Thomas Maurice | MON(a)DE. Esquisse d’une topologie transcendentale 219 N O V I

Thomas Maurice | MON(a)DE. Esquisse d’une topologie transcendentale 219 N O V I E M B R R E 2 0 1 2 MON(a)DE. Esquisse d’une topologie transcendentale Thomas Maurice Université Paris 1 Panthéon‐Sorbonne UNIVERSITÉ PARIS 1 PANTHÉON-SORBONNE Mémoire de Master 2 Recherche (Philosophie contemporaine) Sous la direction de Renaud BARBARAS Année universitaire 2006/2007 MON(a)DE Esquisse d’une topologie transcendantale ________ Thomas MAURICE MON(a)DE. Esquisse d’une topologie transcendentale | Thomas Maurice 220 N O V I E M B R E 2 0 1 2 À la mémoire de mon père René Maurice Thomas Maurice | MON(a)DE. Esquisse d’une topologie transcendentale 221 N O V I E M B R R E 2 0 1 2 « Zu den Sachen selbst ! » « Aux choses mêmes ! » Edmund Husserl, phénoménologue « Wo Es war, soll Ich werden. » « Là où c’était, je dois advenir. » Sigmund Freud, métapsychologue « Wir müssen wissen. Wir werden wissen. » « Nous devons savoir. Nous saurons. » David Hilbert, mathématicien « La topologie, c’est la structure ! » Jacques Lacan, psychanalyste MON(a)DE. Esquisse d’une topologie transcendentale | Thomas Maurice 222 N O V I E M B R E 2 0 1 2 AVERTISSEMENT (AVRIL 2012) Je souhaiterais ici solliciter, si ce n’est la bienveillance du lecteur, tout du moins son indulgence. Ce texte n’a en effet pas d’autre prétention aujourd’hui que celle de constituer un document, consultable par tous ceux qui, passionnés par l’œuvre de Marc Richir, s’intéresseraient à la réception et l’intérêt dont elle a pu faire l’objet dans le cadre d’un travail universitaire. Bien que je ne renie rien des intuitions qui y sont développées, il faut cependant toujours garder à l’esprit qu’il s’agit là d’une pensée jeune, qui tâtonne et s’enthousiasme parfois un peu vite, qui commet certaines maladresses, assurément, mais qui cherche. Sur les bons conseils de Sacha Carlson et Pablo Posada Varela, j’ai tenu, malgré mes premières réticences, à le conserver en l’état — mises à part de menues corrections de rigueur et quelques modifications de bon sens ou cosmétiques. Je me suis rendu compte qu’il aurait fallu, sinon, écrire un autre mémoire. Un mot sur Lacan, tout de même, dont il sera abondamment question dans les pages qui vont suivre. Je suis désormais persuadé d’une chose : c’est en pirate qu’il faut traiter Lacan. Il faut en effet l’aborder, le piller, dérober ce qui est précieux, et quitter le navire. C’est finalement la seule manière de respecter authentiquement son œuvre — en lui appliquant sa propre médecine. Ni le fétichisme de la formule (moins magique qu’absconse, la plupart du temps), ni l’à-peu-près d’une systématisation forcément en porte-à-faux ne peuvent lui rendre grâce. Sans doute, Lacan a-t-il été hanté par l’illusion qu’il était possible de parler la “ langue de l’inconscient ”, en singeant sa syntaxe et en donnant à chacun de ses écrits et séminaires la teneur d’une gigantesque association libre. Ce n’est après tout qu’une illusion jumelle de celle qui a habité Heidegger, lors des grands messes où, croyait-on, se faisait entendre la “ langue de l’Être ”. Mais on trouve aussi chez Lacan une passion de la recherche et de l’hésitation, un sentiment profond de la précarité des constructions et des images, une ironie certaine envers la futilité de la phraséologie — autant d’aspects qui, malheureusement, ont pu être oubliés ou déformés au cours des happenings mondains que sont devenus au fur et à mesure ses moments d’enseignement. Ce que j’ai souhaité, pour ma part, retenir de Lacan, c’est cette volonté farouche de piéger ce qui ne se peut laisser saisir. Voici donc mon butin lacanien : les schémas et élaborations topologiques, par lesquels Lacan a condensé ses intuitions structurales, sans que la Structure n’y soit instanciée comme réponse universelle. Au contraire, ces figures distordues et ces vecteurs insensés ont pour objectif de susciter le trouble, de fournir des sextants détraqués qui révèlent le risque de la traversée — et non d’apporter la quiétude de la carte qui dispense du périple. Cependant, si Lacan, dans cette quête d’outils de l’impossible, est allé jusqu’au paradoxe ou au grotesque, jusqu’à la convulsion de la pensée et, finalement, jusqu’au silence interdit, jusqu’à la stupéfaction des derniers Thomas Maurice | MON(a)DE. Esquisse d’une topologie transcendentale 223 N O V I E M B R R E 2 0 1 2 séminaires, j’ai préféré suivre, quant à moi, plutôt que l’impasse du tapage et du mutisme, la voie de l’hyperbole. En effet, ce que j’avais cherché comme première “ architectonique ” chez Lacan par le biais de la topologie du sujet de l’inconscient, je l’ai trouvé dans la “ première ” architectonique de Marc Richir, soit sa cosmologie topologique-transcendantale