Université Libre de Bruxelles Faculté de Philosophie et Lettres - Faculté des S

Université Libre de Bruxelles Faculté de Philosophie et Lettres - Faculté des Sciences Langues et littératures françaises et romanes - Géographie 1re et 2e année master Regards de voyageurs français sur le Bruxelles de la fin du XIXe siècle et du début XXe siècle CHERKE Nassima PURNODE Marie QUICKE Jérémy Dans le cadre du cours Question d’histoire comparée des arts en Belgique - Géographie culturelle Mme BROGNIEZ M DECROLY Janvier 2013 Bruxelles 1 Regards de voyageurs français sur le Bruxelles de la fin du XIXe et du début XXe siècle Dans le cadre des cours de Question d’histoire comparée des arts en Belgique et de Géographie culturelle, nous avons été amenés à réaliser une analyse géo-littéraire de deux récits, à savoir le « Carnet d’un voyageur à Bruxelles » de Joris-Karl Huysmans et La 628 E8 d’Octave Mirbeau. Avant de présenter ce travail, deux remarques méthodologiques s’imposent. Nous avons étudié les deux œuvres au moyen d’un cadre de référence commun, afin de faciliter la comparaison entre celles-ci. D’autre part, ce travail est le fruit d’une collaboration entre romanistes et géographes. Nous avons décidé par souci de cohérence d’adopter les références bibliographiques propres aux travaux de la filière romaniste pour l’ensemble du travail. Notre développement s’articulera en 4 étapes. Premièrement, nous présenterons quelques aspects généraux liés aux deux textes : une présentation des auteurs, du contexte socio-historique dans lequel les œuvres s’inscrivent, l’histoire des textes, ainsi que leur identité générique. Ensuite, nous étudierons la topographie littéraire de chacun des textes, afin de déterminer quels sont les lieux décrits, et leur fonction au sein des œuvres. Par après, nous proposerons un travail cartographique, qui a pour but de référencer les lieux décrits dans la réalité de l’espace bruxellois de l’époque. Enfin, notre travail se terminera par une analyse géo-littéraire qui permettra de comparer la représentation textuelle des lieux avec la topographie bruxelloise réelle. Cette dernière partie se composera également d’une comparaison entre les deux textes étudiés. Nous entendons démontrer ici que les œuvres sont complémentaires. Ces deux récits de voyageurs français à Bruxelles offrent deux regards différents qui peuvent, à travers notre analyse comparative, enrichir notre connaissance de l’espace bruxellois de la fin du XIXe siècle. Ce sont ces éléments que nous allons maintenant aborder. 2 Aspects généraux « Carnet d'un voyageur à Bruxelles » L’auteur De son vrai prénom George-Charles, Joris-Karl Huysmans est né en 1848 à Paris, où il vécut une très grande partie de sa vie. Hormis quelques voyages et, vers la fin de sa vie, des séjours dans certains monastères, il ne déménagera du quartier de Saint-Supplice qu’une seule fois, souhaitant se couler une retraite paisible et monastique dans le petit village de Ligugé, dans la région du Poitou- Charentes. Il retournera pourtant s’installer dans la capitale française, sa communauté devant se dissoudre suite à l’application d’une nouvelle loi. Par son père, le néerlandais Godfried Huysmans, Joris-Karl est le descendant d’une lignée d’artistes flamands remontant à Cornélius Huysmans, peintre anversois qui vécut au XVIIe siècle. Ce double héritage flamand et artistique, l’écrivain le proclamera au début de sa carrière littéraire en modifiant son prénom de manière à lui donner une consonance hollandaise. Ses écrits relayeront également ce patrimoine prestigieux. En effet, ces derniers, qu’ils s’agissent spécifiquement de critiques d’art ou de fictions, véhiculent bien souvent des réflexions plus ou moins directes sur l’art. Ainsi, dans A rebours, Des Esseintes donne à s’interroger sur la réception des œuvres, relevant qu’un tableau majoritairement apprécié n’est pas pour autant un chef-d’œuvre. Néanmoins, c’est dans la critique d’art que cette réflexion s’épanouira. A noter que les écoles flamandes ne sont pas en reste dans cette partie du travail de Huysmans, puisque ses deux premières critiques d’art porteront sur des tableaux flamands, successivement Le Bon compagnon de Frans Hals et Le Cellier de Pieter de Hooch. D’autres courants artistiques bénéficieront de l’attention du critique, comme l’impressionnisme et le symbolisme. A l’inverse, l’art académique essuiera un refus inébranlable de sa part. Outre cet aspect réflexif sur l’art, Huysmans est surtout connu en tant que romancier. Sa carrière commença par une période naturaliste dont Marthe, histoire d’une fille fut le premier roman. Racontant comment une jeune fille en arrive, au sein d’une société assoiffée d’argent, à se prostituer, Huysmans ne pouvait publier son roman à Pairs sous peine d’être censuré. En 1876, il se rendit donc à Bruxelles pour éditer cette œuvre. Il ne restera que quelques mois dans notre capitale belge, entrecoupant son séjour par des visites familiales en Hollande. Ce voyage sera l’occasion pour lui d’écrire un certain nombre d’articles, dont celui sur lequel porte ce travail. Ceux-ci seront relayés le plus souvent par La revue des deux mondes et La République des lettres. 