Revue des Études Anciennes Michael C. Astour, Hellenosemitica. An ethnic and cu
Revue des Études Anciennes Michael C. Astour, Hellenosemitica. An ethnic and cultural study in West Semitic impact on Mycenaean Greece, with a foreword by Cyrus H. Gordon, 1965 Francis Vian Citer ce document / Cite this document : Vian Francis. Michael C. Astour, Hellenosemitica. An ethnic and cultural study in West Semitic impact on Mycenaean Greece, with a foreword by Cyrus H. Gordon, 1965. In: Revue des Études Anciennes. Tome 67, 1965, n°3-4. pp. 481-484; https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1965_num_67_3_3759_t1_0481_0000_1 Fichier pdf généré le 22/04/2018 BIBLIOGRAPHIE 481 Michael C. Astour, Hellenosemitica. An ethnic and cultural study in West Semitic impact on Mycenaean Greece, with a foreword by Cyrus H. Gordon. Leiden, E. J. Brill, 1965 ; 1 vol. in-8°, xx-415 p., 2 index, 2 cartes h. t. Fl. 45. L'auteur est un sémitisant formé à l'école de C. H. Gordon et des orientalisants français (Ch. Virolleaud, A. Dupont-Sommer, Éd. Dhorme, P. Ofîerlé) ; mais son ouvrage prouve que la Grèce n'est nullement pour lui une terra incognita. Il entend établir que le monde égéen du second millénaire a subi une forte influence sémite qui se manifesterait dans les légendes, la toponymie et l'onomastique. La thèse, certes, n'est pas nouvelle, si ce n'est que les Phéniciens de V. Bé- rard font place maintenant au « West Semitic » ; en tout cas, elle est défendue avec beaucoup de science (la bibliographie compte 558 titres) et avec une chaleur qui donne beaucoup d'attrait à la lecture. L'exposé se divise en quatre chapitres : 1) Dañaos et les Danaens. Les Danaens sont des Sémites qui, après avoir vécu en Egypte pendant la période hyksôs, se sont repliés les uns dans la région d'Adana en Cilicie où ils portent le nom de Danuna, les autres en Argolide où ils sont parvenus après avoir fait escale à Rhodes et en Crète (on reconnaît là, pour l'essentiel, la thèse naguère défendue par J. Bérard). Dañaos lui-même est l'homologue hellénisé de l'ugaritique Danel en qui l'auteur voit un ancien dieu chthonien et agraire. La légende d'Iô tire également son origine de l'Orient : les Sémites connaissent en effet, avec plusieurs variantes, l'union d'un dieu lune avec une génisse dont l'accouchement est très difficile. 2) La légende de Cadmos permet d'affirmer que la Béotie a été sémi- tisée comme Γ Argolide. Reprenant une hypothèse de V. Bérard, l'auteur identifie Europe à l'Étoile du Soir, épouse de Zeus /El, cependant que son frère Cadmos, qui la poursuit sans jamais pouvoir la rejoindre, serait l'Étoile du Matin, Sahar. Cadmos est d'ailleurs une figure complexe ; car, à travers Sahar, il prolongerait le dieu serpent sumérien de la fertilité Ningiszida. Ses descendants se répartissent en deux groupes. Les uns sont des « dieux qui meurent » incarnant la végétation : Actéon (transcription d'Aqhat), Penthée, Dionysos ; les autres sont associés au thème de la plongée ou noyade rituelle en l'honneur d'Ashe- rah : Inô, Mélicerte (= Melqart), Palemón (= Ba'al-Hâmôn). 3) Le troisième chapitre étudie un groupe de héros considérés comme d'anciens dieux guérisseurs Le plus représentatif est Bellérophon (= *Ba'al-Roph'ôn) qui serait l'héritier d'un dieu chthonien associé au serpent et aux oiseaux de proie (aigle et chouette). En tant que dieu de la fertilité, il triomphe d'un monstre, la Chimère, qui symboliserait la mer. Il faudrait ranger dans la même catégorie Jasion (dont l'union 482 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES avec Demeter évoque celle de Booz avec Ruth), Glaucos, Hippolyte, Phaéthon, Idas, Abaris, Jason, Musée (= Moïse), Chiron, Asclépios (qui est identifié à Ascalaphe), etc. 4) Le dernier chapitre vise à donner une justification à ces interprétations mythologiques. M. C. Astour rassemble les indices qui prouvent que les Sémites ont été de grands navigateurs dès le début du second millénaire (il se fonde surtout sur les migrations des Porteurs de torques, population sémitisée qu'on rencontre à Ugarit vers 2100-1900, puis en Europe Centrale). Il relève également les emprunts faits par le monde égéen à l'Orient sémitique : emprunts artistiques (configuration du palais de Cnossos qui rappelle celle du palais de Mari, double hache, décor spirale) et surtout linguistiques (liste des termes sémitiques connus par le Linéaire B, considérations sur la langue des inscriptions en Linéaire A). Beaucoup des faits qui sont rappelés dans cette partie ne sont guère contestables et d'autres auraient pu être ajoutés : par exemple, l'importance de la hiérodoulie dans la religion achéenne ou la découverte en 1963 sur la Cadmée de cylindres à écriture cunéiforme. Mais sont -ils décisifs pour la thèse de l'ouvrage? L'auteur semble en douter lui-même, puisqu'il