PARALLÈLE MOLIERE - LA FONTAINE De son vrai nom Jean Baptiste Poquelin, Molière

PARALLÈLE MOLIERE - LA FONTAINE De son vrai nom Jean Baptiste Poquelin, Molière a acheminé la comédie dans la voie des grandes créations dramatiques. Cela ne veut pas dire que ce genre n’a pas été abordé par des auteurs illustrés, les uns appartenant à l’antiquité, tels : Plaute ou Aristophane, les autres comptaient parmi les contemporains de Molière : les frères Corneille (Pierre et Thomas), Racine avec « Les Plaideurs », un Mairet ou Rotrou etc. Mais, la comédie ne s’était pas élevée à l’hauteur de la tragédie classique. Une distinction remontant à Aristote, délimitait le genre majestueux et sublime et héroïque de la tragédie de la comédie qui tirait ses sujets de la réalité la plus banale, s’intéressant surtout aux faiblesses et aux travers des gens. Si la morale des tragédies fait l’âme s’élever vers l’absolu en vertu de la catharsis alors la comédie dans le même but de purifier tente de niveler, de corriger par le rire. A la gravité et a la sobriété du tragique s’ajoute le rire qui déclanche toutes les tonalités du registre comique : comique de situations, comique de langage ou comique de caractère, le tout enrichi et nuancé par une multitude d’effets dont la plupart sont puises dans la réalité la plus authentique. S’il nous faut parler de l’héritage, alors on peut énumérer les auteurs grecs déjà mentionnés, puis deux genres qui ont fait fortune en Italie, au XVI-e s: la commédia sostenuta et la commédia dell’arte qui prêtent leurs procédés comiques à la grande comédie – les quiproquos, les travestissements, les bouffonneries qui supposaient une grande liberté de mouvement, enfin l’improvisation qui exigeaient une grande allégresse d’esprit. Molière ne reste pas indifférent aux farces populaires et aux fabliaux, source d’un gros comique, mais et surtout, il reste toujours attentif à la diversité des gens, de leurs caractères, tels que la réalité la plus percutante lui révèle. Ainsi, Molière crée-t-il des types (l’avare, l’hypocrite, le libertin…) selon le modèle du XVII-e siècle, mais il dépasse de beaucoup son époque par la finesse d’une observation psychologique qui lui fait déceler les tares et les travers de l’homme, en général. On peut donc être tenté de ne voir dans une œuvre comme celle de Molière qu’une critique judicieuse et moyenne de tous les excès humains, se dégageant d’une peinture exceptionnellement vivante de ces excès. D’où la valeur permanente de cette œuvre où chaque époque, chaque individu même pourrait trouver de quoi corriger ses misères. Son premier grand succès « Les Précieuses ridicules » qui date de 18 novembre 1659 c’est une courte comédie en quinze scènes et en prose. Bien que le sujet ne soit pas neuf, elle fait scandale, et elle plait. On vit, en effet, dans « Les Précieuses ridicules », dont deux des personnages portaient les prénoms de Mme de Rambouillet et de Mlle de Scudéry, une attaque directe contre deux reines de la vie littéraire parisienne. Au fait, « Les Précieuses.. » marquent un tournant décisif dans l’histoire du théâtre français. Pendant que ses rivaux s’évertuent à copier les Précieuses.., Molière prépare une seconde création ; ce sera « Sganarelle ou le Cocu imaginaire » (mai 1660). Sganarelle, ce personnage ridicule et tout mélancolique, avec lequel Molière effleure pour la première fois le tragique de la jalousie, demeurera jusqu'à la fin de sa vie le compagnon de son imagination, et nous le retrouverons, sous le même nom ou sous d’autres, sous le costume du valet ou sous le costume du bourgeois, du Cocu ou du Malade. Le 26 décembre 1662 il présenta la pièce « L’école des femmes » son premier chef d’œuvre. C’est une pièce libre d’esprit, dégagée de toute hypocrisie ou soumission aux tabous politiques et religieux et offrait une merveilleuse occasion aux petits frondeurs dépités et aux sournois stratèges d’un certain clergé, de crier au scandale et de dénoncer l’impiété. Pour le comédien et pour le metteur en scène comme pour l’auteur, la grande loi, c’est celle de sincérité et du naturel. Mais, le naturel n’est pas celui de la vie quotidienne : il est un naturel du second degré qui renaît en quelque sorte grâce à un effort permanent de synthèse entre les exigences de la vérité et celle de l’œuvre d’art, et dépasse ainsi également la simple imitation de la vie et le respect timoré des conventions. Nous trouvons là les premières exigences d’un génie authentique : se faire l’écho de son temps et le dépasser de beaucoup. Le 12 mai 1664, Molière choque le public, surtout les ecclésiastiques, en présentant