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UCAO-UUB Cours d’Histoire illustrée de la littérature africaine d’expression française Page 1 Semestre 2 (LM) Histoire illustrée de la littérature africaine écrite d’expression française (Lettres Modernes) LICENCE DE LETTRES MODERNES Semestre 2 Cours de l’Abbé Ernest Ouoba Courriel : ouobaernest@gmail.com 30 heures UCAO-UUB Cours d’Histoire illustrée de la littérature africaine d’expression française Page 2 INTRODUCTION Pendant longtemps, l’idée d’une Afrique noire sans culture a occupé les pages de plusieurs ouvrages. L’inexistence d’une culture africaine justifiait l’inexistence d’une littérature. En effet, la littérature était perçue sous sa forme écrite. Mais de nombreux écrits ont montré qu’avant la littérature écrite, il existait une littérature orale. L’écriture n’est donc pas la seule condition d’existence d’une littérature. Dans le présent cours, nous nous intéresserons à la littérature écrite et plus précisément à la littérature africaine écrite. Cette dernière s’est formée grâce à la rencontre avec d’autres civilisations : arabo- musulmanes et judéo-chrétienne. Elle existe et forme particulièrement un ensemble d’œuvres écrites en langue européennes (français ; anglais, portugais, etc.) Nous nous intéresserons aux conditions d’émergence de cette littérature, aux genres, aux auteurs, aux différents courants littéraires, etc. Mais avant tout, nous allons consacrer quelques pages à l’idéologie eurocentriste. 1. De l’eurocentrisme à la reconnaissance de l’art nègre 1.1. L’eurocentrisme Depuis Claude Galien (vers 131-201), une imagerie péjorative du Noir tient une place importante dans les traditions populaires. Ce médecin grec définit le Noir comme un être hilare au sexe démesurément long. La couleur noire a été pendant longtemps la couleur de la nuit, de tout ce qui est souterrain, du monde des enfers, elle est la couleur du deuil. Tout au long de l’histoire, ces croyances vont guider des esprits illustres. Montaigne (1533-1592), en parlant des Nègres les présente comme des cannibales. L’imagerie du Noir vire au racisme Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882) dans son livre intitulé Essai sur l’inégalité des races humaines. Il oppose la rationalité blanche (qualité supérieure) à celle noire (qualité inférieure). L’art africain est considéré comme l’art primitif, sans intérêt, et les sculptures, les statues, les masques sont des objets du diable, du paganisme. UCAO-UUB Cours d’Histoire illustrée de la littérature africaine d’expression française Page 3 La philosophie classique allemande s’invite au débat sur la nature de l’homme noir à travers deux figures majeures : Hegel (1770-1831) et Kant (1724-1804). Dans ses leçons sur la philosophie de l’histoire, Hegel écrit : « L’Afrique proprement dite, aussi loin que remonte l’histoire, est restée sans lien avec le reste du monde. C’est le pays de l’or, replié sur lui-même, le pays de l’enfance, qui, au-delà du jour de l’histoire consciente est enveloppée dans la couleur noire de la nuit ». Il poursuit : « ce que nous comprenons en somme sous le nom d’Afrique, c’est ce qui n’a point d’histoire et n’est pas éclos, ce qui est enfermé encore tout à fait dans l’esprit naturel ». Son collègue Emmanuel Kant apporte cette contribution : « Une chaleur humide est généralement favorable à la croissance des animaux. C’est ainsi qu’on voit apparaître le Nègre, bien adapté à son climat, à savoir, fort, charnu et agile, mais qui, du fait de l’abondance matérielle dont bénéficie son pays natal, est encore paresseux, mou et frivole ». On pourrait multiplier les citations jusqu’à une période récente sur la passivité et l’ignorance des Noirs, des êtres vivant dans un ordre naturel où l’injustice est la règle, des êtres enclins à la lâcheté. De ce constat, l’homme noir ne peut être créateur de culture. Il ne peut avoir de littérature. Il a fallu attendre la reconnaissance des cultures et des civilisations nègres pour battre en brèche l’imagerie du Noir trempée à l’encre de l’eurocentrisme. 1.1. L’apport des ethnologues dans la valorisation des cultures africaines Leo Frobenius (1873-1938), Maurice Delafosse (1830-1926), Germaine Dieterlen (1903-1999), Marcel Griaule (1898-1956), Georges Balandier (1920-2016), dépassent les théories eurocentristes et mettent en évidence la diversité et la richesse des valeurs culturelles africaines. Leo Frobenius a entrepris plusieurs voyages en Afrique. Il a consacré l’entrée de l’Afrique sur la scène internationale. Léopold Sédar Senghor lui rendra hommage en ces termes : « Nul mieux que lui ne révéla l’Afrique au monde et les Africains à eux-mêmes. C’est avec Leo Frobenius plus que tout autre que nous avons découvert les notions comme émotion, art et mythe ». UCAO-UUB Cours d’Histoire illustrée de la littérature africaine d’expression française Page 4 Plus tard, les chercheurs africains prendront le relai pour hisser haut le flambeau des cultures et des civilisations africaines. Il s’agit particulièrement