1 De la découverte d’al-Lubāb fī sharḥ talkhīṣ ‘acmāl al-ḥisāb d’al-Hawārī al-M
1 De la découverte d’al-Lubāb fī sharḥ talkhīṣ ‘acmāl al-ḥisāb d’al-Hawārī al-Miṣrātī Mahdi ABDELJAOUAD Jeffrey OAKS Université de Tunis University of Indianapolis Résumé : Dans la première partie de cette communication, nous présentons l’ouvrage, la richesse de ce texte et son influence sur l’enseignement des mathématiques et, dans la deuxième partie, nous analysons quelques thèmes traités par al-Hawārī : la vérification des opérations sur les fractions par la preuve par 7 et le calcul des radicaux. Par ‘découverte’, nous n’entendons pas l’action de trouver ce qui est inconnu, oublié ou caché, car al-Lubāb fī sharḥ talkhīṣ ‘acmāl al-ḥisāb écrit par cAbd al-cAzīz b. cAli b. Dāwud al-Hawārī al-Miṣrātī, un élève d'Ibn al-Bannā’, avait été signalé par Djebbar et Aballagh (2001, 46 et 90). Ils précisaient que c’était le seul commentaire du Talkhīṣ dont la publication avait été autorisée par Ibn al-Bannā’ lui-même. Place d’al-Lubāb par rapport à l’œuvre d’Ibn al-Bannāʾ La lecture de la thèse d’Aballagh (1988 ; 1994) et des travaux précis et détaillés de Djebbar et Aballagh (2001), permet d’établir une chronologie aussi complète que possible des activités et des travaux d’Ibn al-Bannāʾ (654-721 – 1256-1321). Ces auteurs indiquent qu’Ibn al-Bannāʾ a achevé al-Uṣūl wa’l- muqaddimāt fī’l-jabr wa’l-muqābala, un livre d’algèbre dédié à al-Milyānī, le préfet d’Aghmāt assassiné en 686/1287. Ils signalent que l’ouvrage al-Maqālāt al-arbaac fi l-cadad, une introduction à l’arithmétique des entiers (positifs), des fractions et des radicaux a été achevé pendant la même période (Djebbar et Aballagh, p. 58). Par ailleurs, il apparaît certain qu’Ibn al-Bannāʾ a achevé d’écrire Talkhīṣ ‘acmāl al-ḥisāb avant 1301, car il est établi, qu’à cette date et suite à la demande de ses étudiants, il a lui-même achevé un commentaire du Talkhīṣ intitulé Rafc al-ḥijāb can wujūh ‘acmāl al-ḥisāb (ibid., p. 59). C’est donc juste après une longue maladie – qui a duré au-moins une année – qu’Ibn al-Bannāʾ termine Talkhīṣ ‘acmāl al-ḥisāb, se met à l’enseigner et le complète quelque temps plus tard par Rafc al-ḥijāb. 2 Un de ses étudiants, cAbd al-ʿAzīz ibn ʿAlī ibn Dāwud al-Hawārī al- Miṣrātī1, qui a suivi ses cours pendant cette période, obtient l’autorisation de son maître d’illustrer les définitions, propositions et algorithmes contenus dans le Talkhīṣ par des exemples numériques appropriés. Il en résulte al-Lubāb fī sharḥ talkhīṣ ‘acmāl al-ḥisāb, le premier d’une longue liste de commentaires du Talkhīṣ écrits tout au long des siècles et utilisés dans les madrasas d’abord d’Occident, puis d’Orient 2. Malgré toutes les recherches effectuées, al-Hawārī al-Miṣrātī reste mystérieux car peu d’informations le concernant nous sont parvenues.3 Dans al-Lubāb, l’auteur suit pas à pas le texte du Talkhīṣ, le recopie paragraphe par paragraphe, chacun de ces paragraphes étant suivi d’un exemple numérique illustrant son contenu. Al-Hawārī al-Miṣrātī emprunte parfois des paragraphes de Rafc al-ḥijāb, contenant des propositions et des exemples numériques, sans toutefois les rapporter explicitement à cet ouvrage. En fait, dès la préface, il justifie la composition de son livre par l’absence d’exemples numériques dans Talkhīṣ, considérant leur nombre réduit et insuffisant dans Rafc al-ḥijāb ; il laisse ainsi entendre implicitement qu’il puise autant de problèmes de Rafc al-ḥijāb que nécessaire, mais que l’essentiel de son travail consiste à inventer des exemples originaux. 