Milindapañha LES QUESTIONS DE MILINDA Livre I Les antécédents Pubbayoga Traduit
Milindapañha LES QUESTIONS DE MILINDA Livre I Les antécédents Pubbayoga Traduit du pali par Louis FINOT (1864 -1935) Directeur de l'École française d'Extrême Orient et professeur au Collège de France http://www.lesquestionsdemilinda.org/ 3 Description de Sâgalâ Il y avait chez les Yonakas une cité nommée Sâgalâ (11), riche en centres de commerce de toute sorte, ornée de rivières et de montagnes, avec des coins charmants : parcs, jardins, bosquets, lacs, étangs de lotus, avec toute la séduction des eaux, des monts et des bois. De savants géomanciens en avaient dressé le plan. Ses adversaires et ses ennemis, domptés, avaient renoncé à lui nuire. Elle avait des tours de garde et des forts nombreux et solides, des portes monumentales et des arcades élégantes, une citadelle entourée de fossés profonds et de murs blancs. Rues, carrefours, places y étaient bien distribués. On y admirait des boutiques pleines d'objets de choix, variés et bien exposés, des centaines de halles à aumônes, et un nombre infini de belles demeures pareilles aux cimes de l'Himalaya. Les quatre corps de l'armée : éléphants, chevaux, chars, gens de pied, y étaient réunis. Un flot de beaux hommes et de femmes gracieuses y passait. Dans les foules pressées, on distinguait les nobles, les brahmanes, les bourgeois et les gens du peuple. Ascètes et brahmanes s'y coudoyaient avec courtoisie, et on y rencontrait les savants les plus éminents. 4 Elle abondait en magasins d'étoffes variées : tissus de Kâsi, de Kotumbara, etc. ; elle était tout embaumée par les boutiques de fleurs et de parfums aux brillants étalages. Toutes les pierres précieuses qu'on peut souhaiter s'y trouvaient à profusion. Dans toutes les directions, des boutiques bien agencées étaient remplies d'objets de parure. Elle était, en quelque sorte, jonchée de pièces de cuivre, d'argent et d'or, un séjour de trésors rutilants. Toutes les richesses, toutes les commodités y affluaient. Caisses et greniers étaient pleins. On y trouvait en foule les vivres les plus variés, tout ce qui se mange, se mâche, se suce, se boit, se savoure. C'était un pays opulent comme l'Uttarakuru (12), une cité des dieux comme Alakamandâ (13). Vies antérieures Nous devons nous arrêter ici pour exposer l'histoire antérieure de nos personnages (14). Jadis, au temps de la religion du Bouddha Kassapa, il y avait près du Gange un couvent avec une grande communauté de religieux. Ces vertueux moines, levés à l'aube, prenaient des balais et, tout en méditant sur les mérites du Bouddha, balayaient la cour et mettaient en tas les ordures. Or un religieux dit à un novice : « Hé ! novice, emporte ce tas ! » L'autre fit semblant de ne pas entendre. 5 Interpellé une seconde et une troisième fois, il continua à faire la sourde oreille. « Ce novice est indiscipliné », se dit le religieux irrité, et il le frappa avec le manche du balai. Intimidé, le novice en pleurs emporta le tas d'ordures ; mais, tout en le faisant, il formula ce premier vœu : « Par le mérite de cette action, puissé-je, dans chacune des existences que je traverserai jusqu'au Nibbâna, être puissant et éclatant comme le soleil de midi ! » Sa besogne faite, il alla se baigner dans le Gange et, en considérant les ondes bouillonnantes du fleuve, il formula ce second vœu : « Puissé-je, dans chacune des existences que je traverserai jusqu'au Nibbâna, avoir l'esprit de répartie prompt et indéfectible comme cette onde ! » Or, en ce moment le religieux, ayant replacé le balai dans la salle aux balais, venait, lui aussi, se baigner dans le Gange. Il entendit le souhait du novice. « Pour n'avoir agi que sur mon ordre, voilà ce qu'il ose réclamer ! Que n'obtiendrai-je pas moi-même ? » se dit-il ; et il exprima ce vœu : « Puissé-je, dans chacune des existences que je traverserai jusqu'au Nibbâna, avoir l'esprit de répartie indéfectible comme les ondes du Gange, et être capable de démêler, de dénouer habilement toutes les questions que celui-ci me posera. D.ans l'intervalle qui s'écoula entre le précédent Bouddha et le nôtre, les deux personnages transmigrèrent chez les dieux et les hommes. 