe et l’imaginaire. Ansgar Nünning écrit à ce propos : À partir de ses procédés narratifs, un roman organise les éléments sélectionnés et crée des mondes imaginaires dont ni les éléments spécifiques ni les relations que ceux-ci entretiennent entre eux ne produisent de simples calques d’espaces réels ou d’époques historiques. Il s’agit de modèles historiques et spatiaux qui ont été esthétiquement composés. (Nünning 2009 : 43 ; notre traduction). Qui plus est, la transfiguration du réel par la fiction met en avant la pertinence de la littérature pour d’autres disciplines « spatiales », c’est-à-dire ayant l’espace comme objet d’étude (la géographie, l’urbanisme, etc.). Lorsque nous étudions l’espace en termes littéraires, il ne s’agit donc pas seule- ment d’assimiler les théories d’autres disciplines mais aussi de montrer ce que les études littéraires leur offrent en retour (Prieto 2011 : 13). Comment donc appréhender, lire et interpréter l’espace fictionnel ? Quels nouveaux outils théoriques nous permettent d’en envisager l’immense potentiel ? Quelles sont ses fonctions au sein du texte littéraire ? La littérature peut-elle contribuer à la construction des espaces référentiels ? Ces interrogations se trouvent au cœur même de ce dossier d’Arborescences qui a pour objet de lire l’espace sous ses formes multiples : celle du « contexte géographique dans lequel le texte est produit ou au- quel le texte se réfère », celle de « l’espace signifié par le texte », voire de l’organisation du monde fictionnel, ou encore celle de « l’espace physiquement occupé par le texte » (Ryan 2003 : 336 ; notre traduction). Par conséquent, les méthodes et outils d’analyse divergent. Certaines études traitent l’espace d’un point de vue géographique, tandis que d’autres l’appréhendent d’un point de vue narra- tologique, sémiotique ou encore historique. Étudiées de concert, ces déclinaisons sont nécessaires pour comprendre la façon dont l’espace informe, et est informé par, le discours de l’auteur, le genre littéraire, la lecture et les modalités narratives. L’acte poétique tout entier est empreint de la compo- sante spatiale — du contenu du texte à sa structure, du mode de production à la réception. Les par- cours méthodologique et théorique privilégiés par nos contributeurs les ont conduit vers un champ d’étude encore peu fréquenté mais extrêmement fertile et souvent interdisciplinaire. Dans les articles de ce dossier, la convergence des savoirs est source de dialogue avec l’Autre. Elle génère en effet de nouvelles connaissances et nous offre des éléments de réponse aux questions brûlantes qui définis- sent nos sociétés contemporaines. En guise d’entrée en matière à la première partie du dossier intitulée « Théorie et praxis », la contribution d’Antje Ziethen présente les différentes approches littéraires « géocentrées » qui ont été formalisées, consolidées ou renouvelées dans le sillage du remaniement épistémologique suscité par Arborescences Ziethen, Lebrec et Paterson 3 le spatial turn. Ziethen commence par une revue des recherches qui ont établi les bases théoriques d’une pensée spatiale en littérature et se tourne ensuite vers les études plus récentes. En premier lieu, sont abordés les travaux de Mikhaïl Bakhtine, Youri Lotman, Henri Mitterand et Jean Weisgerber afin d’exposer, en deuxième lieu, la narratologie de l’espace, les romans-géographes, la géocritique, la géographie de la littérature, la géopoétique, la pensée-paysage et l’écocritique. Ces prolégomènes positionnent le présent recueil dans un contexte scientifique précis tout en défrichant les grands axes des contributions présentées par la suite. À leur tour, Rachel Bouvet et Myriam Marcil-Bergeron ainsi que Richard Spavin poursuivent la réflexion théorique sur deux des approches abordées : la géopoétique et la géocritique. Rachel Bouvet et Myriam Marcil-Bergeron démontrent comment la géopoétique — champ de recherche et de création transdisciplinaire — permet de jeter un regard différent sur le récit de voyage. Elles exposent d’abord certains principes fondamentaux — le noma- disme, le dehors et le rapport à la terre — de cette théorie située à la croisée de la littérature et de la géographie. L’analyse des Écrits sur le sable d’Isabelle Eberhardt illustre ensuite en quoi consiste cette méthode qui mobilise les notions de paysage, de polysensorialité et de mouvement. Richard Spavin, quant à lui, met la géocritique de Bertrand Westphal en relation avec la théorie des climats de Jean Bodin. Cette conjonction originale de deux approches très différentes et séparées temporellement permet à l’auteur d’identifier des préoccupations similaires. En effet, Bodin et Westphal promeuvent une vision hybride du monde qui passe par une instrumentalisation rhétorique de l’espace. Dans la deuxième partie du dossier intitulé « Géographies imaginaires », Robin Craig et Ni- cholas Serruys explorent, respectivement, les géographies imaginaires du roman gothique au tour- nant du XIXe siècle et de l’uchronie québécoise dans l’objectif de démontrer comment le genre litté- raire et ses chronotopes cristallisent les préoccupations d’une époque spécifique. Dans son article, Robin Craig prend pour objet le roman Malvina de Sophie Cottin afin d’y étudier la fonction et la signification du château. Ce dernier est un espace hybride et interstitiel qui est emblématique de la transition du libertinage pendant le siècle des Lumières à celui du Romantisme, comme le montrent les figures érotisantes, telles le boudoir, le décor pictural évocateur de scènes frivoles, les fenêtres renvoyant sur l’espace érotisé du château au lieu de renvoyer sur le monde extérieur, tout ceci au service d’une maîtresse abusive qui inspire la crainte. Nicholas Serruys, pour sa part, se consacre à un genre encore peu présent dans les études géocentrées — l’uchronie, sous-genre de la science fiction. S’appuyant sur Les Voyageurs malgré eux de l’auteure québécoise Élisabeth uploads/Litterature/ lite-le-texte-et-son-espace.pdf

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