BERTHELOT LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE ET LES SCIENC ES MYSTIQUES 1 L LE ES S O O
BERTHELOT LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE ET LES SCIENC ES MYSTIQUES 1 L LE ES S O OR RI IG GI IN NE ES S D DE E L L' 'A AL LC CH HI IM MI IE E E ET T L LE ES S S SC CI IE EN NC CE ES S M MY YS ST TI IQ QU UE ES S BERTHELOT Le monde est aujourd’hui sans mystère : la conception rationnelle prétend tout éclairer et tout comprendre; elle s’efforce de donner de toute chose une explication positive et logique, et elle étend son déterminisme fatal jusqu’au monde moral. Je ne sais si les déductions impératives de la raison scientifique réaliseront un jour cette prescience divine, qui a soulevé autrefois tant de discussions et que l’on n’a jamais réussi à concilier avec le sentiment non moins impératif de la liberté humaine. En tout cas, l’univers matériel entier est revendiqué par la science, et personne n’ose plus résister en face à cette revendication. La notion du miracle et du surnaturel s’est évanouie comme un vain mirage, un préjugé suranné. Il n’en a pas toujours été ainsi; cette conception purement rationnelle n’est apparue qu’au temps des Grecs; elle ne s’est généralisée que chez les peuples européens, et seulement depuis le XVIII ème siècle. Même de nos jours bien des esprits éclairés demeurent engagés dans les liens du spiritisme et du magnétisme animal. Aux débuts de la civilisation, toute connaissance affectait une forme religieuse et mystique. Toute action était attribuée aux dieux, identifiés avec les astres, avec les grands phénomènes célestes et terrestres, avec toutes les forces naturelles. Nul alors n’eût osé accomplir Une œuvre politique, militaire, médicale industrielle, sans recourir à la formule sacrée, destinée à concilier la bonne volonté des puissances mystérieuses qui gouvernaient l'univers. Les opérations réfléchies et rationnelles ne- venaient qu’ensuite, toujours étroitement subordonnées. Cependant ceux qui accomplissaient l'œuvre elle-même ne tardèrent pas à s’apercevoir que celle-ci se réalisait surtout par le travail efficace de la raison et de l’activité humaine. La raison introduisit. à son tour, pour ainsi dire subrepticement, ses règles précises dans les recettes d’exécution pratique, en attendant le jour où elle arriverait à' tout dominer. De là une période nouvelle, demi rationaliste et demi mystique, qui a précédé la naissance de la science pure. Alors fleurirent les sciences intermédiaires, s'il est permis de parler ainsi : l'astrologie, l'alchimie, la vieille médecine des vertus des pierres et des talismans, sciences qui nous semblent aujourd'hui chimériques et charlatanesques. Leur apparition a marqué cependant un progrès immense à un certain jour et fait époque dans l'histoire de l'esprit humain. Elles ont été une transition nécessaire entre l'ancien état des esprits, livrés à la magie et aux pratiques théurgiques, et l'esprit actuel, absolument positif, mais qui, même de nos jours, semble trop dur pour beaucoup de nos contemporains. L'évolution qui s'est faite à cet égard, depuis les Orientaux jusqu'aux Grecs et jusqu'à nous, n'a pas été uniforme et parallèle dans tous les ordres. Si la science pure s'est dégagée bien vite dans les mathématiques, son règne a été plus retardé dans l'astronomie, où l'astrologie a subsisté parallèlement jusqu'aux temps modernes. Le progrès a été surtout plus lent en chimie, où l'alchimie, science mixte, a conservé ses espérances merveilleuses jusqu'à la fin du siècle dernier. L'étude de ces sciences équivoques, intermédiaires entre la connaissance positive des choses et leur Interprétation mystique, offre une grande importance pour le philosophe. Elle intéresse également les BERTHELOT LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE ET LES SCIENC ES MYSTIQUES 2 savants désireux de comprendre l'origine et la filiation des idées et des mots qu'ils manient continuellement. Les artistes, qui cherchent à reproduire les œuvres de l'antiquité, les industriels, qui appliquent à la culture matérielle les principes théoriques, veulent aussi savoir quelles étaient les pratiques des anciens, par quels procédés ont été fabriqués ces métaux, ces étoffes, ces produits souvent admirables qu'ils nous ont laissés. L'étroite connexion qui existe entre la puissance intellectuelle et la puissance matérielle de l'homme se retrouve partout dans l'histoire : c'est le sentiment secret de cette connexion qui fait comprendre les rêves d'autrefois sur la toute-puissance de la science. Nous aussi, nous croyons à cette toute-puissance, quoique nous l'atteignions par d'autres méthodes. L LE ES S S SE EP PT T M MÉ ÉT TA AU UX X E ET T L LE ES S S SE EP PT T P PL LA AN NÈ ÈT TE ES S « Le monde est un animal unique, dont toutes les parties, quelle qu'en soit la distance, sont, liées entre elles d'une