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Ecrit sur l'image. Denis Roche. La disparition des lucioles (réflexions sur l'acte photographique). 1 Duni JC n '.u1r.u s p.os :tlors cmcr1du k d~clic > 20 1~ciitÎ<)t1s de l'l~t<)ile. 2 1 pulld 1979_ PomfJei, ?herm e~ de Stabie.f 21 Ecrit sur l'image. Denis Roche. La disparition des lucioles (réflexions sur l'acte photographique). Vlllf DE t'Aiik llaLIOTHEOUE • DISCOTHi: '- FAIDHERBE 11-20, Rue Faidherbe PARIS-Xl• ,, 0 1 '1 ' _t!.:O tJ i _ _ Editions de l'Etoile. Du même auteur Poésie Récits complets, Seuil, 1963. Les Idées centésimales de Miss Elanize, Seuil, 1964. Eros énergumène, Seuil, 1968. Le Mécrit, Seuil, 1972. Roman Louve basse, Seuil, 197 6. « 10 x 18 », 1980. Essais Carnac ou les mésaventures de la narration, Tchou, 1969. La Liberté ou la mort, Tchou, 1969. Matière première, L'énergumène, 1976. Trois pourrissements poétiques, L'Herne, 1972. Littérature Notre antéfixe, Flammarion, 1978. Dépôts de savoir et de technique, Seuil, 1980. Essais de littérature arrêtée, Ecbolade, 1981. Légendes de Denis Roche, Gris banal éditeur, 1981. Douze photos publiées comme du texte, Orange Export Ltd, 1982. © Éditions de l'Étoile, 1982 © Denis Roche, 1982 Tous droits réservés pour tous pays ISBN 2-86642-003-9 Avertissement. Il y a une « littérature » de la peinture) et vice versa) une « littérature » de 1 'histoire, et vice versa) une « littérature » de la politique) et vice versa) une « littérature » de la religion) et vice versa) une « littérature » de la psychanalyse) et L 'ice L ersa ; il y a même une « littérature » de la littérature) et vice versa. Mais de même qu'il ne saurait y avoir de photographie de la littérature) il ne saurait y avoir de « littérature » de la photographie) car la « littérature » de la photogra- phie, c'est la photographie elle-même. 8 29 mars 7 977. Istanbul, Turquie. 9 1. Aller et retour dans la chambre blanche. L'autoportrait au déclencheur à retardement. 11 « Que l'on vienne de droite ou de gauche, il faudra s'habituer à être regardés de face, pour savoir d'où nous venons. » Walter Benjamin. Quelque part, au long d'un chemin creux qui file comme une longue veine que les saisons et l'air tiède auront désséchée à travers le paysage encore une fois en fonction, conscient à la fois des visages de ceux qui m'avaient aimé et de ce sang énorme passé du pourri au glacé et dans lequel je mets mes pas à nouveau, pressé par le temps, recomposé comme après chaque destruction, je me demande ce que je fais encore là à marcher lourdement, les bras chargés d'ob- jets, chargés d'un corps (comme dans la première version, non retenue, de L ouve basse), chargés d'entreprises et de livres, occupé, comme dans la rue Henri-Barbusse ce matin, à trouver quelque chose à dire de raisonnable, à faire tenir droit mon discours, à m'en prendre un peu, toujours un peu aux uns et aux autres : à cheminer en somme, comme le voyageur qui se hâte à travers le crépuscule. (Le temps noircissant sous le fusain des corps, le taillis projeté sur les amants, tout décapité : l'arbre, l'horizon, la couleur, l'entêtement même à poursuivre, le forage vertical d'amour qui est en nous si profond et qui s'élève de temps en temps très haut comme un geyser du Wyoming !). M'entendant même parler, tentant d'établir le contact avec les phrases à écrire, en proie à h ntermittent « jaspinage » de la surface profonde, à la recherche de la moindre chose qui permette l'enchaînement des idées, l'amorce qui m'amènerait à écrire cette « Préface des confins» que voici. 12 Rebobinons ce premier paragraphe, sa densité, son espèce de développe- ment froid, au contraire du «jeté» massif qui caractérise souvent le début d'un texte, n'est pas loin de jouer un rôle voisin de celui que tient la fameuse «pointe brisée de l'épée de la mémoire». La musique que j'écoute en écrivant cela, La Mort de Cléopâtre de Berlioz, le contrejour blanc que découpe en carré la fenêtre qui est devant moi, le confinement de l'écriture maintenue à distance du sujet (préfacer des photos dont certaines sont prises au déclencheur à retar- dement, avec un texte intitulé «Aller et retour dans la chambre blanche» en hommage à La Chambre rouge de Strindberg) et à distance raisonnable de moi- même au point qu'il me semble participer, à la limite, à une bacchanale morne, tous ces éléments confluent comme en une sorte de grand cube de signifiant : une chambre très forte où