Olivier Messiaen Quatuor pour la Fin du Temps Violon, clarinette en si bémol, v

Olivier Messiaen Quatuor pour la Fin du Temps Violon, clarinette en si bémol, violoncelle et piano (en hommage à l'Ange de l'Apocalypse, qui lève la main vers le ciel en disant : « Il n'y aura plus de Temps» EDITIONS DURAND & C'', Paris 4, Place de la Madeleine, 4 United Music Publishers Ltd. Londres. Théodore Presser Company, Bryr Mater (U.S.A.) Déposé selon les traités internationaux. Propriété pour tous pays. Tous droits d'éxécution, traduction, reproduction, et arrangements réservés MADE IN FRANCE IMPRIME EN FRANCE PRÉFACE L - Sujet de l'oeuvre et commentaire de chaque mouvement. «E vis un ange plein de force, descendant du ciel, revêtu d'une nuée, ayant un arc-en-ciel sur la tête. J Son visage était comme le soleil, ses pieds comme des colonnes de feu. Il posa son pied droit sur la mer, son pied gauche sur la terre, et, se tenant debout sur la mer et sur la terre, il leva la main vers le Ciel et jura par Celui qui vit dans les siècles des siècles, disant : il n'y aura plus de Temps ; mais au jour de la trompette du septième ange, le mystère de Dieu se consommera.» (Apocalypse de Saint Jean, Chapitre X). Conçu et écrit pendant ma captivité, le "Quatuor pour la fin du Temps" fut donné en 'Ire audition au Stalag VIII A le 15 janvier 1941, par Jean Le Boulaire (violoniste), Henri Akoka (clarinettiste), Etienne Pasquier (violoncelliste), et .moi-même au piano. Il a été directement inspiré par cette citation de l'Apocalypse. Son langage musical est essentiellement immatériel, spirituel, catholique. Des modes, réalisant mélodiquement et harmoniquement une sorte d'ubiquité tonale, y rapprochent l'auditeur de l'éternité dans l'espace ou infini. Des rythmes spéciaux, hors de toute mesure, y contribuent puissamment à éloigner le temporel. (Tout ceci restant essai et balbutiement, si l'on songe à la grandeur écrasante du sujet ! ) Ce "Quatuor" comporte 8 mouvements. Pourquoi ? Sept est le nombre parfait, la création de 6 jours sanctifiée par le sabbat divin ; le 7 de ce repos se prolonge dans l'éternité et devient le 8 de la lumière indéfectible, de l'inaltérable paix. I) "Liturgie de cristal". Entre 3 et 4 heures du matin, le réveil des oiseaux : un merle ou un rossignol soliste improvise, entouré de poussières sonores, d'un halo de trilles perdus très haut dans les arbres. Transposez cela sur le plan religieux : vous aurez le silence harmonieux du ciel. 2) " Vocalise, pour l'Ange qui annonce la fin du Temps". La 1" et la 3- partie (très courtes) évoquent la puissance de cet ange fort, coiffé d'arc-en-ciel et revêtit de nuée, qui pose un pied sur la mer et un pied sur la terre. Le "milieu ce sont les harmonies impalpables du ciel. Au piano, cascades douces d'accords bleu-orange, entourant de leur carillon lointain la mélopée quasi plain-chantesque des violon et violoncelle. 3) "Abîme des oiseaux". Clarinette seule. L'abîme, c'est le Temps, avec ses tristesses, ses lassi- tudes. Les oiseaux, c'est le contraire du Temps ; c'est notre désir de lumière, d'étoiles, d'arcs-en-ciel et de jubilantes vocalises ! 4) "Intermède". Scherzo, de caractère plus extérieur que les autres mouvements, mais rattaché à eux, cependant, par quelques "rappels" mélodiques. — II — 5) "Louange à l'Eternité de Jésus". Jésus est ici considéré en tant que Verbe. Une grande phrase, infiniment lente, du violoncelle, magnifie avec amour et révérence l'éternité de ce Verbe puissant et doux, "dont les années ne s'épuiseront point". Majestueusement, la mélodie s'étale, en une sorte de lointain tendre et souverain. "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu". 6) "Danse de la fureur, pour les sept trompettes". Rythmiquement, le morceau le plus caractéris- tique de la série. Les quatre instruments à l'unisson affectent des allures de gongs et trompettes (les six premières trompettes de l'Apocalypse suivies de catastrophes diverses, la trompette du septième ange annonçant consommation du mystère de Dieu). Emploi de la valeur ajoutée, des rythmes augmentés ou diminués, des rythmes non rétrogradables. Musique de pierre, formidable granit sonore ; irrésistible mouvement d'acier, d'énormes blocs de fureur pourpre, d'ivresse glacée. Ecoutez surtout le terrible fortissimo du thème par augmentation et changement de registre de ses différentes notes, vers la fin du morceau. 