Arts L’art français aux XV e et XIX e siècles ; Bacon, Giacometti, etc. Pages 2

Arts L’art français aux XV e et XIX e siècles ; Bacon, Giacometti, etc. Pages 2-3. Architecture Du Liban au Yémen, de beaux voyages en Orient. Page 4.Histoire Des livres pour faire date. Page 5.Photographie L’art du portrait ; images de la Dépression américaine. Pages 6-7.Voyages Des montagnes magiques aux peuples du Rift en passant par les abysses. Pages 8-9. Art de vivre Les champions français du design ; une sélection d’ouvrages culinaires. Pages 10-11. Spectacles De belles pages de cinéma ; Orson Welles au travail. Page 12. Dans un ouvrage magnifique, Jean-François Bizot, le « père » d’« Actuel », relate l’extraordinaire aventure de la presse underground des années 1960-1970 L e paysage est ravagé. Deux types discutent, assis sur le capot d’une bagnole défoncée envahie par les rats. Une bulle, juste au-dessus d’eux, interroge : « C’est quoi l’éco- logie ? » Titré « Beuark ! », le dessin est signé Ron Cobb, qui partira plus tard dessiner E. T. pour Hollywood. Pour l’heure, nous sommes en octobre 1971, personne ne connaît le mot « écologie ». Il fait pourtant, avec ce des- sin, la couverture du n˚ 13 d’Actuel, un mensuel créé trois ans plus tôt par quelques potes (Bizot, Burnier, Kouchner, Rambaud). Tout en bas de la couverture, à droite, la simple mention des autres temps forts du numéro : « Zappa, Velvet, Johnny tout nu, Godard et Mao ». Tout un programme. Comme Actuel, on compte en 1970 des milliers de jour- naux underground. De Berlin à San Francisco, il s’en vend au total plus de 6 millions d’exemplaires. « A 20 ans, au milieu des années 60, nous nous sentions comme des enfants accouchant d’un nouveau millénaire. (…) Nous voulions tout réin- venter. Une révolte à la fois clocharde, céleste, révolutionnaire, cyberfreaks et vidéo-guérilléros, sexplorateurs, écologistes… », écrit Jean-François Bizot dans la préface de Free Press, le magnifique album qu’il vient de consacrer à la contre-culture vue par la presse underground. « Il était temps de se battre », explique-t-il. Dylan chantait The Times They Are a-Changin’, les Scandinaves libéraient la sexualité, les Beatles fumaient des joints à Buckingham. Quant aux Français, « dévorés de complexes et d’envie face aux libertés anglaises, danoises et hollandai- ses », ils continuaient, écrit Bizot, « à aiguiser la théorie, l’esprit critique et l’avant-garde, des situationnistes à Foucault ou Godard et Demy, Rivet- te et Jacques Rozier ». Et ce fut un feu d’artifice unique dans l’histoire de la presse. Les « papes » de ce mouvement avaient nom John Wil- cock, du Village Voice, Richard Neville, du journal londonien Oz, Jim Haynes, le créateur de l’International Times, Bizot, sans oublier des personnalités comme Richard Brautigan, Robert Crumb ou encore Hunter S. Thompsom, l’inventeur du journalisme « gonzo ». Magnifiquement illustré et édité, Free Press témoigne non seule- ment de l’extraordinaire inventivité graphique de ces journaux, mais aussi de leur sens aigu de la provocation politique et culturelle. En ce temps-là, il y avait une esthétique de l’underground ; on vivait à l’écart pour se forger de nouvelles valeurs ; et c’était à qui serait le pre- mier à porter aux cieux Zappa et ses Mothers of Invention ou Captain Beefheart. Dans ce foisonnement d’images, la révolution était une contre-culture, l’envie de révolte une provocation, le journalisme un combat, pour le féminisme, pour le droit à l’avortement, contre l’effet de serre, pour le bouddhisme… En feuilletant l’album, les plus anciens se prendront un grand coup de nostalgie, les plus jeunes seront émer- veillés devant tant d’inventivité et de liberté. Aujourd’hui, l’horizon s’est déplacé : c’est sur des sites Internet chinois, iraniens ou de pays arabes que s’élaborent de nouvelles formes de résistance. Reste à savoir si le Net, là-bas comme ici, saura échapper aux comportements individualistes, qui pour l’heure le fondent, pour générer des mouve- ments collectifs semblables à ceux qui ont accompagné, dans les années 1960 et 1970, l’essor de la presse underground. a Franck Nouchi Free Press, la contre-culture vue par la presse underground, de Jean-François Bizot, éd. Actuel/Panama, 256 p., 39 ¤. AU TEMPS CHÉRI DE LA « FREE PRESS » Vendredi 8 décembre 2006 CAHIER DU « MONDE » DATÉ VENDREDI 8 DÉCEMBRE 2006, N O 19244. NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT P aris, 1408. Le duc Jean de Berry fait travailler « en son hostel de Vincestre-les-Paris » le peintre Pol de Limbourg. Il