1 Dans les différents manuscrits consultés, les orthographes des prénoms et des kunias relatifs à notre auteur varient : “al-Hawāzī” à la place de “al-Hawārī” ou “Dāwūd” à la place de “Dāwud” et al-Misrātī, avec “s”, à la place de “ṣ”. 2 Les commentateurs du Talkhīṣ dont on a retrouvé les traités sont al-Ghurbī (avant 1349), al-Mawāḥidī (avant 1382), Ibn Zakariyyā (m. 1403-4), Ibn Qunfudh (m. 1407-8), al-ʿUqbānī (m. 1408), Ibn Haydūr (m. 1413), Isaac ben Solomon Ibn al-Aḥdab (m. 1430), Ibn Majdī (m. 1447), al-Ḥabbāk (m. 1463), al-Qalaṣādī (m. 1486) et Muḥammad al-Ghazzī (16e s.). D’autres auteurs se sont inspirés du Talkhīṣ pour écrire des manuels d’arithmétique et d’algèbre : Ibn al-Hāʾim (m. 1412), Ibn Marzūq (m. 1438), Ibn Ghāzī (m. 1513), al-Wansharīsī (m. 1548-9) et Ibn al-Qādhī (m. 1616). 3 En effet, al-Hawārī lui-même n’est pas mentionné dans les travaux biographiques d’Ibn Qunfudh (d. 1508), al-Wansharīsī (d. 1512), al-Shanshāwunī (d. 1578), ni dans des bio-biographies importantes, la première apparition du nom d’al-Hawārī est associée au Talkhiṣ d'Ibn al-Bannā dans la rubrique que lui réserve Ḥājjī Khalīfa (m. 1657) dans Kashf al-ẓunūn ʿan asāmī al-kutub wa-al-funūn; mais il n’indique aucune date pour le décès de notre auteur. La date généralement proposée pour le décès d’al- Hawārī nous paraît incertaine car le premier à la situer aux environs de 745 H/1344, Ismacīl al-Baghdādī (m. 1920) ne présente aucune justification pour ce choix. Cette date est reprise par tous ses successeurs. Notre seule certitude est qu’al-Hawārī était vivant en 1305. 3 Bien que terminé4 en 1305, al-Lubāb surprend car on n’y trouve aucune référence explicite aux premières œuvres d’Ibn al-Bannāʾ. En effet, ni al-Uṣūl wa’l-muqaddimāt fī’l-jabr wa’l-muqābala, ni al-Maqālāt al-arbaaʿ fi l-cadad ne sont cités explicitement par al-Hawārī al-Miṣrātī ; une inspection attentive des contenus montre qu’aucun emprunt de ces deux livres n’apparaît dans Lubāb, alors qu’ils contiennent une multitude d’exemples numériques se rapportant à l’algèbre pour le premier, et à l’arithmétique des entiers, des fractions et des radicaux pour le second. Est-ce à penser qu’après sa maladie, Ibn al-Bannāʾ ne se réfère plus dans ses cours à ses écrits mathématiques achevés avant cette maladie ? Est-ce que ces écrits dédiés à des personnalités de l’ancien régime almohade auraient été mal vus par les nouveaux dirigeants mérinides ? On pourrait aussi expliquer ce silence sur des ouvrages de haut niveau par la polémique que l’on découvre chez certains de ses successeurs concernant la paternité douteuse de ces textes qui auraient été empruntés par Ibn al-Bannāʾ à ses maîtres. En tout cas, quelle qu’en soit la raison, al-Hawārī al-Miṣrātī ignore ces deux ouvrages. Présentation de l’ouvrage Pour l’édition et l’analyse du Lubāb, nous avons privilégié le manuscrit de Médine qui est le plus vieux manuscrit connu actuellement. 5 4 En tenant compte de l’introduction du manuscrit, Djebbar et Aballagh avaient encadré la date d’achèvement de la rédaction du traité entre 1302 et 1305. En fait, nous avons découvert que la date exacte est indiquée à la fin du manuscrit de Médine : le 18 Dhū al- Qaʿda de l’année 704 de l’Hégire, correspondant au 12 juin 1305. 