de Cheick Anta Diop (1923-1986), Théophile Obenga, né en 1936 et toujours en vie, Joseph Ki-Zerbo (1922- 2006), et bien d’autres. Ces auteurs vont opérer une véritable révolution dans l’historiographie négro-africaine qui rendra ses lettres de noblesse à la culture africaine. Les travaux de ces auteurs viennent confirmer la diversité des cultures africaines et l’expression de cette culture dans une littérature à contenu oral. 1.2. L’art nègre Les masques, les sculptures et les statuettes africaines étaient considérés comme relevant du paganisme. Mais voilà qu’entre 1905 et 1907, un groupe de peintres et d’artistes découvre avec émerveillement la statuette et le masque africains. Le Mercure de France et la Revue Action en font largement écho. De nombreuses expositions sont réalisées en Europe et aux Etats-Unis. A Paris, la première sera organisée en 1919 à la Gallérie Devambez. La découverte de l’art nègre a des répercussions sur la peinture. Pablo Picasso (1881-1973), Henri Matisse (1869-1954) et bien d’autres s’en inspirent pour créer le cubisme. 2. Contexte socio-historique d’émergence de la littérature africaine écrite Les années 1920-1930 consacrent l’entrée de l’Afrique sur la scène littéraire. C’est la période où les démocraties occidentales sont mises à rude épreuve par plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, on peut citer la grande crise économique de 1929 qui a secoué l’Amérique et beaucoup de pays européens, notamment l’Angleterre et la France. La Révolution russe d’octobre 1917 a suscité de grands espoirs en tant que modèle alternatif pour les peuples épris de justice et de liberté. Mais à la fin des années 20, ces espoirs commencent à s’émousser avec la montée sur la scène internationale des régimes fascistes en Allemagne et en Italie. En Afrique, les peuples vivaient toujours sous la domination coloniale. Aux Etats-Unis, les Noirs sont victimes de la ségrégation raciale. Tous ces faits vont contribuer à une prise de conscience des Africains en général et des UCAO-UUB Cours d’Histoire illustrée de la littérature africaine d’expression française Page 5 Noirs en particulier. Dans leur lutte contre la colonisation et la ségrégation raciale, ils puiseront aux sources du marxisme et du surréalisme. 2.1. La Négro renaissance Elle est un mouvement de révolte créé en 1905 par les intellectuels négro- africains descendants des esclaves noirs. Elle a eu ses théoriciens et ses écrivains dont les œuvres ont influencé les militants antillais et africains. Washington Booker démontre qu’un Noir vaut bien un Blanc, à condition de recevoir une éducation égale. Il réussit à mettre sur pied la première école professionnelle pour Noirs dans l’Etat d’Alabama, le plus hostile à la race noire. Il écrit : « Il s’agissait pour nous de prouver qu’il était possible à la race noire de créer un établissement d’instruction et d’éducation et de le diriger convenablement. Echouer était porter un coup à la race noire toute entière. Tout était contre nous ». Dans les années 1920, Harlem devint le haut lieu d’expression des génies noirs. Le théâtre, le jazz, la poésie, la danse, atteignent leur paroxysme. La prise de conscience des Noirs de leur originalité et de leur personnalité marque le début de la renaissance noire. L’expression de cette renaissance est lisible dans les œuvres de Countee Cullen, Claude Mackay, Langston Hugues et James Weldon. Ces auteurs condamnent le racisme, la violence dans lesquels bagnait l’Amérique. James Weldon écrit : « Nous, créateurs de la nouvelle génération nègre, nous voulons exprimer notre personnalité sans honte ni crainte. Si cela plaît aux Blancs, nous en sommes fort heureux. Si cela ne leur plaît pas, peu importe. Nous savons que nous sommes beaux et laids aussi. Le tam-tam pleure, le tam-tam rit. Si cela plaît aux hommes de couleur, nous en sommes fort heureux. Si cela ne leur plaît pas, peu importe. C’est pour demain que nous construisons les temples. Des temples solides comme nous savons en édifier et nous nous tenons dressés au sommet de la montagne, libres en nous-même ». Les œuvres des auteurs comme Langston Hughes, Claude McKay, Countee Cullen deviennent les livres de chevet des auteurs africains et antillais vivant en France. Le livre de Claude Mac Kay intitulé Banjo constitue une critique de la société américaine. Le romancier se rebelle contre la morale d’une société qui le rejette. Il UCAO-UUB Cours d’Histoire illustrée de la littérature africaine d’expression française Page 6 constate qu’il existe en France un mépris fondamental du peuple noir. Selon lui, dans ce pays, comme partout, un criminel est noir et tous les Noirs sont des criminels. Les Noirs eux-mêmes ont fini par intérioriser ses préjugés. Par exemple l’Antillais méprise l’Africain qui est plus nègre uploads/Litterature/ lm1-histoire-illustree-de-la-litterature-africaine-ecrite-d039expression-francaise.pdf
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- Publié le Sep 09, 2022
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