Translated by Elizabeth Rottenbcrg Stanfbrd University Press Stanford Cali orni
Translated by Elizabeth Rottenbcrg Stanfbrd University Press Stanford Cali ornia 2000 THE INSTANT OF MY DEATH Maurice Blane‘/Jot DEMEURE FICTION AND TESTIMONY _/acques Derrida Support for the translation was provided by the French Ministry of Culture Originally published in French as: for The Instant ofMy Death, in 1994. Maurice Blanchot, l.'instant de ma mart, by Fata Morgana © Fata Morgana 1994. Reproduced by permission of Fata Morgana. for Demeure: Fiction and Téstirnony, in 1998, Jacques Derrida, Demeunr: Maurice Blanc/tot, by Editions Galilee © 1998, Editions Galilee. Stanford University Press Stanford, California © 2000 by the Board of Trustees of the Leland Stanford junior University Printed in the United States ofAmerica CIP data appear at the end of the book /"$1.. . .C.(cc., "-”' 0002942 L;:_‘;; Contents § THE INSTANT or MY DEATH 1 Maurice Blanchot § DEMEURE: FICTION AND TESTIMONY 13 Jacques Derrida Reading “beyond the beginning”; or, On the Venom in Letters: Postscript and “Literary Supplement” 104 Note: 111 THE INSTANT OF MY DEATH Maurice B/zmc/Jot § L’instant de ma mort JE ME SOUVIENS d'un jeune homme—un homme en- core jeune—empéché dc mourir par la mort méme—et peut-étre l'erreur de l’injustice. Les Alliés avaient réussi 5 prendre pied sur le sol frangais. Les Allemands, déja vaincus, luttaient en vain avec une inutile férocité. Dans une grande maison (le Chateau, disait-on), on Frappa a la porte plutot timidement. Je sais que le jeune homme vint ouvrir a des hotes qui sans doute deman- daient secours. Cette fois, hurlement: “Tous dehors.” Un lieutenant nazi, dans un frangais honteusement nor- mal, fit sortir d'abord les personnes les plus zigées, puis deux jeunes femmes. “Dehors, dehors." Cette fois, il hurlait. Le jeune homme ne cherchait pourtant pas a fuir, mais avangait lentement, d'une maniere presque sacerdotale. Le lieutenant le sec- oua, lui montra des douilles, des balles, il y avait eu mani- festement combat, le sol était un sol guerrier. Le lieutenant s’e'trangla dans un langage bizarre, et met- § The Instant of My Death I REMEMBER a young man—a man still young—pre- vented from dying by death itself—and perhaps the error of injustice. The Allies had succeeded in getting a foothold on French soil. The Germans, already vanquished, were strug- gling in vain with useless ferocity. In a large house (the Chateau, it was called), someone knocked at the door rather timidly. I know that the young man came to open the door to guests who were presum- ably asking for help. This time, a howl: “Everyone outside.” A Nazi lieutenant, in shamefully normal French, made the oldest people exit first, and then two young women. “Outside, outside." This time, he was howling. The young man, however, did not try to flee but advanced slowly, in an almost priestly manner. The lieutenant shook him, showed him the casings, bullets; there had ob- viously been lighting; the soil was a war soil. The lieutenant choked in a bizarre language. And put- ting the casings, the bullets, a grenade under the nose of 4 Ifinstant de ma mort tant sous le nez de l'homme déja moins jeune (on vieillit vite) les douilles, les balles, une grenade, cria distincte- ment: “Voila £1 quoi vous étes parvenu." Le nazi mit en rang ses hommes pour atteindre, selon les regles, la cible humaine. Le jeune homme dit: “Faites au moins rentrer ma famille.” Soit: la tante (94 ans), sa mere plus jeune, sa soeur et sa belle-sceur, un long et lent cortege, silencieux, comme si tout était déja accompli. ]e sais—le sais-je—que celui que visaient déja les Alle- mands, n'attendant plus que l’ordre final, éprouva alors un sentiment de légereté extraordinaire, une sorte de béati- tude (rien d’heureux cependant),—allégresse souveraine? La rencontre de la mort et de la mort? _ A sa place, je ne chercherai pas 5 analyser ce sentiment de légereté. Il était peut-étre tour a coup invincible. Mort—immortel. Peut-étre l’extase. Plutot le sentiment de compassion pour l’humanité soufirante, le bonheur de n'étre pas immortel ni éternel. Désormais, il fut lié a la mort, par une amitié subreptice. A cet instant, brusque retour au monde, éclata le bruit considerable d’une proche bataille. Les camarades du maquis voulaient porter secours a celui qu'ils savaient en danger. Le lieutenant s’éloigna pour se rendre compte. Les Allemands restaient en ordre, préts 5 demeurer ainsi dans une immobilité qui arrétait le temps. Mais voici que I’un d’eux s’approcha et dit d’une voix ferme: “Nous, pas allemands, russes,” et, dans une sorte de rire: “armée Vlassov,” et il lui fit signe