© Hatier, 2003 ISBN 2-218-74224-1 NOUVELLES Guy de Maupassant LIRE L’ŒUVRE QUES

© Hatier, 2003 ISBN 2-218-74224-1 NOUVELLES Guy de Maupassant LIRE L’ŒUVRE QUESTIONNAIRE DE LECTURE (p. 303) LE RÔLE DES TITRES 1. Que les titres renvoient à un objet (Le Parapluie), à une situation (Divorce, La Question du latin) ou enfin à des personnages (Rosalie Pru- dent, Madame Baptiste, L’Ermite et Saint-Antoine) le lecteur n’est pas surpris car ces titres renvoient effectivement au contenu de la nouvelle qu’ils annoncent. Cependant, malgré cette évidente absence de suspens, on peut effectuer une interprétation différente des titres, une fois la lec- ture achevée : tout au long de la nouvelle Le Parapluie, il n’est question que de cet objet ; en revanche, les démarches entreprises par Madame Oreille pour le remplacer le sont, elles, beaucoup moins. Le titre va donc souligner de manière ironique le comportement avare de ce personnage. Divorce et La Question du latin semblent annoncer une réflexion sur des sujets d’actualité à l’époque de Maupassant. La manière dont ces ques- tions sont résolues se prête aussi à une lecture ironique : le divorce n’est plus nécessaire ni souhaitable dès lors que les intérêts pécuniaires du personnage sont en jeu, même si son honneur se trouve écorné dans cette affaire. Quant au latin, le père Piquedent fait la démonstration « qu’il ne nourrit pas son homme ». Les quatre nouvelles dont le titre annonce des personnages sont toutes des récits de vies confrontées à la mort, des destins où les personnages rencontrent le malheur malgré eux. 2. Le narrateur opère une véritable subversion de l’histoire de saint Antoine (Antoine le Grand, à ne pas confondre avec saint Antoine de Padoue) et de son cochon. Peut-être Maupassant s’est-il aussi amusé à donner une version burlesque de cette histoire traitée dans un autre registre par Flaubert, dans La Tentation de Saint-Antoine. 1 LIRE L’ŒUVRE Dès le début de la nouvelle, les raisons qu’il nous donne pour expliquer le fait que l’on a surnommé son personnage Saint-Antoine, sont sans doute à mettre en relation avec la popularité dont jouissait le saint Patron des charcutiers dans cette région, la Normandie où l’on sait bien préparer tous les produits issus du porc. L’arrivée du soldat prussien qu’Antoine va s’efforcer de gaver, détourne l’histoire du saint d’abord en une sorte de farce, à la verve « paysanne », bien connue depuis le Moyen Âge et que Maupassant pratiquait lui-même puisque dans un écrit dédié à Flaubert, il a même prêté sa plume au cochon de saint Antoine. Puis la farce devient drame et la brutalité et la lâcheté d’Antoine, annoncées dès le début de la nouvelle, se révèlent dans toute leur ampleur. La chute de la nouvelle qui voit l’arrestation et la condamna- tion d’un innocent aubergiste pour le meurtre du Prussien, tandis qu’Antoine, grâce à sa rouerie n’est pas inquiété, fait basculer la nou- velle dans une vision totalement cynique et pessimiste de la nature humaine : décidément l’homme n’est pas un saint et le Saint-Antoine de la nouvelle est bien proche de l’animal, c’est même un « cochon » comme on aurait pu dire dans ces campagnes normandes ! LES CHOIX NARRATIFS 3 a. et b. L’Aveu, Le Petit Fût sont des nouvelles où le narrateur est omniscient. Il s’agit de récits conduits à la troisième personne. L’Ermite, lui, est un récit enchâssé où un narrateur premier omniscient s’inclut dans un « nous » collectif, puis délègue sa parole à un autre personnage présent à ses côtés qui va prendre alors en charge le récit à la première personne, selon un point de vue interne, avant de laisser lui aussi la parole à l’ermite qui va raconter sa tragique histoire, selon un point de vue interne Dans La Question du latin, on a affaire à un narrateur qui s’exprime aussi à la première personne, selon un point de vue interne. 4. D’une manière générale, ces différents choix narratifs évitent l’effet répétitif et la monotonie qu’engendrerait la reprise de la même forme narrative. LA STRUCTURE D’UN RÉCIT 5.Après avoir présenté son personnage de Saint-Antoine en sélection- nant des détails qui tous auront leur importance dans le déroulement de la nouvelle (la force, la ruse, la vantardise, l’égoïsme, le fait qu’il vive seul chez lui) et qui constituent la situation initiale, le narrateur fait intervenir un élément perturbateur : avec « l’invasion prussienne », la contrainte de devoir héberger un soldat ennemi. La manière dont le fermier se conduit avec son hôte forcé en le gavant pour en faire son 2 