5 Les manuscrits utilisés sont : - Madina, collection Ḥikmat 2856. 63 ff, 16 lignes par page, 16 x 21 cm. Copie date du 18 Rabia I, 746H (= 19 juillet 1345). - Istanbul, Bibliothèque Süleymaniye, Collection Şehit Ali Paşa 1977/2, ff. 54a- 103b. Copie datée du 20 Ramadan 880H (= 11 Janvier 1476 à Constantinople). - Oxford, collection Marsh 378/3, ff. 109a-162a. Copie date de 1444 d’après Woepcke. - Tunis, Bibliothèque Nationale de Tunis, manuscrit n° 9940. 32 ff., 22 x 26 cm, 29 lignes par page. Copie date du 4 Jumada II, 1082 (= 8 Octobre 8, 1671 à Damas). Manuscrits connus, mais non utilisés dans cette étude: - Madrid, Escurial MS 953/1, ff. 2b-79a - Madrid, Escurial MS 948/2, Copie date de 867H/1462 - London, India Office MS 770/3 ff. 19b-69b. Copie date de 856H/1452 - Rabaṭ, Bibliothèque Générale MS Q846, 69 ff. - Rabaṭ, Bibliothèque al-Ḥassīniyya MS 2186/2, 97 ff. Incomplete. 4 al-Lubāb est caractérisé par la simplicité et la clarté des exemples numériques et algébriques accompagnant les concepts, définitions, propositions et procédures énoncées dans le Talkhīṣ. A chaque définition ou règle, al-Hawārī propose un exemple numérique facile à reproduire par le lecteur. Par exemple, pour chaque type de multiplication, il explicite les étapes de l’algorithme à partir d’un exemple numérique simple et utilise deux couleurs (le rouge et le noir) pour différencier le résultat des données. Nous avons constaté qu’al-Lubāb contient des figures illustrant les opérations sur les nombres ou les fractions utilisant l’écriture symbolique maghrébine pour les entiers et les fractions ; par contre, les représentations symboliques sont totalement absentes dans les chapitres consacrés aux radicaux quadratiques et à l’algèbre. L’auteur suit en cela son maître Ibn Bannā’ qui n’utilise pas de représentation symbolique dans Rafʿal-ḥijāb ni dans Kitāb al- uṣūl wa l-muqaddimāt fī l-jabr wa l-muqābala. Il faudra attendre le commentaire du Talkhīṣ par al-Mawāḥḥidī pour voir réapparaître les symboles et notations maghrébines pour les radicaux et les expressions algébriques. Les copistes non mathématiciens du Lubāb sont perturbés par l’agencement des opérations et n’arrivent pas à les reproduire correctement. Seuls Ibn Ghāzī (m. 1513) et Şeker Zāde (m. 1787) offrent des figures claires et satisfaisantes. al-Hawārī s’encombre rarement d’explications philosophiques ou linguistiques qui risqueraient d’alourdir son texte, il cherche au contraire l’efficacité. C’est, pensons-nous, ce qui explique la longévité de cet ouvrage, illustrée par sa présence remarquée en accompagnement du Talkhīṣ, dans de nombreux livres regroupant des collections de manuscrits. Les commentateurs connus du Talkhīṣ ont évoqué de différentes manières ce texte. Certains comme Ibn al-Bannā’ lui-même dans Rafc al-ḥijāb ou al- Mawāḥḥidī au début de Taḥṣīl al-munā fī sharḥ talkhīṣ ibn al-Bannā’ supposent que leur lecteur possède une copie du Talkhīṣ ou, tout au moins, il en connaît le texte uploads/Litterature/ mahdi-abdeljaouad-et-jeffrey-oaks-de-la-decouverte-d-x27-al-lubab-fi-shar-talkhi-acmal-al-isab-d-x27-al-hawari-al-mi-rati 1 .pdf
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- Publié le Oct 24, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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