je peux enfin retrouver mon erre, mon style. Du coup, m'y voici : le voyageur de Blake, dessiné de profil, et qu'une nécessité folle semble pousser en avant au point qu'il marche à grandes foulées vers la droite du cadre, où l'on suppose que tombe la nuit («The Traveller hasteth in the Evening »), est revenu se placer face au motif, c'est-à-dire tournant le dos à l'ob- jectif, son dos et sa nuque occupant presque toute la largeur du viseur. C'est là que tout se joue, mauvais plaisants ! Que tout tendra à se The Trmuerhasrerh inrhe perdre dans un enfoncement mou sagittal. Evening. Quelques mots encore avant d'y aller : «je dramatise avec répugnance dans cet espace vide, sans désir. » Comment faire pour que vous compreniez avec quoi je suis en combat ? Seule peut-être la musique a-t-elle le pouvoir de répondre à celui que d'autres questionnent muettement. Ce bloc initial d'écriture qui court en songe creux depuis les mots « Quel- que part, au long» jusqu'à « Préface des confins», figurant le bloc limite signi- fiant, voici qu'il est là comme chambre freide, accès au danger, loge nécessaire à la poursuite. Constitué, il est ce dont s'empare celui qui rêve ici d'une explica- tion purement musicale et qui cependant ne peut que s'en retourner par là où il est venu, voyageur arrivant de face, lentement, en pleine lumière, et plein cadre. Et du gros cube dont je ne suis que le manieur éperdu, puisqu'il est visible que je ne craindrai jamais de vous montrer ces paragraphes-là (1), il peut s'agir de trouver le défaut ou le revers : quand il serait plein (donc écrit complètement), 1. Les mêmes qui composent certains débuts de textes trop compacts, juste avant que l'esprit se convainque enfin qu'i l crée et se laisse aller à une fluidité d'écriture plus naturelle, ainsi ceux par quoi se trouvaient inaugu rés Artaud refa it, tous refaits !, ou plus anciennement Théorie 1, extraits (publié dans Théorie d'en- semble ) ou encore le premier texte intitulé Louve basse et paru dans le n° 1 d'Art Press. 14 24 juillet 7973. Ravello. Hôtel Palumbo~ chambre 72. 15 3 7 juillet 7 975. Negombo, Sri Lanka. New Rest-house. 16 17 on s'en trouverait écarté brutalement, comme refoulé par ce souffle d' Apoca- lypse dont il est dit qu' «il se lève dans l'inconscient». L'écrivain penché der- rière son appareil, se redresse comme stupéfait, contourne le pied qui porte ce qui était autrefois toujours une chambre, et s'en va prendre place au côté de la femme avec qui il est, comme on dit. Ce qui, du même coup, lui paraîtra redit) quand ils entendront, même de loin, le déclic particulier que fait son appareil quand le déclencheur à retardement se met en mouvement. Ainsi sera-t-il redit pour toujours qu'ils étaient ensemble. Quelle étrange traversée des chambres : d'abord la froide, qui précède le style, puis la forte, qui permet de faire le coup des épaules et de la nuque au réel ; et enfin la blanche, à l'intérieur de laquelle nous sommes souriants et amusés, conscients, dès que l'expérience aura été suffisamment répétée, que le lieu (c'est-à-dire ce que montre la photographie) est comme une contrepèterie du moment (autrement dit ce qui se passe quand on prend la photo). Entre autres. Mais il faut bien que j'utilise mes notes. Oui : le coup des épaules et de la nuque. Il aura fallu que j'attende de m'être photographié de dos - ce qui est peut-être encore plus difficile que de se prendre en train de faire l'amour et de savoir enfin à quoi on ressemble quand on fait ça - pour comprendre en un éclair que je ne m'étais jamais imaginé en train d'écrire autrement que comme un homme assis devant sa machine à écrire mais vu de dos. Un homme qui écrit est un homme qui ne peut s'encaisser que de dos! Du coup, recommencer à se photographier de face, comme on avait cru qu'on était tant qu'on écrivait - tant qu'on ne faisait qu'écrire - devenait une épreuve. Alors, l'aller et retour ? Oui sans doute, à partir d'une certaine dose de question (tous ces derniers temps, répéter ses trouvailles, alors qu'il faudrait ne jamais cesser de courir de droite et de gauche dans ce paysage où tout a perdu la tête, et l'épée de la mémoire sa pointe brisée, comme un dingue au ralenti), il n'est que trop dangereux pour la figure humaine uploads/Litterature/ denis-roche-la-disparition-des-lucioles-re-flexions-sur-l-x27-acte-photographique-1982-cahiers-du-cine-ma.pdf

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