l’apprécie tant qu’il veut assurer son bonheur. La meilleure solution : lui trouver une épou- se riche. Le duc, qui a déjà procédé de la sorte en faveur de son sculpteur Jean de Cambrai, décide que Pol doit épouser Gillette La Mercière, opulente héritière. Mais Gillette a 8 ans et ses parents jugent le peintre indigne de leur fille. Le duc passe outre, fait enlever l’enfant et la garde dans son château d’Etampes. Le Parlement de Paris prend le parti de la famille, le duc s’entête et les parents finissent par céder, à condition que le duc et le pein- tre veuillent bien attendre que Gillette ait 12 ans pour célé- brer la noce. Elle a lieu à Bourges, en 1411 sans doute, et, en cadeau de mariage, le duc donne à Pol un hôtel particulier de la ville, confisqué l’année précédente à son trésorier géné- ral, un Génois peu délicat. C’est cadeau pour cadeau car les Limbourg, peu aupa- ravant, ont offert au duc Le Livre contre- fait, objet précieux à l’apparence d’un livre, peut-être un trompe-l’œil. De quoi il se conclut que le duc de Berry, loin de les considérer comme des artisans, tient les peintres en haute estime, du moment qu’ils sont de grand talent. En consacrant la première partie de Peindre en France au XV e siècle aux condi- tions du métier, Yves Bottineau-Fuchs rappelle ainsi que les sociétés aristocrati- ques de ce temps consentent aux pein- tres une place singulière. Ils la doivent à leurs capacités et à ce que leur gloire contribue au prestige et au plaisir de leurs protecteurs. A charge pour eux d’accomplir avec un égal succès toutes les tâches qui leur sont confiées : livres d’heures, retables, portraits, dessins de vitraux, décors de fêtes. Comme ils ne peuvent y suffire seuls, ils s’entourent d’aides et des liens familiaux font de leurs entreprises des clans. Rien de spéci- fique à la France en la matière : on agit et vit de même en Flandres et en Italie. Construire l’espace C’est là du reste le seul reproche que l’on puisse faire à cet ouvrage très réussi et magnifiquement imprimé : son titre. Qu’est-ce que « la France » au XV e siè- cle ? Des pouvoirs et des territoires qui ne sont pas encore unifiés par la monarchie et, pour les artistes, un espa- ce où l’on voyage sans souci de frontiè- res et de nationalités, pour répondre à des commandes et, parfois, pour fuir une guerre. Les Limbourg sont « alle- mands ». Jean Malouel serait originaire de Nimègue et Enguerrand Quarton, qui œuvre en Provence, viendrait du dio- cèse de Laon. Autre Avignonnais, Nico- las Froment arrive des Pays-Bas pour rejoindre ce que Bottineau-Fuchs nom- me « le carrefour provençal ». Quant à Antoine de Lonhy, on a trace de lui à Toulouse, à Barcelone et en Savoie. Histoire et géographie sont donc insé- parables. Avec les hommes, références et influences se déplacent, se succèdent ou se mêlent. Par œuvres et réputations interposées, Flamands et Italiens sont présents à Paris, à Dijon ou Avignon. Simone Martini, Antonello da Messina, les Van Eyck, Rogier Van der Weyden, Robert Campin ne cessent ainsi d’être cités, repères pour une étude générale des iconographies et des styles qui ne serait pas pertinente sans eux. Et qui détermine la chronologie : au XV e siècle comme aujourd’hui, l’art est agité de modes et rien n’est plus profitable que d’apporter – ou au moins de connaître – la dernière nouveauté en date. Une nou- velle façon de construire l’espace, une adresse inédite pour intégrer allusions bibliques ou politiques, la maîtrise des effets de transparence ou des ombres portées, c’est un mérite précieux pour le peintre qui s’en montre capable. Pour rendre sensibles ces évolutions, quelque- fois presque imperceptibles, il faut des descriptions attentives, exercice du regard et de la mémoire qui sont le fon- dement même du livre et sa méthode. L’auteur s’y consacre avec un plaisir visi- ble, proposant à l’occasion des hypothè- ses et des attributions, discutant celles d’autres spécialistes, avouant parfois qu’il est impossible d’être sûr quand tant d’œuvres ont disparu et que les archives sont lacunaires. Pour quelques- uns, elles le sont heureusement moins. On connaît fort bien Enguerrand Quar- ton par ses œuvres et le contrat de com- mande (le « prix-fait ») du Couronne- ment de la Vierge signé le 23 avril 1453 – ce qui permet de suivre son travail au plus près. Celui du Maître de Moulins se laisse aussi approcher, en partie grâce à ce que l’on sait de ses relations avec ses mécènes, les Bourbon et uploads/Litterature/ revista-historia-en-frances.pdf

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