6 Comme notre Bienheureux vit par avance le doyen Tissa Moggaliputta (15), il les vit aussi et fit à leur sujet cette prédiction : « Cinq cents ans après mon Nibbâna, ceux-ci renaîtront ; et ce corps de Doctrine et de Discipline que j'ai enseigné sous une forme subtile, ils auront pour tâche de le démêler, de le débrouiller, de l'expliquer par l'emploi des questions et des comparaisons. » Le roi Milinda Or le novice devint dans le Jambudîpa, dans la ville de Sâgalâ, le roi Milinda, sage, perspicace, intelligent, capable, accomplissant soigneusement et en temps opportun tous les actes de rituel ou de dévotion relatifs au passé, à l'avenir ou au présent. Il avait étudié toutes les branches du savoir : Révélation, Tradition, Sankhya, Yoga, Nîti Visesikâ (16), arithmétique, musique, médecine, Vedas, Purânas (17), Itihâsas (18), astronomie, magie, logique, incantations, guerre, poésie, langage des doigts (19), en tout dix-neuf sciences. C'était un disputeur incomparable, invincible et qui passait pour le plus grand des docteurs. Dans tout le Jambudîpa, le roi Milinda n'avait pas son pareil en force, agilité, vaillance, sagesse ; il possédait la prospérité, de grandes richesses, de grands revenus et des armées innombrables. 7 Un jour, le roi Milinda sortit de la ville pour passer en revue son immense armée à quatre corps ; et quand il eut, hors de la ville, dénombré ses forces, ce roi beau parleur, qui était friand d'entretiens avec les casuistes, les sophistes et gens de cette sorte, regarda le soleil et dit à ses mandarins : « Que ferons- nous si nous rentrons dans la ville ? Y a-t-il quelque sage, ascète ou brahmane, chef d'ordre ou de groupe, maître d'un groupe d'élèves, même adepte du bienheureux Bouddha, qui puisse causer avec moi et résoudre mes doutes ? » Les cinq cents Yonakas répondirent : « Mahârâja, il y a six maîtres : Purâna Kassapa, Makkhali Gosâla, Nigantha Nâtaputta, Sañjaya Belatthaputta, Ajita Kesakambalî et Pakudha Kaccayana. Ce sont des chefs d'ordre ou de groupe, des fondateurs d'écoles, connus, renommés, révérés du peuple : va, Mahârâja, leur poser des questions et résoudre tes doutes. » Alors le roi Milinda, montant sur son beau char au splendide équipage, alla trouver Purâna Kassapa ; et ayant échangé avec lui les compliments ordinaires de civilité, il s'assit à ses côtés et lui dit : — Respectable Kassapa, qui garde les hommes ? — C'est la Terre, ô roi. 8 — Si c'est la Terre qui garde les hommes, pourquoi les damnés tombent-ils dans l'enfer Avîci en traversant la terre ? A ces mots, Purana Kassapa ne put ni avaler ni cracher ; il resta décontenancé, muet et morose. Ensuite le roi Milinda alla trouver Makkhali Gosâla et lui dit : — Respectable Gosâla, y a-t-il des actes salutaires et pernicieux ? Y a-t-il un fruit, une maturation des bonnes et des mauvaises actions ? — Il n'y en a pas, ô roi. Ceux qui en ce monde sont nobles, brahmanes, bourgeois, gens du peuple, parias, ceux-là seront de même, dans l'autre monde, nobles, brahmanes, bourgeois, gens du peuple, parias. Que viendraient faire ici des actes salutaires ou pernicieux ? — S'il en est ainsi, ô Gosâla, ceux qui en ce monde ont eu les mains coupées passeront dans l'autre avec les mains coupées ? Ceux qui auront eu les pieds, les oreilles, le nez coupés passeront dans l'autre monde ainsi mutilés ? A ces mots, Gosâla resta muet (20). Alors le roi Milinda pensa : « En vérité ce Jambudîpa est vide ! En vérité ce Jambudîpa est de la balle de grain ! Il n'y a personne ici, ascète ou brahmane, qui puisse discuter avec 9 moi et résoudre mes doutes. » Et il dit à ses mandarins : « Cette nuit claire est vraiment délicieuse. Qui pourrions-nous aller trouver, ascète ou brahmane, pour lui poser des questions ? Qui est capable de discuter avec moi et de résoudre mes doutes ? » Mais les mandarins, regardant le roi, restèrent muets. Les Arhats obtiennent l'incarnation du deva Mahasena. En ce temps-là, pendant douze ans, la ville de Sâgalâ demeura vide de savants, qu'ils fussent ascètes, brahmanes ou bourgeois. Aussitôt que l'un d'eux lui était signalé, le roi allait lui poser des questions. Tous, se trouvant impuissants à le satisfaire dans ce jeu des demandes et réponses, s'en allèrent en différents lieux et ceux qui restèrent se tinrent cois. A cette époque, les Arhats (21) par millions demeuraient dans l'Himalaya, au Rakkhitatala. Le révérend Assagutta, entendant par son ouïe divine les paroles du roi Milinda, convoqua la Confrérie sur le sommet du mont Yugandhara (22 et lui demanda : « Y a-t-il, mes frères, quelques religieux capables de discuter avec le roi Milinda et de résoudre ses doutes ? » Personne ne répondit. Interrogés une seconde et une troisième fois, ils se turent. Alors le révérend Assagutta leur dit : uploads/Litterature/ milindapanha-les-questions-de-milinda-i.pdf
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- Publié le Nov 19, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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