1 REPUBLIQUE DU BENIN UNIVERSITE D’ABOMEY-CALAVI FACULTE DES LETTRES ART ET SCI
1 REPUBLIQUE DU BENIN UNIVERSITE D’ABOMEY-CALAVI FACULTE DES LETTRES ART ET SCIENCES HUMAINES ECOLE DOCTORALE PLURIDISCIPLINAIRE « Espaces, cultures et développement » MEMOIRE EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME D’ETUDES APPROFONDIES (DEA) Spécialité : LETTRES MODERNES Option : Littérature orale THEME : ORO, UN ESPACE DE PRODUCTION D’EPOPEES COURTES Présenté et soutenu par : Sous la direction de : YAYI Bio Sourou Oladélé Ascension BOGNIAHO Professeur Année académique : 2011-2012 2 INTRODUCTION Pendant longtemps, les Occidentaux ont ignoré les civilisations du monde noir. Cette injustice entretenue à dessein leur a servi de prétexte pour envoyer sur le continent africain des missions « civilisatrices ». Les colons devraient sortir les Noirs de l’obscurantisme pour les amener vers les « lumières », même par la coercition. Mais après des décennies de diffusion de préjugés raciaux et racistes, ils finiront par reconnaître que « L’Afrique existe, très concrètement, il serait donc absurde de continuer à la regarder comme une table rase, à la surface de laquelle on peut bâtir, ab nihilo, n’importe quoi. »1 Cette reconnaissance d’une civilisation en Afrique pousse les Occidentaux à porter un autre regard sur le continent noir et ses peuples. Prêtres et pasteurs, administrateurs et fonctionnaires coloniaux, militaires et ethnologues prennent alors d’assaut presque toutes les contrées de l’Afrique pour collecter les contes, les légendes, les mythes, les chants,…qu’ils étudient afin de mieux connaître la mentalité de l’homme noir. François-Victor EQUILBECQ, considéré comme un des pionniers de la recherche africaniste sur la littérature orale, ne confiait- il pas : « Le Noir qui se déroberait à un interrogatoire précis, dont le but, présenté, éveille en lui une défiance confuse, se révèle au contraire en toute ingéniosité dans ses contes où se traduisent les tendances –tout au moins idéales - de la race. Il n’éprouve aucune fausse honte à exposer, sous l’apparence d’un récit fantaisiste, la conception qu’il a de l’univers et de sa formation, des lois morales et naturelles qui le régissent et, en général, de la vie. »2 ? Ces collectes ont permis une série de publications sur les peuples d’Afrique. Mais en dépit des efforts fournis, aussi bien par les colons que par les intellectuels 1 Théodore MONOD, cité par Lilyan KESTELOOT, in Les écrivains noirs de langue française : naissance d’une littérature, Thèse présentée pour l’obtention du Doctorat en philologie Romane, Bruxelles, Université de Bruxelles, 7e édition, 1977, p107. 2 François-Victor EQUILBECQ, cité par Robert CORNEVIN in Littératures d’Afrique Noire, Paris, PUF, 1976, p 60. 3 africains, pour faire connaître l’Afrique et ses traditions, certaines pratiques ancestrales demeurent encore peu connues, inexplorées par les chercheurs : c’est le cas de Oro, un culte pratiqué par les descendants de Odudua3. Si les recherches sur les masques Egungun et Guèlèdè sont abondantes et variées, les travaux sur Oro sont quasi inexistants, du moins dans le domaine francophone. Et pourtant, Oro et ces deux masques entretiennent une parenté très serrée ! Les rares articles et mémoires qui s’y sont intéressés n’en ont fait qu’une étude sociologique. Qu’est-ce qui explique alors cet état de chose ? Est-ce un manque d’intérêt des chercheurs pour ce culte ? Quel est le goulot d’étranglement qui empêche d’explorer cette société secrète ? Oro, c’est « l’inexplicable ». On n’en parle pas. Ainsi, faisant la leur la maxime bambara selon laquelle « Le point de « prise » de l’homme est la parole de sa bouche »4, les dignitaires du culte « Oro » se refusent souvent d’en parler, de peur qu’il ne s’échappe de leur « bouche » un mot, une parole qui descende Oro de son piédestal sacré pour le laisser choir dans le domaine profane, comme c’est le cas aujourd’hui des masques Egungun et Guèlèdè. Il est donc évident que le véritable handicap pour mieux connaître la société Oro, ce sont les difficultés d’accès à l’information. Mais ce que les dignitaires refusent de dévoiler ne se dévoile-t-il pas en filigrane, à travers les différentes paroles proférées lors des manifestations liées à ce culte ? Les chants de l’homme primitif ne révèleraient-ils pas sa mentalité selon Maurice BOWRA ?5 Nous estimons que l’étude des différentes paroles proférées à l’occasion des manifestations Oro peut apporter un gain substantiel à la connaissance de cette société secrète. 3 Odudua : personnage historique, ancêtre fondateur du peuple yoruba 4 Rapportée par Dominique ZAHAN, in La dialectique du verbe chez les Bambaras, Paris, Ecole Pratique des Hautes Etudes, p 9. 5Maurice BOWRA, Chant et poésie des peuples primitifs, Paris, Payot, 1966, P 35. 