Continents manuscrits Génétique des textes littéraires – Afrique, Caraïbe, dias

Continents manuscrits Génétique des textes littéraires – Afrique, Caraïbe, diaspora HS | 2018 Hors-série Yambo Ouologuem Livre culte, livre maudit : Histoire du Devoir de violence de Yambo Ouologuem Jean-Pierre Orban Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/coma/1189 ISSN : 2275-1742 Éditeur Institut des textes & manuscrits modernes (ITEM) Référence électronique Jean-Pierre Orban, « Livre culte, livre maudit : Histoire du Devoir de violence de Yambo Ouologuem », Continents manuscrits [En ligne], HS | 2018, mis en ligne le 28 mai 2018, consulté le 30 mai 2018. URL : http://journals.openedition.org/coma/1189 Ce document a été généré automatiquement le 30 mai 2018. Continents manuscrits – Génétique des textes littéraires – Afrique, Caraîbe, dispora est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Livre culte, livre maudit : Histoire du Devoir de violence de Yambo Ouologuem Jean-Pierre Orban NOTE DE L'AUTEUR © Jean-Pierre Orban pour le texte et son architecture © Ayants droit de Yambo Ouologuem pour les documents de sa main © Le Seuil ou ayants droit respectifs de leurs auteurs pour les autres documents L'auteur remercie Madame Ava Ouologuem, Monsieur Ambibé Ouologuem, les Éditions du Seuil, les Éditions Gallimard, l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine, Madame Simone Schwarz-Bart, Maître Georges Kiejman pour leur confiance et Céline Gahungu, Claire Riffard, Michelle Garcin pour leur aide et soutien. 1 En septembre 1968, paraît aux Éditions du Seuil le roman d’un jeune Malien inconnu de vingt-huit ans : Yambo Ouologuem. Le 18 novembre suivant, Le Devoir de violence obtient le premier prix Renaudot attribué à un écrivain africain. Son succès est rapide et, traduit dans dix langues, l’ouvrage dépasse les frontières, des États-Unis au Japon. Mais le 5 mai 1972, le Times Literary Supplement (TLS) londonien accuse l’auteur de plagiat à l’encontre de l’écrivain britannique Graham Greene. Un scandale éclate. Il poursuivra Yambo Ouologuem jusqu’à sa mort en 2017. 2 Cinquante ans après la première édition du Devoir de violence et alors que le roman reparaît au Seuil dans la collection « Cadre Rouge » qui l’avait accueilli à l’origine, quarante-six ans, mois pour mois, après le début de l’« Affaire Ouologuem » dans le TLS, qu’en est-il du bien ou mal-fondé des rumeurs qui ont surgi, en sens divers, sur la genèse et le traitement éditorial de ce livre culte devenu livre maudit ? 3 S’appuyant sur le seul dossier solide à ce jour1, celui des archives du Seuil déposées à l’IMEC (Institut Mémoires de l’Édition contemporaine) et rendues publiques pour la Livre culte, livre maudit : Histoire du Devoir de violence de Yambo Ouologuem Continents manuscrits, HS | 2018 1 première fois2, cette étude vise à relater, sur la seule base des documents disponibles, en réduisant au minimum les extrapolations risquées et les interprétations hâtives, l’histoire du Devoir de violence et, à travers elle, de son auteur, depuis ses premières approches des Éditions du Seuil en 1963 jusqu’à sa retraite définitive au Mali vers 19763. Et son enfermement dans le silence public. 4 Des documents ainsi présentés, se dégage le récit d’un cas éditorial exemplaire où se mêlent et souvent s’entrechoquent ambitions littéraires et règles éditoriales, liberté d’écriture et contraintes éthiques, malentendus, susceptibilités et maladresses. Se dessine alors, de la gloire à la chute, le parcours d’un auteur qui rêvait d’écrire un cycle monumental sur « La Chair des civilisations4 ». « Roman feuilleton […] roman cochon. Non. » 5 « Éditions du Seuil. Manuscrit 7646. Lecteur : « SYLVESTRE ». Auteur : Ygambo [sic] Ouologuem. Décision : R[efusé] » 6 La première trace d’un contact de Yambo Ouologuem avec les Éditions du Seuil date de septembre 1963. Une note de lecture5 en atteste. Elle figure dans les dossiers du fonds du Seuil relatifs à l’auteur et déposés, comme les autres dossiers d’auteur du Seuil (Paris), à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine, en Normandie (France). 7 Le manuscrit a été reçu le 27 septembre 1963. L’auteur est né le 22 août 1940 à Bandiagara, dans le pays dogon au centre du Soudan français, nom du Mali avant son indépendance en 1960. Fils d’un inspecteur de l’Éducation nationale, Yambo Ouologuem a terminé ses études secondaires au Mali avant de rejoindre Paris6 et d’y suivre, dès 1960, les classes littéraires préparatoires à l’École normale supérieure. En première année au sein du prestigieux lycée Henri IV7. Ensuite – selon le témoignage d’un compagnon d’hypokhâgne8 – au lycée du Parc à Lyon9. La note de lecture tapuscrite du Seuil datée de septembre 1963 indique cependant que le manuscrit a été présenté « par » le « Lycée Henri IV, 23 rue Clovis (5e) » et mentionne pour adresse « Préparation à l’École Normale Supérieure ». 