Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences his

Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques Résumés des conférences et travaux 143 | 2012 2010-2011 Latin technique du XIIe au XVIIIe siècle Jean-Marc Mandosio Édition électronique URL : http://ashp.revues.org/1297 ISSN : 1969-6310 Éditeur École pratique des hautes études. Section des sciences historiques et philologiques Édition imprimée Date de publication : 1 octobre 2012 Pagination : 119-133 ISSN : 0766-0677 Référence électronique Jean-Marc Mandosio, « Latin technique du XIIe au XVIIIe siècle », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 143 | 2012, mis en ligne le 24 septembre 2012, consulté le 07 octobre 2016. URL : http://ashp.revues.org/1297 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. Tous droits réservés : EPHE Résumés des conférences 119 LAT I N T ECH N IQU E DU X I Ie AU X V I I Ie SI èCLE Maître de conférences : M. Jean-Marc Mandosio Programme de l’année 2010-2011 : I. Jacques Lefèvre d’Étaples, De magia naturali ; textes magiques et alchimiques. — II. Avicenne, Libri metheororum (en collaboration avec Mme Silvia Di Donato). — III. Le commentaire de Jean Péna (1555) sur le De natura deorum de Cicéron (en collaboration avec Mme Marie-Dominique Couzinet). I. Le De magia naturali de Lefèvre d’Étaples a de nouveau été mis de côté au profit du ms. lat. 10870-75 de la Bibliothèque royale de Belgique, que nous avions rapide- ment évoqué il y a deux ans en nous demandant si les différents textes qu’il contient formaient ou non un tout cohérent, répondant au programme annoncé dans le prologue du premier des traités 1. Les catalogueurs, tant anciens que modernes, ont cru qu’il ne s’agissait que d’un recueil de textes de divers auteurs, ce qui les conduisit à le répartir sous plusieurs cotes distinctes 2. Nous pouvons désormais affirmer avec certitude que le manuscrit tout entier constitue le Lucidarius de rebus mirabilibus, somme composée par le médecin Pierre de Zélande de 1491 à 1494 dans le but d’élucider les fondements théoriques de la magie, art qui est à ses yeux réellement efficace. L’ouvrage se pré- sente de prime abord comme une simple compilation, ce qui explique que sa structure globale ait pu passer inaperçue. La mise au jour de ce Lucidarius confirme l’intérêt grandissant pour la théorie des arts magiques à la fin du xve siècle : dans le sillage des Florentins Marsile Ficin et Jean Pic de la Mirandole, qui avaient spectaculairement remis au premier plan l’étude de la question, les vastes synthèses opérées par Pierre de Zélande et Lefèvre d’Étaples, exactement contemporaines mais assez différentes l’une de l’autre, marquent une étape importante avant la grande systématisation entreprise à partir de 1509 par Henri Corneille Agrippa dans son De occulta philosophia. Cette étape est demeurée quasiment invisible, si bien que la publication du De magia natu- rali et du Lucidarius de rebus mirabilibus, que nous espérons pouvoir mener à bien 1. Voir l’Annuaire 2008-2009, p. 125-126. 2. Cette cotation remonte à l’inventaire général de la bibliothèque des ducs de Bourgogne, réalisé lors de sa transformation en Bibliothèque royale après la création de l’État belge en 1830 : « 10870. Francho- nis de Zelandia, De viribus cordis. 10871. Petri de Abano, Conciliator de medicinis. 10872. Alberti Magni, Secreta. 10873. Compendium de spirituum officiis. 10874. Comitis Mirandulani, Conclusiones magicæ. 10875. Jacobi Fabri, Magia naturalis » (Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque royale des ducs de Bourgogne, Bruxelles - Leipzig, t. I, 1842, p. 218). La subdivision du manuscrit en six parties est extrêmement arbitraire ; une subdivision en sept parties, aussi peu fiable que la précédente, est proposée par Roger Calcoen (Inventaire des manuscrits scientifiques de la Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, t. 3, 1975, p. 41-42) : l’un des traités y est affublé d’un titre fantaisiste – De gene- ribus et futuris hominum artibus – alors que son titre exact est Super guerris et futuris hominum actibus et moribus præsentibus et futuris (f. 114v), et les Conclusions de Pic de la Mirandole, qui figurent bel et bien dans le manuscrit, ne sont même plus mentionnées. 