Marges Revue d’art contemporain 14 | 2012 Au-delà du Land Art Stéphane Vial, Co

Marges Revue d’art contemporain 14 | 2012 Au-delà du Land Art Stéphane Vial, Court traité du design Paris, PUF, 2010 Maxence Alcalde Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/marges/306 DOI : 10.4000/marges.306 ISSN : 2416-8742 Éditeur Presses universitaires de Vincennes Édition imprimée Date de publication : 1 juin 2012 Pagination : 180-181 ISBN : 978-2-84292-343-3 ISSN : 1767-7114 Référence électronique Maxence Alcalde, « Stéphane Vial, Court traité du design », Marges [En ligne], 14 | 2012, mis en ligne le 01 juin 2013, consulté le 22 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/marges/306 ; DOI : https://doi.org/10.4000/marges.306 © Presses universitaires de Vincennes 180 Stéphane Vial Court traité du design Paris, PUF, 2010 Rares sont les ouvrages théoriques qui s’aventurent à poser la question du design au-delà d’une approche purement histo- rique. Peut-être est-ce dû au fait que le monde du design s’accommode bien de l’absence de discours dont le monde de l’art s’alimente. Habituellement, les textes sur ce sujet proviennent des designers eux-mêmes, considérant ce genre d’écriture : soit en le liant à la forme du manifeste sur le modèle de ceux des avant-gardes historiques, soit en rédigeant des textes auto-promotionnels dont la prose de Philippe Starck pourrait être un exemple récent. L’essai de Stéphane Vial emprunte une tout autre voie. Le Court traité du design s’ouvre sur une définition du design que l’auteur différen- cie d’emblée des arts décoratifs nés au 19e siècle sous l’impulsion de William Morris et participant à ce qu’on a pu appeler la « créa- tion industrielle » ou « l’art appliqué ». Ain- si, le design ne peut se limiter à la création d’objets manufacturés, et tout l’enjeu de l’ouvrage réside dans la mise en œuvre d’une grille permettant cette distinction. Vial refuse les derniers développements ter- minologiques de la discipline autour de la notion de « design de produit ». Il montre assez justement la manière dont le glisse- ment sémantique de « design d’objet » vers « design de produit » naît sous l’emprise du marketing et le bouleversement que cette nouvelle approche induit quant au rôle du de- signer. Aujourd’hui le design ne se limite plus à la simple conception de forme, mais intègre le marketing, le « conseil », les stratégies commerciales, etc. C’est ainsi que semble se réaliser ce qu’avaient pressenti Vilem Flusser ou Victor Papanek et qu’a récemment remis au goût du jour Hal Foster : le design comme allié objectif (et zélé) de la société de consom- mation. Mais Vial refuse de s’arrêter sur ce constat. Contre toute attente, une porte de sortie pourrait venir de « l’injonction para- doxale » (Gregory Bateson) à laquelle est sou- mis le designer et qui est sommé d’être « so- cialiste » et « capitaliste » en même temps : « C’est pourquoi l’attitude qui consiste à attendre du designer qu’il fasse du design in- dustriel sans se compromettre avec la logique de l’industrie peut être considérée comme 181 une forme de contrainte à la folie, un effort pour rendre le designer fou » (p. 46). Alors, la seule issue reste de considérer le marché non pas comme une fin mais comme un moyen. Pour se sortir de ce qu’il diagnostique comme une forme de schizophrénie professionnelle largement intériorisée, Vial introduit l’idée de trois dimensions du design : 1) « l’effet calli- morphe » lié à la beauté formelle de l’objet et dont se réclament la plupart des mani- festes de designer (p. 56) ; 2) « l’effet socio- plastique », relatif à la forme sociale, rendu nécessaire par la valeur d’usage du design et fortement lié à l’idée de sculpture sociale, donc à une ambition morale du design (p. 61) ; 3) « l’effet d’expérience » qui combine le pre- mier et le deuxième effet vers « l’expérience utilisateur » (p. 62). Ces trois dimensions constituent alors « l’effet design », pivot de l’essai de Vial. Ainsi, pour l’auteur, l’ambition du design doit se réaliser dans l’amélioration de « l’expérience utilisateur ». Et, c’est sur ces trois effets que se cristallise réellement l’ap- port de Vial à la théorie du design car ils per- mettent la mise en place d’une grille d’ana- lyse ontologique relativement fiable bien que comportant toutes les limitations du genre. Par la suite, Vial tente de différencier le travail de l’artiste de celui du designer mais se perd quelque peu dans des considérations autour de la figure romantique de l’artiste. L’auteur considère notamment que ce qui singularise l’artiste par rapport au designer est que ce dernier fonctionne par « projet » (« faire du projet est le seul moyen d’espérer produire un effet de design », p. 73) alors même que nombre d’artistes travaillent aujourd’hui dans ce genre de processus collaboratif. Vial explore également la piste du design d’in- terface qui est apparu avec la généralisation des outils numériques. Pour l’auteur, la ques- tion du numérique est directement liée à celle du matériau et non à celle de l’outil comme cela est souvent envisagé. Malgré la séduction intellectuelle qu’il opère, le design d’interface ne peut donc servir à réévaluer le design à l’aune de cette pratique. Au mieux, reste-t-il envisageable – selon l’auteur – de considérer le numérique comme une contrainte équiva- lente aux nouvelles contraintes écologiques en vogue de nos jours. Le constat de Vial peut paraître relativement désespérant lorsqu’il prend acte de la perte d’un effet socioplastique vertueux au profit d’une course à la consommation à laquelle collabore activement le design. Mais Vial entrevoit une sortie possible de cette crise morale à travers ce qu’il appelle le « design contributif », nouveau processus de travail qui s’exprimerait dans l’idée d’une produc- tion « durable ». Dans cette perspective, l’innovation ne serait plus entièrement ten- due vers la consommation effrénée mais devrait être à même de proposer – à la suite de Benoît Heilbrunn – de nouveaux « angles de vie » (p. 100-101). Ainsi, l’auteur reven- dique sa filiation avec Bernard Steigler et abonde dans le sens d’un design contributif capable de forger des usages inédits. Bien que séduisante au premier abord, cette der- nière hypothèse laisse le lecteur sur sa faim, notamment parce qu’elle ne semble pas tirer les enseignements des nombreux enthou- siasmes ayant ponctué l’histoire du design, évoqués par ailleurs. Reste que la tentative de Vial permet de forger quelques outils forts utiles pour comprendre ou envisager une philosophie du design qui ne serait plus uni- quement le fait des designers. Maxence Alcalde uploads/Litterature/ marges-306.pdf

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