de disparaitre. ]e crois qu’il s’éloigna, toujours dans Ie sentiment de légereté, au point qui] se retrouva dans un bois éloigné, nommé “Bois des bruyeres," ou il demeura abrité par les arbres qu’il connaissait bien. C'est dans le bois épais que tout it coup, et apr‘es combien de temps, il retrouva le sens du réel. Partout, des incendies, une suite de Feu continu, T/ye Instant ofMy Death 5 the man already less young (one ages quickly), he dis- tinctly shouted: “This is what you have come to." The Nazi placed his men in a row in order to hit, ac- cording to the rules, the human target. The young man said, “At least have my family go inside." So it was: the aunt (ninety-four years old); his mother, younger; his sis- ter and his sister-in-law; a long, slow procession, silent, as if everything had already been done. I know—do I know it—that the one at whom the Ger- mans were already aiming, awaiting but the final order, experienced then a feeling of extraordinary lightness, a sort of beatitude (nothing happy, however)—sovereign elation? The encounter of death with death? In his place, I will not try to analyze. He was perhaps suddenly invincible. Dead——immortal. Perhaps ecstasy. Rather the feeling of compassion for suffering humanity, the happiness of not being immortal or eternal. Hence- forth, he was bound to death by a surreptitious friendship. At that instant, an abrupt return to the world, the con- siderable noise of a nearby battle exploded. Comrades from the maquis wanted to bring help to one they knew to be in danger. The lieutenant moved away to assess the situation. The Germans stayed in order, prepared to re- main thus in an immobility that arrested time. Then one of them approached and said in a firm voice, “We're not Germans, Russians," and, with a sort of laugh, “Vlassov army,” and made a sign for him to disappear. I think he moved away, still with the feeling of light- ness, until he found himself in a distant forest, named the “Bois des bruyeres,” where he remained sheltered by trees he knew well. In the dense forest suddenly, after how much time, he rediscovered a sense of the real. Every- where fires, a continuous succession of fires; all the farms were burning. A little later, he learned that three young 6 L'imtant de ma mart toutes les fermes brulaient. Un peu plus tard, il apprit que trois jeunes gens, fils de fermiers, bien étrangers a tout combat, et qui n’avaient pour tort que leur jeunesse, avaient été abattus. Méme les chevaux gonflés, sur la route, dans les champs, attestaient une guerre qui avait duré. En réalité, combien de temps s’était-il écoule’? Quand le lieutenant était revenu et qu’il s'était rendu compte de la disparition du jeune chatelain, pourquoi la colere, la rage, ne l’avaient-elles pas poussé a brfiler le Chateau (immobile et majestueux)? C'est que c’e'tait le Chateau. Sur la facade était inscrite, comme un souvenir indestructible, la date de 1807. Etait- il assez cultivé pour savoir que c’était l’année Fameuse de Ie'na, lorsque Napoléon, sur son petit cheval gris, passait sous les fenétres de Hegel qui reconnut en lui “l’ame du monde,” ainsi qu'il l’écrivit a un ami? Mensonge et vérité, car, comme Hegel l'écrivit a un autre ami, les Francais pil- lerent et saccagerent sa demeure. Mais Hegel savait dis- tinguer l’empirique et l’essentiel. En cette année 1944, le lieutenant nazi eut pour le Chateau le respect ou la con- sideration que les Fermes ne suscitaient pas. Pourtant on fouilla partout. On prit quelque argent; dans une piece se- parée, “la chambre haute," le lieutenant trouva des papiers et une sorte d’épais manuscrit—qui contenait peut—étre des plans de guerre. Enfin il partit. Tout brfilait, sauf le Chateau. Les Seigneurs avaient été épargnés. Alors commenca sans doute pour le jeune homme le tourment de l’injustice. Plus d'extase; le sentiment qu’il n’était vivant que parce que, méme aux yeux des Russes, il appartenait a une classe noble. C’était cela, la guerre: la vie pour les uns, pour les au- tres, la cruauté de l’assassinat. Demeurait cependent, au moment ou la Fusillade n'était plus qu’en attente, le sentiment de le'g‘ereté que je ne sau- T/ye Instant ofMy Death 7 men, sons of farmers—truly strangers to all combat, whose only fault was their youth—had been slaughtered. Even the bloated horses, on the road, in the fields, at- tested to a war that had gone on. In reality, how much uploads/Litterature/ maurice-blanchot-jacques-derrida-the-instant-of-b-ok-xyz-pdf.pdf
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- Publié le Oct 27, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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