4 La présente étude intitulée « Oro, un espace de production d’épopées courtes » a donc pour motivation essentielle d’introduire dans les études sur Oro, une perspective littéraire. Les manifestations Oro sont en effet une occasion de profération des prières, des chants, des panégyriques… Ces paroles, dans leur déploiement, laissent transparaître le merveilleux, le fantastique, et surtout une poétique apologiste et didactique. De ce fait, n’inscrivent-elles pas Oro dans l’épopée ? Cette étude qui ne traite pas le sujet de façon systématique, mais en indique les grandes lignes dans son approche, a emprunté trois axes. Le premier est consacré à la revue de littérature spécialisée, à la pose de la problématique de notre sujet, aux hypothèses de recherche, aux résultats attendus, ainsi qu’aux instruments heuristiques privilégiés à chaque étape de la recherche. Dans le deuxième axe, nous avons présenté la sociologie du culte. Le cadre historico-géographique du culte, son origine historico-mythique, les types de Oro qui existent, la hiérarchie dans la Société, ainsi que les festivités y ont été abordés de façon sommaire. Le troisième axe, quant à lui, est réservé à la description et à l’étude analytique cursive des différentes catégories de paroles littéraires identifiées. Ces analyses ont permis d’inférer que certaines paroles littéraires proférées lors des manifestations Oro s’inscrivent dans le genre épique. 5 REVUE DE LITTERATURE SUR ORO Dans son article « Les invocations aux voduns » publié dans le Bulletin de l’IFAN en 1943, Abdou TIDJANI-SERPOS rapporte cette définition que donne un initié de vodun : « Ne le dis pas ; N’en parle pas, voilà le vodun. »6 Cette définition que donne cet initié de vodun ou de orisha montre que l’essence du orisha réside d’abord dans le secret. Les adeptes de la société Oro ont su intérioriser cette définition du vodun qu’ils ne parlent presque pas de Oro. La conséquence de cette attitude, c’est que les écrits sur Oro sont quasi inexistants, surtout dans le domaine francophone. Les rares écrits sur Oro n’en parlent que de façon superficielle ; les informations qu’ils donnent relèvent plus de constats que de recherches approfondies. Ces informations portent souvent sur le statut de Oro, ses manifestations, ses fonctions, ainsi que les tensions qu’il génère parfois. a)- Le statut S’agissant du statut d’Oro, on note deux tendances. La première le définit comme un masque et la deuxième l’érige au rang d’une divinité sans visage. 1- Odile PUREN, « Masques sacrés du Bénin », Dans cet article qui n’est qu’un extrait d’une conférence-débat qu’elle a organisée à Téhéran (Iran) et consacrée au thème des masques sacrés du Bénin, cette Béninoise, passionnée des recherches sur les cultures africaines, a fait remarquer qu’il existe au Bénin deux sortes de sociétés de masques : la société à moitié secrète et la société secrète. La première est représentée par le Guèlèdè et la deuxième par Oro, Koutito, et Zangbéto. Mais si dans sa démarche méthodologique la conférencière a montré les photos des masques Koutito et Zangbéto, bien qu’ils soient secrets comme Oro, elle n’y est pas parvenue en ce qui concerne Oro. C’est certainement pour se racheter et fermer 6 Abdou TIDJANI-SERPOS, « Les invocations aux voduns », in Bulletin de l’IFAN, 1943, p p 129-133. www.teheran.ir/spip.php?auteur 159 6 tous les angles de critique qu’elle s’est empressée de dire : « Oro est la société de masque la plus secrète et la plus redoutable de la République du Bénin. »7 On pourrait alors se demander si c’est par peur de représailles que l’auteur n’a pas présenté les photos de Oro, ou simplement parce qu’elle ne les a jamais vues, ou même que celles-ci n’existent nulle part. Nous pensons que si Odile PUREN avait les photos, rien ne l’aurait empêchée de les présenter pour élucider le phénomène qu’elle tente d’expliquer à son auditoire. Si elle ne l’a pas fait, c’est simplement parce qu’elle ne les a pas. Dès lors, sur quelle base estime-t-elle que Oro est un masque ? Que peut vraiment dire une femme de Oro ? Sinon ce qu’elle a entendu dire ! L’affirmation de PUREN sur le statut de Oro se révèle sans fondement tangible. 2- J. ODOUBIO, Fonctions sociales du masque chez les Yoruba du Bas-Bénin, cas de Kétou ; Mémoire de Maîtrise de Sociologie-Anthropologie, UNB, 1990-1991. Dans ce mémoire, l’auteur a consacré quelques pages au culte Oro. Il situe son premier foyer au Nigéria et justifie sa pratique au Bénin par l’immigration au Dahomey du peuple yoruba. Pour lui, Oro est une Société secrète inventée par l’esprit du Noir, sous la pression de la uploads/Litterature/ memoire-dea-s-oladele-yayi.pdf
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- Publié le Jan 24, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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