les trois premiers actes du « Tartuffe », pièce qui sera interdite par la suite, remaniée en 1667, et donnée en version intégrale en 1669. Cette pièce qui portait dans sa première variante, présentée à Versailles le titre « L’Hypocrite », traitait d’un thème qui commençait à intéresser de plus en plus Molière - celui de la bonne foi impuissante et bafouée. Ce ne sont donc plus les faiblesses de l’homme que Molière y met en cause, mais la société de son temps et l’ordre établi. D’ailleurs, Tartuffe, et Dom Juan, peuvent être considérés à la rigueur, révolutionnaires puisqu’elles s’attaquent aux structures sociales, aux fondements du XVIIe siècle, la noblesse et le clergé. Le Tartuffe oppose l’honnêteté d’une famille bourgeoise à la science diabolique avec laquelle un intriguant abuse du crédit moral de la religion pour circonvenir la bonne foi du chef de famille et le ruiner. Le point culminant de la pièce est le troisième acte ou apparaît le personnage central dont on a parle dans les premières actes. Si dans les premiers deux actes Molière crée l’ambiance parfaite d’une famille bourgeoise avec tout ce que cela recèle d’équilibre, d’harmonie et de douceur, le troisième acte fait éclater l’autorité du père mis en défit par un fils à qui l’indignation arrache un cri de révolte, puis par une femme sure d’elle-même qui découvre à quel point de dégradation un mari naguère courageux s’est vu baisser par les roueries de l’imposteur. Ce troisième acte met en cause toute la hiérarchie sociale et un échafaudage mental miné par la mauvaise conscience, fissuré par l’hypocrisie et par les faux dévots. En se voyant interdite cette pièce, Molière ne mit que six mois pour écrire « Don Juan » qui présentait le double avantage d’exploiter un thème populaire et de lui permettre de reprendre par biais son attaque contre la corruption des puissants. Dom Juan renferme de par sa personnalité, d’ailleurs très riche et nuancée, tous les travers de la noblesse ; la dépravation, l’irresponsabilité, le cynisme, la fausse croyance qui touche au blasphème. Dom Juan devient ainsi dans cette pièce très simple et très orthodoxe du point de vue classique un personnage très controversé. Traître, imposteur cynique, fils dénaturé, blasphémateur, il est considéré par la critique moderne comme le porte-parole d’une liberté absolue, toujours en quête de la vérité, défiant Dieu en parfait athée (existentialiste) affrontant la mort en toute lucidité. Par ces composantes qui définissent une attitude qui dépassent le cadre de l’époque, il s’intègre dans ce paradigme de l’homme absurde à qui tout et permis et qui s’assume à la fois la solitude de par ses décisions. Raskolnikof, le surhomme de Nietzsche, Meursault ou Caligula de Camus font partie de la même génération, bien que très éloignés dans le temps. Toujours de cette époque de grande inspiration date un autre grand chef-d’œuvre « Le Misanthrope ». D’ailleurs, il faut souligner que dans cette période, le théâtre de M. se présente comme le journal de sa vie, avec tous les triomphes et les déchéances qui l’ont marqué. « Le Misanthrope » est la méditation d’un homme vaincu qui s’interroge dramatiquement sur la ligne de sa vie. Fuir ou accepter l’hypocrisie, cesser le combat et s’adapter ou continuer de se révolter et de nier ? Voilà ses incertitudes, ses hésitations dont « Le Misanthrope » témoigne par cet humour douloureux qui est, peut-être la marque de son génie comique. Si l’humour consiste à rire de soi-même avant que les autres en rient, telle est bien l’attitude de Molière à travers l’Arnolphe de « l’Ecole des Femmes », l’Alceste du « Misanthrope », et l’Argan du « Malade imaginaire ». Pour souligner le comique d’Alceste, M. utilise le procédé éternel qui consiste à le rendre amoureux et à souligner la contradiction entre le tempérament atrabilaire (bilieux) de son héros et l’attirance qu’il éprouve pour cette jeune femme légère et coquette qu’est Célimène. (Atrabilaire vient du sous-titre de la pièce en cause « Le Misanthrope » ou « L’Atrabilaire amoureux »). Elle représente pour lui un absolu de grâce et de légèreté dont il sait que le contrepoids nécessaire est le refus de ce qui lui est essentiel, à lui, cette recherche de la vérité profonde, si lourde et si contraignante. Mais, Célimène est pour lui la liberté interdite et d’autant plus fascinante. Un personnage apathique et par là tragique, d’un tragisme différent que celui de Dom Juan, mais qui par son manque de combativité laisse le public indifférent. uploads/Litterature/ parallele-moliereela-fontaine.pdf

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