Didier van HECKE, GB GSA, Les petits prophètes de l'Ancien Testament, 2016/1017
Didier van HECKE, GB GSA, Les petits prophètes de l'Ancien Testament, 2016/1017. 1 INTRODUCTION AU PROPHÉTISME INTRODUCTION En général, pour les chrétiens, les prophètes ont longtemps d’abord été perçus comme ceux qui annonçaient le Christ ou qui le préfiguraient. Ils devenaient ainsi les hérauts du Messie à venir. Cette vision a également été favorisée par le choix des lectures du lectionnaire proposant par exemple les textes d’Isaïe pour le temps de l’Avent. Pour les chrétiens, les prophètes bibliques sont ainsi devenus les chantres de l’espérance chrétienne. C’est pour cela que le contexte de leur prédication, leur histoire propre ou simplement les destinataires de leur message sont passés au second plan. En écoutant Amos, Malachie ou Abdias, qui connaît leur époque ? Qui connaît la situation sociale, économique, politique, religieuse de leur prédication ? Qui connaît les rois qui régnaient à leurs époques ? Aussi, dans le travail de cette année sur les prophètes, nous nous attacherons à chaque fois à bien resituer leur prédication dans leur contexte historique afin de dégager davantage quelle fut la puissance de leur parole et quelle est elle encore pour nous aujourd’hui, au XXIème siècle, ici en France. 1 LIVRES PROPHÉTIQUES ET PROPHÈTES 11 Les données du canon On appelle "canon biblique" une liste d'écrits retenus comme textes de référence par les croyants juifs et chrétiens et l'ordre dans lequel ces écrits sont présentés. Pour l'Ancien Testament, les bibles de tradition protestante suivent le canon juif qui ne comporte pas un certain nombre d'écrits appelés deutérocanoniques ou apocryphes qui ont été transmis par la traduction grecque de la Bible appelée Septante. Les bibles de tradition catholique insèrent ces écrits dans les diverses parties du canon juif alors que les bibles protestantes ont cessé de les imprimer au XIXe siècle. - Le canon juif : la bible hébraïque Celle-ci comprend trois parties : la Loi, les Prophètes et les Ecrits. Dans la seconde, le canon juif a retenu 21 livres prophétiques : - Js, Jg, 1 et 2 Sm, 1 et 2 R appelés les prophètes antérieurs ou premiers. - Is, Jr, Ez, les 12 “petits prophètes” appelés les prophètes postérieurs ou derniers (Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahoum, Habaquq, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie). En réalité, les livres des prophètes antérieurs contiennent des récits historiques, mais la tradition juive les attribuait à des prophètes : Josué à Josué, Juges et 1-2 Sm à Samuel et 1-2 R à Jérémie. Elle sentait confusément la parenté entre ces ouvrages et le message prophétique. Dans cette classification, le livre de Daniel appartient aux autres écrits. - Le canon catholique Les premières communautés chrétiennes se sont appuyées sur la Septante et ont structuré la Bible en quatre parties : le Pentateuque, les livres historiques, les livres poétiques et les livres prophétiques. Celui-ci a retenu quant à lui seulement 16 écrits prophétiques : - Les 4 grands prophètes : Is, Jr, Ez + Dn, - Les 12 “petits prophètes”. Didier van HECKE, GB GSA, Les petits prophètes de l'Ancien Testament, 2016/1017. 2 12 Le sens du mot “prophète” 121 Dans la Bible hébraïque Dans la Bible hébraïque, le mot le plus employé pour désigner le prophète est ayIbDn nabî ; au pluriel myIbEn nebî'îm qui se retrouve 309 fois dans la Bible hébraïque1 (dont 162 fois dans les écrits prophétiques). Que signifie ce mot ? L'étymologie ne fournit pas de réponse certaine et les philologues proposent trois sens : - Le nabî serait un exalté, un surexité, un homme en délire. - Ou bien il serait un orateur : en effet, la racine assyrienne nabû signifie annoncer, proférer, nommer, parler. Le nabî serait ainsi un "parleur". - Mais aujourd'hui, la plupart des exégètes rapportent le sens du mot au nabi'um de l'akkadien, une forme passive qui signifie "celui qui est appelé"2. Ce sens signalerait l'importance de la mission du prophète. Le nabî est ainsi celui qui est appelé, qui a une vocation venant de Dieu. 122 Dans la Septante Dans la LXX (la bible grecque), le mot ayIbDn; est pratiquement toujours traduit par profhth/ç profétês. Le mot français "prophète" est donc la transcription de ce mot grec : profhth/. Celui-ci vient de la préposition “pro” et de “fhthç” qui est dérivé d’une racine qui signifie dire, déclarer, transmettre. Prophétiser renvoie donc à une activité de parole. La préposition “pro” peut prendre trois significations différentes : 1 Temporelle : au sens de “avant”, 2 Spatiale : au sens de “devant”, 3 Vicariale : au sens de “au nom de”. La tradition chrétienne a longtemps favorisé la