Cours 6 Le roman policier contemporain «Je lis beaucoup de romans policiers. Je
Cours 6 Le roman policier contemporain «Je lis beaucoup de romans policiers. Je n’y cherche plus, hélas, le lyrisme absurde de Fantomas, le charme naïf d’Arsène Lupin, la tendresse mélancolique de Rouletabille, mais j’y trouve autre chose, une force physique et un style moderne, une connaissance de l’âme, qui dépassent de loin ce que nos romanciers produisent. Je m’étonne en face d’œuvres où une sorte de génie éclate dans l’allure générale et dans le détail, qu’on les mésestime sous prétexte qu’ils figurent dans des collections populaires...» Jean COCTEAU Le statut du genre du roman policier dans le royaume littéraire est ambigu. D’un côté, par sa popularité il dépasse de beaucoup ses homologues sérieux, mais de l’autre côté il figure rarement dans des programmes d’histoire littéraire et il est souvent méprisé par le public qui se considère raffiné. Notre but est de réhabiliter un peu le polar français en présentant ses catégories différentes et ses auteurs en donnant envie de les découvrir davantage. Notons d’abord qu’il existe toute une bibliographie théorique sur le polar. Parmi ceux qui ont réfléchi sur la structure , les mécanismes et les atouts littéraires du roman policier figurent de grands philosophes,écrivains et chercheurs tels que Gilles Deleuze, Jorge Luis Borges, Bertold Brecht, Jean-Pierre Richard, Tzvetan Todorov et autres. Certains ouvrages sont écrits par de grands maîtres du genre, ainsi Thomas Narcejac, en 1975 fait paraître une étude Le Roman policier: une machine à lire et puis Le Roman policier dans la célèbre série «Que sais-je?». Depuis la fin des années vingt existe la collection «Le Masque» de la maison d’édition Hachette qui ne publie que des polars. La série «Noire» de Gallimard, la plus réputée, fut fondée juste après la Seconde guerre, c’est Jacques Prévert qui inventa le titre et sa femme qui dessina la couverture. Une bonne dizaine d’autres collections poursuivent cette tradition, parmi lesquelles «Viviane Hamy», «Fleuve Noir», «J’ai lu policier». Les meilleurs romans policiers sont récompensés tous les ans par des prix prestigieux : Le Grand Prix du roman d’aventures, Le Grand Prix de littérature policière, le prix du Quai des Orfèvres et d’autres. Au cœur de Paris fonctionne BILIPO, bibliothèque des littératures policières qui accueille des amateurs et des professionnels, des scénaristes, des metteurs en scène, des critiques littéraires. Si quelque lecteur curieux cherche un livre rare, nombreuses librairies spécialisées dans divers villes de la France sont à sa disposition. En toute saison, se passent des festivals du polar à travers tout le pays, de Cognac à Sèvres. Aujourd’hui, le roman policier est l’objet de colloques et de thèses universitaires. Parfois, il est difficile de classer un auteur ou un livre dans la série blanche ou noire, dans le policier ou dans le roman noir. «Le noir c’est avant le fait divers, le polar c’est après le fait divers», assure un des auteurs inclassables, Thierry Crifo. Patrick Raynal, non seulement auteur, mais aussi directeur de la série noire de Gallimard durant quinze ans, propose un terme «roman noir déteint» pour des livres où sont présents des problèmes de la société contemporaine mais sans trop de violence. Citons quelques types d’œuvres qui peuvent appartenir à une de ces catégories. Le roman d’énigme ou «qui a tué?» dans lequel le mystère doit être résolu après maintes observations et par la stratégie d’observation. Le lecteur, dans ce type de roman, appelé de même roman-problème ou roman-rébus, est aussi ignorant que les personnages. En guise d’exemple, citons le roman de Michel Quint Le Billard à l’étage : dans une toute petite bourgade au bord de la mer débarque un inconnu qui prétend que le premier soir de son arrivée il a vu de sa fenêtre que quelqu’un a été jeté dans l’eau. Et un défilé de doutes et de soupçons commence. À la base du roman noir sont les plaies de la société : la corruption politique et policière, la misère, le racisme, l’intolérance. Aucun des aspects du monde d’aujourd’hui n’est épargné: des hospices pour les vieux (Thierry Jonquet Le Bal des débris), la religion et les ecclésiastiques (Jean-Jacques Reboux Le Massacre des innocents, son autre livre La Cerise sur le gâteux est dédié aux victimes assassinées par le Front National et les skins au Havre, à Marseille et à Paris). À côté du roman noir, ou plutôt à l’intérieur de ce sous-genre est né le roman noir historique ou de mémoire, qui fait rappeler au lecteur des évènements assez récents, mais dont le souvenir reste toujours douloureux pour la conscience nationale. Un