8 Le titre du manuscrit est… « le devoir de violence » [sic sur la note de lecture]. Le résumé rédigé par le lecteur du Seuil a peu à voir, sinon que l’érotisme y tient une part importante, avec la future publication du Devoir de violence en 1968 : Mme Hayem, industrielle, et sa servante, Mina, ont recueilli une jeune étudiante, Eva, trouvée souffrante et en détresse. On apprend aussitôt qu’Eva a été victime d’un viol de la part de son oncle médecin, venu chez elle vérifier l’état de sa virginité, des doutes courant sur la pureté des rapports qu’elle entretient avec Duchalier, l’étudiant qui partage son appartement. Telle est du moins la version des faits que Duchalier présente à Mme Hayem. 9 La critique du lecteur à l’égard du texte – dont on apprend qu’il ne concerne nullement l’Afrique – est sévère : « Aucun sens de la composition romanesque, aucune véracité psychologique, aucune véracité tout court [...] », écrit « Sylvestre » qui poursuit : [...] c’est un perroquet, non un homme, qui a voulu écrire ce roman à la française, avec des personnages français, en mêlant tristement les conséquences intellectuelles (ou autres) d’un roman feuilleton, d’un roman policier, d’un roman cochon et d’un manuel de philosophie. Non. 10 Plus intrigante dans la perspective des remous qui agiteront la réception du Devoir de violence de 1968, une remarque évoque « idées, citations, formules » que « l’auteur semble Livre culte, livre maudit : Histoire du Devoir de violence de Yambo Ouologuem Continents manuscrits, HS | 2018 2 s’être employé à pêcher au hasard de ses lectures et de ses études » et « qu’il nous ressert ici, recuites. » 11 La conclusion est écrite à la main par le lecteur : « [abréviation illisible] hélas. Je dis hélas parce que j’ai vu l’auteur, sympathique et qu’il m’a déclaré avoir mis cinq ans à “composer” cette chose ». Ouologuem aurait donc, selon lui, entamé l’écriture de ce roman en 1958, à dix-huit ans. 12 Le manuscrit est rejeté et une lettre de refus est envoyée en octobre au lycée Henri IV. « Il faudrait toutefois suivre l’auteur » 13 Moins de six mois plus tard, Yambo Ouologuem présente un nouveau manuscrit au Seuil. Cette fois, un recueil de poèmes : « La salive noire ». Le sous-titre en est « Histoires à chanter ». L’auteur donne cette fois pour adresse « FOM », 47 boulevard Jourdan à Paris 14e, c’est-à-dire la Maison de la France d’Outre-Mer à la Cité internationale universitaire. 14 À l’inverse du manuscrit précédent, celui-ci aborde des thèmes « noirs ». Le rejet, communiqué oralement à l’auteur le 12 mars 1964, n’en est pas moins, lui aussi, brutal : la note de lecture10 parle de « toc » et de « truc ». « Ce petit étudiant », écrit la lectrice, « a lu très vite et pêle mêle11 Césaire et Prévert et ses frères de l’Anthologie africaine et malgache.… et à partir de cela tantôt on enfile des perles et tantôt on casse et concasse ses phrases… » 15 Yambo Ouologuem ne se décourage pas pour autant. Prolifique et rapide, il envoie un nouveau roman le 4 novembre 1964. : « Humble soif ». Ici aussi, il y a une présence « racialisée » et une dramaturgie qui lui est liée. Le protagoniste est un métis, marié à une jeune femme blonde, de père allemand nazi et de mère suédoise. Leur amour « se heurte à l’opposition farouche » du père de la jeune femme et au « racisme latent des européens12 ». La note de lecture qualifie l’écriture « d’un formalisme excessif », avec de « longues périodes éblouies, métaphores toujours lyriques […qui] s’écoutent et semblent se satisfaire d’un bel académisme13 ». Elle conclut cependant qu’il « faudrait, toutefois, suivre l’auteur ». C’est le sens de la lettre de refus envoyée à l’auteur le 8 décembre 1964 par Christiane Reygnault qui a déjà signé la lettre de refus du premier manuscrit de 1963 et de « Salive noire » quelques mois plus tôt : « Il est bien apparu que ce texte constituait une étape positive dans votre travail ». Pour atténuer la déception de l’auteur, Christiane Reygnault termine en écrivant : « L’écriture est une entreprise de patience autant que de passion14 ». uploads/Litterature/ livre-culte-livre-maudit-histoire-du-devoir-de-vio.pdf

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