les mentionne seulement à la fin, à titre de confirmation d'une hypothèse, alors qu'il eût été logique de les prendre pour point de départ. Il est certain que des échanges ont eu lieu dans les deux sens entre l'Egée et le Proche-Orient. Mais la thèse soutenue va ici beaucoup plus loin : elle implique que des Sémites se sont installés en Grèce, qu'ils y ont fondé des dynasties et laissé un nombre considérable de vestiges onomastiques. Or l'archéologie et d'abord la ceramologie — dont l'auteur récuse un peu hâtivement le témoignage — ne fournissent aucun indice d'une telle invasion ni d'une expulsion (ou d'une assimilation) ultérieure de ces éléments par les Grecs indo-européens. Il est d'autre part surprenant que l'auteur passe entièrement sous silence le rôle joué par la Crète minoenne. En fait, toute la thèse repose sur des conjectures étymologiques où la part de l'arbitraire est immense. Prenons un exemple. D'après Hérodote (IV, 147), Théra aurait été occupée par un compagnon phénicien de Cadmos, Membliaros, fils de Poikilès. Ces deux derniers noms conserveraient, selon M. C. Astour, le souvenir défiguré d'une cosmogonie : mêm-bli-'âr pî-kôl désignerait en effet « les eaux sombres, réceptacle de l'univers », c'est-à-dire les eaux primordiales plongées dans les ténèbres avant que Dieu n'ait prononcé le fiat lux (dans la légende grecque, ce serait Apollon Aiglétès faisant apparaître l'Ile de l'Epiphanie, Anaphé) et qu'il n'ait créé la terre (symbolisée par Théra surgie des flots). Or, sauf erreur, mêm-bli-âr est un terme sémite forgé par l'auteur, et pîkôl est déduit d'un énigmatique περεηφικόλα attesté dans Hippolyte, Refut. omn, haer., V, 20, 7 Wendland. Quelle confiance peut-on avoir en une BIBLIOGRAPHIE 483 pareille méthode? Il eût été sans doute préférable de rapprocher Mem- bliaros des diverses appellations de Mélos : Memblis, Mimallis, Byblis, où l'on retrouve plus ou moins l'élément commun ml (ou mbl) : cf. nos Origines de Thèbes, p. 60, n. 1 ; 63, n. 2. Restons encore un instant à Théra. Le créateur de l'île, Euphémos, serait le Verbe (Euphémos!) se mouvant à la surface des Eaux, parce qu'il est issu de Poséidon (= l'Océan primordial) et d'Europe (= l'Obscurité)1. Si l'on se souvient que Poséidon n'est devenu que tardivement le dieu de la mer (et non d'ailleurs de l'Océan), force sera de constater qu'on se meut ici en pleine invraisemblance. La recherche de l'étymologie devient un jeu parfaitement gratuit, tant les langues sémites semblent riches en possibilités, à en juger du moins par cet ouvrage. Ainsi, la légende d'Europe mentionne un certain Tectamos ou Tectaphos. On pourrait croire que l'on a affaire à un même radical doté de deux suffixes différents. Cependant M. C. Astour explique la première forme par *tiktam (forme reconstruite !), « elle est voilée », et la seconde par *tifytaph (autre forme reconstruite !), « enlever de vive force » ; il parvient ainsi à retrouver deux des traits essentiels à la figure d'Europe : le voile et le rapt. C'est trop beau pour être vrai ! Et les exemples pourraient être multipliés. Sans doute l'auteur reconnaît-il que les etymologies ne suffisent pas : « as for the names, they are compared only under the condition that the functional role of their bearers and not merely their sound is identical or analogous » (p. 227). Le principe est excellent, mais semble trop souvent oublié. La légende grecque n'invite nullement à faire de Bellérophon un dieu guérisseur, un dieu de la fertilité ou un « dying god ». Seule l'analogie avec un Ba'al-Roph'ôn supposé (« Baal du Salut ») a pu suggérer cette hypothèse. Encore faut-il prendre beaucoup de liberté avec les données légendaires pour l'admettre. Bellérophon est établi en Lycie, donc hors du monde sémite, et, d'une façon curieuse, M. C. Astour fait venir ce héros « sémite » de Grèce en Orient, ce qu'il dénie à Dañaos, manifestement parce qu'il est gêné par la localisation lycienne (p. 261). En outre, il ne retient que le combat contre la Chimère et passe sous silence les trois autres exploits héroïques, guerriers, qu'Homère prête à Bellérophon. Enfin il ne considère dans la Chimère que deux de ses trois composantes, le lion et le serpent, alors que l'élément essentiel est précisément la chèvre, comme l'indique le nom : cf. P. Amandry, Mélanges Ch. Picard, 1948, I, 1 ss. (article non cité). [Ici encore, l'auteur fait intervenir une étymologie sémite, fyämar, « agitation » : la Chimère personnifierait donc l'agitation de la mer, ce qui ne ressort d'aucune des données légendaires.] Je m'étendrai peu uploads/Litterature/ michael-astour-helleno-semitica-recension-pdf.pdf
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- Publié le Dec 03, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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