du phénomène. C’est en effet par cet « algèbre du phénomène », par cette « mathesis de l’instabilité », pour reprendre les propres termes de Richir, qu’il m’a justement semblé pouvoir échapper au fantasme d’une “ langue du phénomène ”, qui pourrait le dire sans reste. Dans la rigueur du concept richirien pointe toujours la conscience de la fugacité du sens, de sa possible catastrophe tout autant que de sa promesse d’avènement. Voilà une langue qui utilise tous les moyens à sa disposition, dans l’aridité symbolique de l’hyperbole, pour rendre compte de cette expérience insaisissable qu’est le phénomène comme rien que phénomène. C’est dans cette perspective que je me suis servi des diagrammes et des figures topologiques. Si les mots ne peuvent dire le phénomène, mais seulement en esquisser la fugue, il en va de même des schémas. Ils ne sont pas destinés à le montrer, mais uniquement à en indiquer le seuil et le vertige. Ce sont des béquilles qui aident à boîter. MON(a)DE. Esquisse d’une topologie transcendentale | Thomas Maurice 224 N O V I E M B R E 2 0 1 2 INTRODUCTION PHÉNOMÉNOLOGIE, PSYCHANALYSE, TOPOLOGIE Il est temps désormais que la phénoménologie renoue avec la prétention de ses débuts et qu’elle s’institue, si ce n’est comme philosophie première, tout du moins comme science rigoureuse. Débordée par la révolution existentiale initiée par Heidegger, elle semble avoir oublié son idéal critique-transcendantal propre, dans la critique de son propre idéalisme transcendantal. Pourtant, la phénoménologie est plus et bien autre chose qu’une herméneutique. Elle ne s’intéresse pas d’abord à l’existence, elle ne dé-cèle pas l’énigme de l’Être, elle n’est pas non plus une psychologie philosophique de plus. La phénoménologie débusque le fait premier, à savoir que ça apparaît. « Ça apparaît » : donnée originaire, indubitable, sublime aussi, contrariant le doute, délivrée par la réduction — et dont il va falloir déterminer l’essence. Le phénomène est l’a priori de toute pensée, de toute théorie, de toute facticité. L’Être, en ce sens, n’est qu’une abstraction seconde, un plan d’existence surimposé, présupposant absolument ce champ phénoménal autonome et premier, en lequel il peut venir à s’ek-stasier. C’était d’ailleurs là tout le sens initial de la réduction : purifier le phénomène des éclaboussures ontologiques et ontiques dues aux rebonds rétrospectifs de la pensée. Dès lors, la phénoménologie peut effectivement se donner comme philosophie première, puisqu’elle vise à réveiller, systématiquement et en toute rigueur, le thaumazein originaire, antérieur à tout sens d’être, éprouvé dans le déploiement de ce domaine de la primitivité (au sens freudien) du phénomène. Il n’en demeure pas moins que la phénoménologie n’est pas un idéalisme, tout transcendantal qu’il soit, et ce par les arguments mêmes que nous venons de développer. Elle se donne bien plutôt comme génétique de l’apparition et, subséquemment, comme généalogie de l’Être et de l’étant. Sa méthode est générative, sans relever d’une genèse ontologique. Elle n’est pas déduction nécessaire de l’originel, mais parcours libre dans l’originaire — au sens de ce qui présente tous les atours de l’origine, sans renvoyer à une origine réelle. Elle est discipline transcendantale, traquant les conditions de possibilité a priori de l’apparition dans l’apparition elle-même, puisqu’il s’y agit de l’originarité même : l’apparition, en tant qu’évidence primitive, est à la fois condition et conditionné. Il devient par conséquent inutile de chercher une cause explicative issue de champs d’arrière-mondes invisibles. Si nous pressentons une raison transcendante au fin fond du spectacle, c’est que celui-ci en est transi, mais depuis lui- même, depuis son propre fond, passé tout entier à la surface. L’abîme s’inaugure désormais à la périphérie. Le principe transcendant se mue en essences transcendantales, en modes de manifestation propres à cette illusion de transcendance embusquée. Ainsi, le rejet du spéculatif se soutient d’une investigation du spéculaire, dénonçant le premier comme la chimère générée par le second. Et l’Idée, qu’elle soit ontologique, directrice ou régulatrice, ne peut venir que brider la versatilité intrinsèque au phénomène. Elle ne se présentera jamais que comme mirage de Thomas Maurice | MON(a)DE. Esquisse d’une topologie transcendentale 225 N O V I E M B R R E 2 0 1 2 stabilité au sein de l’inchoativité constitutive de l’apparaître — cette « cohésion sans concept » dont parlait Merleau-Ponty, en évoquant le champ phénoménal comme entrelacs de styles d’apparitions en multitudes. On nous demandera alors uploads/Litterature/ mon-a-de-esquisse-d-x27-une-topologie-transcendentale-thomas-maurice.pdf

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