première interprétation, temporelle, comprenant une idée de prédiction. Les prophètes sont alors ceux qui prédisent et qui annoncent. Or, la recherche biblique actuelle va davantage rattacher la prophétie aux deux autres significations : - La prophétie au sens spatial du terme marque le lien existant entre le prophète et la communauté : le prophète est celui qui se trouve devant la communauté, qui parle devant elle et qui va prendre position. - La prophétie au sens vicarial du terme renvoie au fait que le prophète ne parle pas d’abord en son nom propre, de son propre chef ou de sa propre autorité. Il est avant tout envoyé par Dieu pour parler en son nom. Le prophète est quelqu’un qui parle au nom d’un autre. Le prophète est dans l'acception usuelle, l'homme qui prévoit, qui prédit. Nous mettons l'accent sur le préfixe. Le voir ou le dire paraissent très secondaires et semblent des modalités seulement du contenu très substantiel de la prophétie qui serait de découvrir, de dévoiler, d'annoncer l'avenir. Or, la prophétie dont nous tentons de dégager l'essence n'est que très accessoirement anticipatrice. Sa voyance n'est pas nécessairement liée à l'avenir ; elle a sa valeur propre, instantanée. Son dire n'est pas un prédire ; il est immédiatement donné dans l'instant de la parole. Vision et parole sont, dans cette prophétie, en quête de découverte. Mais ce qu'elles dévoilent, ce n'est pas l'avenir, c'est l'absolu. La prophétie répond à la nostalgie d'une connaissance ; mais non de la connaissance du lendemain : mais de celle de Dieu.3 Nul homme n'est aussi présent dans sa parole que celui qui dit : Ainsi parle un autre, à savoir : Dieu. Le prophète expose lui-même son temps pour atteindre nous-mêmes, qui n'y sommes pas... Les prophètes ne sont pas venus satisfaire une demande. Leur relation à la parole fut renforcée du fait que celle-ci n'était pas finalisée par un résultat. Ils parlèrent pour avoir parlé. C'était tout le devoir d'un messager, comptable seulement devant celui qui l'envoie.4 1 L. RAMLOT, Prophétisme, SDB, col. 919. 2 J. BLENKINSOPP, Une histoire de la prophétie en Israël, 42. 3 A. NEHER, Prophètes et prophéties, 9. 4 P. BEAUCHAMP, L'un et l'autre Testament, Tome 1, 76.91. Didier van HECKE, GB GSA, Les petits prophètes de l'Ancien Testament, 2016/1017. 3 2 LES RACINES DU PROPHETISME CLASSIQUE 21 Un prophétisme extrabiblique Le prophétisme constitue une caractéristique essentielle d’Israël, mais d’autres peuples de l’Orient ancien en ont connu. En Mésopotamie, on parle du baru (voyant, devin), mais aussi du muhu (extasié). Sur la forme, rien ne les distingue : les tablettes d’oracles découvertes à Mari (1800 av. J.-C.) traitent des mêmes sujets, avec les mêmes formules adressées au roi. En revanche, le rapport au pouvoir et au culte est bien différent des prophètes bibliques : dans les textes de Mari, à aucun moment on ne trouve de critique de l’institution monarchique en tant que telle. Bien plus, le culte est toujours le moyen primordial pour entrer en relation avec la divinité, alors que les prophètes de la Bible, privilégient la justice, l’attention au frère comme moyen premier de rétablir la relation avec Dieu. Ils n’hésitent pas à dénoncer avec un ton virulent qui leur est propre "holocaustes et sacrifices". La Bible elle-même mentionne l'existence de ces prophètes hors Israël : l'histoire de Balaam en Nb 24,2 ou celle des prophètes de Baal et Ashéra en 1 R 18,19-40. De même Jérémie s'adresse aux rois étrangers pour leur dire : N'écoutez pas vos prophètes, vos devins, vos oniromanciens, vos enchanteurs et vos magiciens, qui vous assurent que vous ne serez pas assujettis au roi de Babylone. (Jr 27,9) 22 Les prophètes anciens La Bible hébraïque classe les livres de Josué, Juges, Samuel et Rois parmi les écrits prophétiques. Effectivement, surtout dans Samuel et Rois, on trouve beaucoup de textes concernant les prophètes ou des récits dont les principaux personnages sont des prophètes. C'est dans ces livres que l'on trouve quelques renseignements sur les prophètes anciens en Israël : - Ils sont habituellement regroupés en confréries et mènent une vie de groupe : 10Quand ils arrivèrent à Guivéa, une bande de prophètes venait à sa rencontre. (1 Sm 10,10) - La dimension de leurs communautés pouvait être très importante : 50 à Jéricho (2 R 2,7), toute une assemblée à Samarie (1 R 22,10 ; 2 R 6,1-7) ou encore 400 (1 R 22,5-6) : 7Cinquante d’entre les fils de prophètes allèrent se placer en face du uploads/Litterature/ introduction 9 .pdf
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- Publié le Jul 19, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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