3 D’autres romans et nouvelles naturalistes suivront rapidement, au sein desquels Huysmans développe une réelle virtuosité pour les descriptions et se forge un style d’une étonnante précision. Cette habileté, on la retrouvera dans ses romans postérieurs, surtout lorsqu’il s’agit de dépeindre des édifices architecturaux. « Carnet d’un voyageur à Bruxelles » bénéficie aussi de cette rigueur du style : ainsi, la Grand-Place y est brillamment décrite par des mots techniques soigneusement choisis. C’est avec A rebours, œuvre huysmansienne qui suscite aujourd’hui le plus d’intérêt, que l’écrivain se détachera du naturalisme pour se tourner vers une esthétique symboliste qu’il apprécia par ailleurs également dans la peinture, à travers les œuvres de Redon, Moreau et Rops. La fin de sa vie voit sa conversion au catholicisme. Au niveau littéraire, monuments religieux et dogme chrétien deviennent les sujets privilégiés. Outre sa prolifique production littéraire, Joris-Karl entame une carrière au ministère de l’intérieur dès 1866. Il décédera le 12 mai 1907 des suites d’un cancer de la mâchoire. Histoire du texte « Carnet de bord d’un voyageur à Bruxelles » fut probablement rédigé en Belgique, où séjourna Huysmans d’août à octobre 1876 afin d'y trouver un éditeur à son roman Marthe, histoire d’une fille. Il fut publié le 15 novembre 1876 dans Le musée des deux mondes. De 1875 à 1876, Huysmans participera activement à cette revue en publiant quinze articles. « Carnet d’un voyageur à Bruxelles » clôturera cette collaboration. Le sommaire de ce mensuel parisien illustré était relayé par les deux revues belges l’Actualité des arts à travers le monde et l’Art universel, témoignage des relations foisonnantes qu’entretenaient à l’époque Bruxelles et Paris. Contexte socio-historique Nous n’avons pas jugé nécessaire d’étudier isolément le contexte socio-historique pour Huysmans, étant donné que celui-ci n’apporte a priori pas d’éclairages particuliers sur le texte. Bien entendu, des éléments de cet ordre apparaitront dans la suite de notre travail, même si de manière plus anecdotique. Étude générique Par son titre, « Carnet d’un voyageur à Bruxelles » semble se ranger dans la catégorie des récits de voyage. Pourtant, à la lecture des nombreuses descriptions, architecturales ou picturales, qui composent cet article et au vu du nombre de noms d’artistes qui le traversent, on ne peut 4 s’empêcher de le classer parmi les critiques d’art… C’est que, comme l’ensemble de ses récits de voyage, « Carnet d’un voyageur à Bruxelles » confond en son sein le guide de voyage et la critique d’art. Aude Jeannerod s’est intéressée à cette confusion systématique chez Huysmans. Confrontant l’ensemble de ses récits de voyage, elle y remarque un « glissement générique presque systématique »1 allant d’un de ces deux genres littéraires à l’autre. Ceux-ci entretiennent par ailleurs certaines similitudes au niveau de leurs sujets de prédilection : ils recourent pareillement à la mise en mouvement du narrateur, partagent un même goût pour les digressions érudites et entretiennent a priori des rapports fidèles avec la réalité. « L’itinérance du sujet »2 est un élément indissociable et du récit de voyage et de la critique d’art. Le critique, lorsqu’il visite une exposition, se doit d’entamer un parcours parmi les différentes œuvres exposées, de même que le voyageur commence son trajet à un point donné pour en arriver à un autre. On retrouve bien souvent trace de cette déambulation dans les deux types de récit. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la « critique huysmansienne [mette] en scène un visiteur qui se déplace »3, le plus souvent selon la logique de la promenade, très en vogue à l’époque comme nous avons pu le voir en cours. Ce déplacement est appuyé par les verbes de mouvement qui parcourent les descriptions artistiques, comme nous pouvons le voir dans cet exemple : J’ai déambulé au travers du quartier Léopold et j’ai atteint le musée Wiertz. […] Je me suis réfugié à Sainte-Gudule. […] Que faire ? où aller sinon dans cet admirable Musée royal où se trouve le tableau de Breughel d’Enfer : La Chute des anges rebelles […]. Je passe en revue les Brauwer, les Ostade, les Van Eyck, les Bouts, et je reviens, comme fasciné, devant le joujou de Bruxelles, le non-pareil Jordaens, la ma- gique allégorie de la Fécondité.4 La deuxième raison réside dans le partage d’un même sujet que sont les musées et les monuments religieux. Véritables attractions touristiques et uploads/Litterature/ nassima-cherke-marie-purnode-et-jeremy-quicke-quot-regards-de-voyageurs-francais-sur-bruxelles-de-la-fin-du-xixe-siecle-et-du-debut-xxe-siecle-quot.pdf

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