120 Annuaire – EPHE, SHP — 143e année (2010-2011) dans un délai raisonnable, permettra de rendre à ces deux ouvrages la place qui leur revient dans l’histoire des conceptions de la magie. Les renseignements égrenés au fil du texte permettent d’esquisser une biographie de l’auteur-compilateur du Lucidarius. Originaire de Zélande, il s’appelait Pierre Fran- chon ou Françon 1 ; je l’appellerai dorénavant « Pierre de Zélande », étant donné qu’il se désigne lui-même ainsi dans le corps du texte 2 et qu’on connaît également sous ce nom un traité d’alchimie qui a circulé indépendamment du manuscrit de Bruxelles 3. Il naquit sans doute vers 1430, puisqu’il obtint en 1450 son diplôme de maître ès- arts à l’université de Cologne, à la suite de quoi il se rendit en France, en Italie et en Flandres 4. Devenu docteur en médecine à une date non précisée, il semble avoir pra- tiqué son art à la cour du duc de Bourgogne 5. En tout cas, il se trouvait à Dole en 1477 lorsque Louis XI assiégea la ville, juste après la mort de Charles le Téméraire 6. Il commença à rédiger son Lucidarius en 1491 7. Alors âgé d’une soixantaine d’années, il s’était retiré au monastère de Brielle, aux Pays-Bas 8. Sa réputation d’adepte de la magie et de l’astrologie faillit lui attirer des ennuis, comme l’atteste sa querelle avec un cordelier dont nous reparlerons plus bas. Le Lucidarius tel qu’il nous a été transmis n’est pas complet. À un certain moment, en effet, la série des chapitres s’interrompt et le texte dit : « Ici doivent suivre plu- sieurs questions disputées par le même maître Pierre de Brielle. Après les questions doit suivre le livre sur les pierres précieuses, les sceaux et les figures des planètes d’après la méthode d’Arnaud de Villeneuve. Et ensuite doivent suivre les conclusions du comte de la Mirandole sur la magie naturelle, et aussi les conclusions de maître Jacques Lefèvre dans sa Magie naturelle. Et aussi quelques extraits du Picatrix utiles à ce noble art, avec certaines autres considérations théoriques tirées de l’abbé de Spon- heim » 9. Or, que trouve-t-on après cela ? Un court traité consacré « aux guerres, aux actions et aux mœurs des hommes, présentes et à venir » 10, dont l’explicit nous apprend 1. « […] per Petrum Franchonis de Zelandia […] » (f. 3r et 118r), « […] per Petrum Franconem de Zelandia […] » (f. 114v). Le fichier de la Bibliothèque royale l’appelle « Pierre Franchon (de Zélande) ». 2. « […] dico ego Petrus de Zelandia […] » (f. 58v), 3. Voir l’Annuaire 2008-2009, p. 126. 4. « […] in anno jubilæi 1450 in universitate Coloniensi, hora prandii promotionis meæ in artibus […]. Et de post in Francia et Italia et in Flandria […] » (f. 78v). 5. « […] a principio practicæ meæ vidi validos et expertos viros in curia ducis Burgundiæ decepti […] » (f. 74v). Pierre de Zélande ne dit pas expressément qu’il était lui-même médecin à la cour, mais qu’il y a vu, lorsqu’il débutait dans la profession, des médecins expérimentés se laisser abuser par de faux remèdes. Cela implique au moins une certaine familiarité avec les milieux de cour. 6. « […] ut clare expertus fui in prima obsidione Dolana, sermone facto principi et ejus nobilibus super victoriam contra monseigneur de Crau » (f. 34v). L’auteur précise qu’il s’agissait du « premier siège de Dole », car la ville fut assiégée une seconde fois par Louis XI en 1479. 7. Le premier chapitre porte cette date (f. 3r). 8. Il est appelé Petrus de Brielis (f. 114r) et Brielis frater (f. 118r). La lecture erronée du nom au f. 114r (« per eundem magistrum Petrum de Bulis ») montre qu’il s’agit d’une copie non autographe. 9. « Hic debent sequi quamplurimæ quæstiones disputatæ per eundem magistrum Petrum de Brielis. Et post quæstiones debet sequi liber de lapidibus pretiosis et de sigillis et figuris planetarum secundum modum Arnoldi de Villa Nova. Et postea debent sequi conclusiones comitis de Mirandula de magia naturali, et etiam conclusiones magistri Jacobi Fabri in magia sua naturali. Et etiam aliqua excerpta ex Picatrici huic nobili arti servientia, cum quibusdam aliis theoricis ex abbati Spahensis (sic) » (f. 114r-v). 10. Voir page précédente, fin de la note 2. Résumés des conférences 121 qu’un fidèle ami de Pierre de Zélande nommé Ludo Saulnier, qui habitait dans le comté de Bourgogne, envoya ce texte le 13 juillet 1494 à « maître Loup, médecin à la cour du roi des Romains » – c’est-à-dire de l’empereur d’Allemagne 1. Vient ensuite une lettre adressée, on ne sait quand, à « un certain cordelier » (quidam cordiger) qui voulait soutenir publiquement contre Pierre de Zélande une série de thèses visant à démontrer l’inanité de l’astrologie et de la magie. Notre auteur les réfuta dans sa lettre, à la suite de quoi le uploads/Litterature/ mandosio-latin-technique-xii-et-xiii-sie-cle 1 .pdf

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