manière nécessaire. » Cette phrase de Jamblique le néoplatonicien ne serait pas désavouée par les astronomes et par les physiciens modernes, car elle exprime l'unité des lois de la nature et la connexion générale de l'univers. La première aperception de cette unité remonte au jour où les hommes reconnurent la régularité fatale des révolutions des astres; ils cherchèrent aussitôt à en étendre les conséquences à tous les phénomènes matériels et même moraux, par une généralisation mystique, qui surprend le philosophe, mais qu'il importe pourtant de connaître, si l'on veut comprendre le développement historique de l'esprit humain. C'était la chaîne d'or qui reliait tous les êtres, dans le langage des auteurs du moyen âge. Ainsi l'influence des astres parut s'étendre à toute chose, à la génération des métaux, des minéraux et des êtres vivants; aussi bien qu'à l'évolution des peuples et des individus. Il est certain que- le soleil règle, par le flux de sa lumière et de sa chaleur, les saisons de l'année et le développement de la vie végétale; il est la source principale des énergies actuelles ou latentes à la surface de la terre. On attribuait autrefois le même rôle, quoique dans des ordres plus limités, aux divers astres, moins puissants que le soleil, mais dont la marche est assujettie à des lois aussi régulières. Tous les documents historiques prouvent que c'est à Babylone et en Chaldée que ces imaginations prirent naissance; elles ont joué un rôle important dans le développement de l'astronomie, étroitement liée avec l'astrologie, dont elle semble sortie. L'alchimie s'y rattache également, au moins par l'assimilation établie entre les métaux et les planètes, assimilation tirée de leur éclat, de leur couleur et de leur nombre même. Attachons-nous d'abord à ce dernier : c'est le nombre sept, chiffre sacré que l'on retrouve partout, dans les jours de la semaine, dans rémunération des planètes, dans celle des métaux, des couleurs, des tons musicaux. L'origine de ce nombre paraît être astronomique et répondre aux phases de la lune, c'est-à-dire au nombre des jours qui représentent le quart de la révolution de cet astre. Le hasard fit que le nombre des astres errants (planètes), visibles à l'œil nu, qui circulent ou semblent circuler dans le ciel autour de la terre, s'élève précisément à sept : la Lune, le Soleil, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. A chaque jour de la semaine un astre fut attribué : les noms même des jours que nous prononçons maintenant continuent à traduire, à notre insu, cette consécration babylonienne. BERTHELOT LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE ET LES SCIENC ES MYSTIQUES 3 Le nombre des couleurs fut pareillement fixé à sept; cette classification arbitraire a été consacrée par Newton, et elle est venue jusqu'aux physiciens de notre temps. Elle remonte à une haute antiquité. Hérodote rapporte que la ville d'Ecbatane (Clio, 98) avait sept enceintes, peintes chacune d'une couleur différente. : la dernière était dorée; celle qui la précédait, argentée. C'est, je crois, la plus ancienne mention qui établisse une relation du nombre sept avec les couleurs et les métaux. La ville fabuleuse des Atlantes, dans le roman de Platon, est pareillement entourée par des murs concentriques, dont les derniers sont revêtus d'or et d'argent; maïs on n'y retrouve pas le mystique nombre sept. Ce même nombre était aussi, nous l'avons dit, caractéristique des astres planétaires. D'après M. François Lenormant, les inscriptions cunéiformes mentionnent les sept pierres noires, adorées dans le principal temple d'Ouroukh en Chaldée, bétyles personnifiant les sept planètes. C'est au même symbolisme que se rapporte, sans doute, un passage du roman de Philostrate sur la vie d'Apollonius de Tyane (III, 41), passage dans lequel il est question de sept anneaux donnés à ce philosophe par le brahmane Iarchas. Entre les métaux et les planètes le rapprochement résulte, non seulement de leur nombre, mais surtout de leur couleur. Les astres se manifestent à la vue avec des colorations sensiblement distinctes : Suus cuique color est, dit Pline (II, XVI). La nature diverse de ces couleurs a fortifié le rapprochement des planètes et des métaux. C'est ainsi que l'on conçoit aisément l'assimilation de l'or, le plus éclatant et le roi des métaux, avec la lumière jaune du soleil, le dominateur du ciel. La plus ancienne indication que l'on possède à cet égard se trouve dans Pindare. La cinquième ode des Isthméennes débute par ces mots : « Mère du soleil, Thia, connue sous beaucoup de noms, c'est à toi que les hommes doivent la puissance uploads/Litterature/ occultisme-alchimie-berthelot-origine-de-l-x27-alchimie-et-des-sciences-mystiques.pdf
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- Publié le Jan 22, 2022
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