7) "Fouillis d'arcs-en-ciel, pour l'Ange qui annonce la fin du Temps". Reviennent ici certains passages du second mouvement. L'Ange plein de force apparaît, et surtout l'arc-en-ciel qui le couvre (l'arc-en-ciel, symbole de paix, de sagesse, et de toute vibration lumineuse et sonore). — Dans mes rêves, j'entends et vois accords et mélodies classés, couleurs et formes connues ; puis, après ce stade transitoire, je passe dans l'irréel et subis avec extase un tournoiement, une compénétration giratoire de sons et couleurs surhumains. Ces épées de feu, ces coulées de lave bleu-orange, ces brusques étoiles : voilà le fouillis, voilà les arcs-en-ciel I 8) "Louange à l'Immortalité de Jésus". Large solo de violon, faisant pendant au solo de violon- celle du 5e mouvement. Pourquoi cette 2 e louange ? Elle s'adresse plus spécialement au second aspect de Jésus, à Jésus-Homme, au Verbe fait chair, ressuscité immortel pour nous communiquer sa vie. Elle est tout amour. Sa lente montée vers l'extrême-aigu, c'est l'ascension de l'homme vers son Dieu, de l'enfant de Dieu vers son Père, de la créature divinisée vers le Paradis. -- Et je répète encore ce que j'ai dit plus haut : "tout ceci reste essai et balbutiement, si l'on songe à la grandeur écrasante du sujet ! " Il. - Petite théorie de mon langage rythmique. J'emploie ici, comme dans la plupart de mes ouvrages, un langage rythmique spécial. En plus d'une secrète prédilection pour les nombres premiers (5, 7, 11, etc.), les notions de "mesure" et de "temps" y sont remplacées par le sentiment d'une valeur brève (la double croche, par exemple) et de ses multiplications libres ; et aussi par certaines "formes rythmiques", qui sont : la valeur ajoutée ; les rythmes augmentés ou diminués ; les rythmes non rétrogradables ; la pédale rythmique. a) La valeur ajoutée. Valeur brève, ajoutée à un rythme quelconque, soit par une note, soit par un silence, soit par le point. Par une note : Par un silence : Par le point : ose sa gor • easimarind lainamisel Ordinairement, et comme dans les exemples ci-dessus, le rythme est presque toujours immédiat tement pourvu de la valeur ajoutée, sans avoir été entendu au préalable à l'état simple. o • — 111 — b) Les rythmes augmentés ou diminués. Un rythme peut être immédiatement suivi de son augmentation ou diminution, suivant diverses formes ; en voici quelques exemples (dans chacun d'eux, la 1 mesure contient le ry thme normal, la 2' mesure son augmentation ou diminution) : r Ajout du tiers des valeurs : Retrait du quart des valeurs : Ajout du point : Retrait du point : Augmentation classique : Diminution classique : Ajout du double des valeurs : Retrait des 2/3 des valeurs : Ajout du triple des valeurs : Retrait des 3;4 des valeurs : • 7* r• r r r • • • • I G7 r rr 4 •1 " • • Y I r • r r 7 r il On peut user aussi d'augmentations et diminutions inexactes. Exemple : r r r r r• Ce rythme contient 3 croches (diminution classique des 3 noires), plus le point (valeur ajoutée), qui rend la diminution inexacte. c) Les ry thmes non rétrogradables. Qu'on les lise de droite à gauche ou de gauche à droite, l'ordre de leurs valeurs reste le même. Cette particularité existe dans tous les rythmes divisibles en 2 groupes rétrogradés l'un par rapport à l'autre, avec valeur centrale "commune". Exemple : r r r n r Succession de rythmes non rétrogradables (chaque mesure contenant un de ces rythmes) : 7flr ri7-11* 7r7* r t ow . n=1 e erj .ur r i;ri rr e rr7 . 72224• — IV — Employée dans le 6' mouvement du "quatuor" : "Danse de la fureur, pour les sept trompettes - (voir lettre F). d) La pédale rythmique. Rythme indépendant, qui se répète inlassablement, sans s'occuper des rythmes qui l'entourent. La partie de piano du l er mouvement du "quatuor" : "Liturgie de cristal", est écrite sur le fragment rythmique suivant : r r De nombreuses répétitions de ce fragment, indépendantes des rythmes des violon, clarinette et violoncelle, en font une "pédale rythmique". III. - Conseils aux exécutants. Qu'ils lisent tout d'abord les "Commentaires" et la "Petite théorie" ci-dessus. Mais ils n'ont pas à se préoccuper de tout cela pour l'exécution : il leur suffit de jouer le texte, les notes et les valeurs exactes, de bien faire les nuances indiquées. Dans les morceaux non mesurés comme "Danse de la fureur, pour les sept trompettes'', ils peuvent, pour s'aider, compter mentalement toutes les doubles croches, mais seulement au début de leur travail : ce procédé pourrait alourdir facheusement l'exécution en public : ils devront alors conserver en eux le sentiment des uploads/Litterature/ olivier-messiaen-teoria-quatour.pdf

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