NOUVELLES cochon constitue les péripéties. Une situation finale paraît s’imposer avec la mort supposée du Prussien dans la bagarre qui oppose les deux hommes (alors que le lecteur attendait plutôt la mort du soldat par indigestion…) mais le narrateur surprend encore son lecteur en faisant revenir le Prussien à la vie. La situation finale semble dès lors résider dans cette deuxième mort de l’ennemi. Or, il n’en est rien : ces « deux » morts ne sont que des péripéties, la véritable situation finale où l’on voit Antoine continuer à vivre comme avant l’arrivée du Prussien, lais- sant accuser l’aubergiste à sa place, constitue un retour à la case départ et ramène le crime commis à une simple péripétie dont l’horreur est vite masquée par le retour à la vie quotidienne tandis que le lecteur a pu mesurer toute la lâcheté d’Antoine. On retrouve cette vision pessimiste de l’homme dans Deux amis. La nouvelle s’ouvre sur une phrase qui en situe le contexte et qui a la forme d’un alexandrin : annonce de la tragédie et du statut de héros auquel les deux boutiquiers vont accéder ? La situation initiale les trouve rongés par la fin et l’ennui dans Paris assiégé. Le hasard, force perturbatrice, les fait se rencontrer : les péripéties s’enchaînent alors. L’absinthe partagée les plonge dans la mélancolie des jours anciens où ils pouvaient se livrer à leur passion, la pêche, et leur donne l’audace de solliciter une autorisation pour se rendre au bord de la Seine, près des lignes prussiennes. Le bonheur d’antan semble alors revenu, mais le narrateur multiplie les indices menaçants (campagne déserte et grise, ancien restaurant clos, canonnade du Mont-Valérien). Le lecteur a peu de doute sur l’imminence d’une rencontre des deux amis avec l’ennemi. Pourtant leur arrestation oriente la lecture vers une autre dimension que la simple résolution du suspens : la situation finale va faire de ces deux personnages sans grande envergure de véritables héros. Pourtant, au-delà de cette anecdote assez emblématique du sort que des civils innocents peuvent connaître en temps de guerre, la narration opère ici une subversion des rôles, comme dans Saint-Antoine, dont l’ironie est tragique - ainsi les paroles prémonitoires de M. Sauvage, « nous leur offrirons une friture » (p. 72, l. 90). Partis pêcher, les deux hommes vont se retrouver pris à leur tour ; le produit de leur pêche servira bien de fri- ture aux Prussiens et les deux victimes jetées à la Seine après avoir été fusillées, serviront peut-être à leur tour de nourriture aux poissons. Ce fleuve qu’ils aimaient tant deviendra ainsi leur tombeau. Ainsi, comme souvent dans les nouvelles de Maupassant, à côté d’un schéma narratif assez classique, on peut en lire un autre palimpseste qui révèle tout le pessimisme du narrateur quant à la noirceur de l’âme humaine. 3 LIRE L’ŒUVRE LES PERSONNAGES L’onomastique 6. Dans les noms de Sauvage et de Morissot, on retrouve le vocable sot. Il faut, en effet n’être pas très malin pour se risquer à aller pêcher sous le feu des canons ennemis, emporté par l’euphorie procurée par l’absinthe. Le portrait des deux boutiquiers, leurs activités, la platitude de leurs conversations, tout converge pour faire de nos deux amis un couple à la façon de Bouvard et Pécuchet, en plus banal. Le contraste avec leur mort sera d’autant plus saisissant. 7. La première phrase du Lit 29 montre que le capitaine Épivent fait tourner la tête des femmes dans la rue, au propre comme au figuré ; comme le vent qui emporte tout sur son passage le capitaine soulève les cœurs. Il est l’archétype de l’officier séducteur, personnage tradi- tionnel des villes de garnison à cette époque. De plus, sa « superbe » moustache a « la couleur » du « blé mûr » (p. 199, l. 5). Du vent, il a aussi la légèreté et l’inconstance comme le montrera son comportement face à Irma dont il ne comprendra pas le sacrifice, pré- férant la fuite à la compromission de sa réputation. Peut-être peut-on aussi songer à Rabelais et au capitaine Engoulevent dans la guerre pichrocoline même si Épivent ne se comportera pas en avaleur de vent pendant la guerre franco-prussienne, Irma le traite cependant de « capon » à la fin de la nouvelle. 8. On sait que le Père Antoine est décrit comme « un peu couard et fan- faron » (p. 80, l. 18). Le nom de son chien, destiné à effrayer en en fai- sant une sorte de monstre assoiffé de sang, conforte le lecteur dans l’impression que uploads/Litterature/ nouvelles-maupassant-ldp.pdf

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