COMPLÉMENTS sur MIMESIS et CATHARSIS I/ LA MIMESIS Définition de la mimesis sel

COMPLÉMENTS sur MIMESIS et CATHARSIS I/ LA MIMESIS Définition de la mimesis selon Aristote La Poétique d'Aristote, définit le théâtre comme une “imitation” (mimesis) des “hommes en action”, “au moyen d'une action”, et non d'un récit, comme dans l'épopée, par exemple.. Même si, définie ainsi, la notion semble vague, il en ressort quand même qu'elle peut utiliser aussi bien des signes linguistiques et textuels (le vers tragique) que ceux, non linguistiques, d’une représentation (décor, espace, acteurs ... ). La mimesis est donc d’abord la fabrication d’un nouvel objet, autonome par rapport à son modèle, réel. Or parfois on l’a réduite à n’être qu’une copie du réel, parfois on a étendu sa spécificité au-delà des limites fixées par Aristote. La réduction psychologisante Ainsi, quand l'esthétique classique reprend cette définition large de l'imitation elle affirme la double nécessité de se soumettre au réel et de soumettre le réel à un choix : et elle choisit l'imitation des Anciens, un réel déjà “choisi”, choix qui ne relève pas de “l’imitation d’une action”, mais “d’une forme”, voire d’un “héros” bien formé, modelé aux normes “vraisemblance”et “bienséance”, données à la fois idéologiques et sociologiques, voire psychologiques. Or, Aristote insistant sur le fait que “la tragédie imite non les hommes mais une action” et que les personnages “n'agissent pas pour imiter les caractères, mais que les caractères leur sont attribués en plus en fonction de leurs actions”, ajoutait “Alors qu'il n'y a pas de tragédie sans action, il y en a sans caractères”. Ainsi - en dépit de la doctrine classique et d’une certaine critique scolaire - la visée psychologique ne prime pas dans la tragédie.. Le dialogue théâtral comme spécificité de la mimesis théâtrale : une action physique. Autre problème : la confusion entre le discours direct et le dialogue théâtral comme “mimesis” équivalentes. Déjà du point de vue linguistique le “discours direct” n’est que “rapporté”, avec un effet de réel, mais il n’est pas le “réel” d’un discours qui n’a pas forcément été prononcé (contrairement à la définition de nombreux manuels). Mais de plus, dans le texte de théâtre le dialogue est actualisé par la parole et le jeu des acteurs, eux-mêmes intégrés dans le jeu global de la représentation théâtrale. Au niveau textuel, le dialogue est pure fiction. Ce n’est qu’au niveau de la prise de parole, lors de la “représentation”, que s'établit la spécificité de la mimesis théâtrale. Elle seule est également imitation “physique” du réel. Mais dans quel but ? Donner du réel une image qui en soit le double exact ? Ou créer une “image” à partir de la confrontation entre “le réel imité” et le “discours” sur le réel produit par cette mimesis théâtrale ? C'est toute la question de la visée “illusionniste” ou non du théâtre. Quand il parle, quel langage Agamemnon “mime”-t-il dans l'Iphigénie de Racine ? Celui de l'Agamemnon réel ? Celui du roi de la légende homérique ? Celui de Louis XIV ?... Comme ironise Diderot, qui revendique le “naturel”et “l’illusion” : “ce langage pompeux ne peut être employé que par des êtres inconnus, et parlé par des bouches poétiques avec un ton poétique”. Mais pour Artaud, qui refuse la “mimesis”, ce ne serait pas une critique, au contraire. Pour lui : “Le dialogue - chose écrite et parlée - n'appartient pas spécifiquement à la scène, il appartient au livre”. Le langage “n'est [donc] vraiment théâtral que dans la mesure où 1 les pensées qu'il exprime échappent au langage articulé”. Aussi en réclame-t-il un usage “sous la forme [exclusive] de l'incantation”, de sorte que la parole n'est plus mimesis du réel mais action sur le réel, productrice d'une nouvelle réalité. Sans aller jusque là, Claude Régy affirme dans Espaces Perdus : “Je crois que l’acteur devrait se sentir dans l’état de celui qui écrit, avant que la phrase soit écrite. [...]Les acteurs par leurs intonations devraient seulement suggérer. Faire penser à plusieurs interprétations.” Dans cette lignée et celle d’Antoine Vitez, ou de Valère Novarina, plusieurs auteurs et metteurs en scène contemporains travaillent à faire entendre le texte comme “générateur” d’une réalité nouvelle : c’est bien ce “mal-entendu” qui a provoqué la “bataille” de la Marion de Lorme d’Éric Vigner en 1998, et qui provoque toute la difficulté de travailler sur les textes de Michel Vinaver. Les dialogues, apparemment naturalistes, sont écrits sans ponctuation. Ainsi plusieurs “réalités” se télescopent. Seul le travail de l’acteur peut en faire entendre l’“étrangeté”. Mais les ateliers d’amateurs friands de ce théâtre faussement simple, le réduisent à une mimesis réaliste. Quelle mimesis ? Avec ces deux problèmes (imitation des caractères, fonction mimétique du dialogue) c'est le problème du fonctionnement de la communication théâtrale qui est posé. Doit-elle viser une transparence maximale entre le public et le réel ? C’est ce que suggère la conception illusionniste du théâtre qui a dominé en Europe à partir du XVIème siècle jusqu’à l’aube du XXème siècle. Pour Brecht (et bien d'autres avant lui), cette transparence est un leurre : le théâtre (comme tout art) est un point de vue et un discours sur le réel, qui doivent s'assumer comme tels. Plutôt que d'atténuer l'aspect conventionnel de la communication théâtrale (afin de produire un effet trompeur sur le spectateur de contact direct avec une “nature” intangible du réel), il faut mettre au contraire l'accent sur sa “théâtralité”, afin de rendre le spectateur conscient qu'il s'agit non du réel - mais d'un discours sur le réel vis-à-vis duquel il doit prendre position. Malgré leurs divergences, ces deux types de dramaturgie se situent dans la lignée de la mimesis aristotélicienne, ce qui ne sera plus le cas de toute une frange du théâtre contemporain, influencée essentiellement par les théories d’Antonin Artaud. Mais, parmi les dramaturgies qui considèrent que le théâtre est une mimesis du réel, il faut distinguer deux catégories. Celles que l'on dira “d'illusion”, pour qui “l’imitation” du réel doit tendre vers une sorte de fusion par mimétisme avec le réel, ce qui n'est pas très clair. Et celles qu'on dira “réflexives”, pour qui la notion de représentation théâtrale implique le sens démultiplié du mot représentation. Non seulement il y a la représentation scénique, objet proposé par les auteurs, acteurs, décorateurs et consommé par le spectateur. Mais ce n'est pas une image “immédiate” du réel car elle est “médiatisée” par les “re-présentations” (remises au présent) mise à l'oeuvre par une dramaturgie “distanciée”, que l’on verra définie par les théories de Brecht. Cette forme de représentation autorise une nouvelle “remise au présent” par le spectateur intrigué par cette mise à distance qui joue sur son affectivité et sa raison, sur son inconscient et sur son conscient, sur sa conscience individuelle et sur sa conscience collective, etc. La mimesis effective, réalisée dans une représentation donnée, sera dépendante de la combinaison de ces variantes. Autant de combinaisons, autant de mimesis. 2 II/ LA CATHARSIS La”catharsis” selon Aristote : effet de transe et “distanciation”. Depuis qu'Aristote a désigné la catharsis comme l'effet principal opéré sur le spectateur par la mimesis tragique, la notion a suscité bien des débats. En fait, une définition complète de son fonctionnement théâtral se trouvait sans doute dans la seconde partie de la Poétique qui ne nous est pas parvenue. Ce sont essentiellement quelques passages du Livre VIII de la Politique consacrés à la valeur éducative de la musique qui fondent, pour nous, ce qu'Aristote appelait catharsis. Par ce terme, il semble avoir voulu caractériser un processus beaucoup plus médical que moral ou pédagogique, plus proche de la purgation que de la purification. Pour Aristote l'effet du théâtre semble s’approcher de celui provoqué par les “mélodies qui provoquent l'enthousiasme” ( “la possession par la divinité”), par exemple la musique et les chants qui provoquaient la transe du Dithyrambe : “Sous l'influence des mélodies sacrées, nous voyons ces mêmes personnes, quand elles ont eu recours aux mélodies qui transportent l'âme hors d'elle même, remises d'aplomb comme si elles avaient pris un remède et une Purgation. C'est à ce même traitement dès lors que doivent être nécessairement soumis à la fois ceux qui sont enclins à la pitié et ceux qui sont enclins à la terreur, et tous les autres qui d'une façon générale, sont sous l'empire d'une émotion quelconque, pour autant qu'il y a en chacun d'eux tendance à de telles émotion". Comme cette musique, la tragédie, “purgeait” homéopathiquement le spectateur par une succession de possession et dépossession, état favorisé par la dramaturgie “hypnotique” créée par l’espace théâtral, face au temple et au soleil, la durée du spectacle, la succession des rythmes variés de prise de paroles et les états de terreur et pitié suscités par le déroulement de la fable. Tout en ressemblant à ce qui s’opère dans la fête médiévale, le carnaval, où un dérèglement temporaire permet la “purgation” des tendances asociales, des craintes collectives, et le retour à une acceptation des normes et des contraintes de la société, la catharsis de la tragédie grecque du Vème siècle est à la fois plus “individuelle” et plus “intégrante”. Comme le montrent Vernant et Vidal-Naquet, en elle s'expriment uploads/Litterature/ mimesis-et-catharsis.pdf

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