des représentant de cette littérature est Didier Daeninckx avec Le Der des ders et Meurtres pour mémoire, ses œuvres les plus connues. Un autre type c’est comme il convient de l’appeler le «police procédural» type, c’est-à-dire que pour son enquête elle suit scrupuleusement la «procédure policière». C’est bien le cas de Fred Vargas qui sur les pages de ses romans fait agir Jean-Baptiste Adamsberg, commissaire flâneur sans véritable méthode d’investigation mais qui mène toujours son enquête jusqu’au bout. Les titres des livres qui sont maintenant traduits en plusieurs langues et qui ont rendu Vargas célèbre sont Debout les morts, Pars vite et reviens tard (prix des libraires en 2002, adaptation cinématographique sortie en France en 2007, réalisateur Régis Wargnier), L’Homme aux cercles bleus. Le roman de suspense est souvent aussi défini comme le «roman de la victime» ou le «roman de la menace». Au centre de l’œuvre se trouve quelqu’un en danger. Le lecteur est en face de l’attente, de la tension dramatique, le rythme de la narration s’accélère de page en page. Les exemples des livres pareils dont il est impossible de se détacher sont notamment L’Homme à l’oreille croquée de Jean-Bernard Pouy et Malavita de Tonino Benaquista. Dans le premier roman c’est un adolescent qui contre son gré, lors d’un déraillement du train fait connaissance avec une jeune fille pourchassée par des criminels, et donc, il devient un témoin à supprimer. Dans le deuxième, un gangster américain vend à la police ses «ex-collaborateurs» et se trouve obligé de fuir leur vengeance au fin fond de la province française. Une des variante du «suspense» est «thriller» du verbe anglais thrill qui signifie «frissonner» ou «frémir». Par rapport au «suspense» il pourrait y avoir plus d’aventures, l’intrigue y est assez compliquée, mais avec une structure bien bâtie. Un des chef-d’œuvre du thriller contemporain est le roman d’Hervé Prudon Vinyle Rondelle ne fait pas le Printemps où il s’agit du festival musical «Le Printemps de Bourges» qui a lieu tous les ans en France et qui attire les musiciens de toutes les tendances possibles et imaginables, aussi bien que leurs amateurs, producteurs, critiques et hommes d’affaires. Les destins s’entremêlent, s’entrecroisent, la tragédie frôle le burlesque. La forme romanesque du puzzle nous rappelle le procédé connu de Perec. Au début des années 70 Jean-Patrick Manchette invente le «néopolar», une certaine branche purement française du roman policier, dont les particularités de forme et de style sont difficiles à déterminer, mais qui, de façon assez artificielle, un peu comme le Nouveau Roman, regroupe de tels auteurs que Didier Daeninckx, Thierry Jonquet, Hervé Jaouen, Marc Villard, Hugues Pagan, Gérard Delteil, Patrick Raynal et autres. L’action de ces livres se passe dans la plupart des cas en France. On dirait plus, les noms de certains auteurs sont associés à une ville particulière. Tel est le cas de Jean-Claude Izzo, décédé prématurément, qui a poétisé Marseille à la suite de son prédécesseur Marcel Pagnol. Il suffit de regarder son site personnel dans Internet pour comprendre à quel point la topographie marseillaise lui est importante. Sa trilogie (reprise dans la série télévisée Fabio Montale – du nom du commissaire menant l’enquête – avec Alain Delon) comporte Total Khéops, Chourmo et Solea. René Beletto (Sur la Terre comme au Ciel) est épris de Lyon, Alain Demouzon est le chantre de Paris, c’est lui qui a écrit le scénario pour une série télévisée Les cinq dernières minutes où chaque épisode se déroulait dans un des quartiers de la capitale. Il est indispensable de mentionner une invention sans précédent, lancée par Jean-Bernard Pouy, la collection «Le Poulpe». C’est le surnom de Gabriel Lecouvreur, enquêteur, «type costaud de presque deux mètres de haut et un rien ombrageux, avec des bras d’une longueur un peu anormale», «anar, esthète, jouisseur et libre penseur» qui souvent se cache lors de son investigation derrière le masque de journaliste, archiviste, agent immobilier. Il est cavalier seul, il n’a qu’une attache, sa copine Cheryl. Il est assez brillant, il écoute Jacques Brel, dont il raffole, lit Jean Genet, Stevenson, Apollinaire, Lezis Caroll, Nietzche. Pourtant ce n’est pas dans la personnalité de Gabriel qu’il faudrait chercher le moment exceptionnel. Chaque fois que paraît un nouveau livre avec les aventures du Poulpe, c’est un autre auteur qui l’écrit. À une expérience pareille on a même donné le nom de «roman multicéphal» ou «à plusieurs têtes». Limitons-nous à donner quelques titres qui nous semblent curieux et servent aussi de prétexte pour découvrir encore des noms dignes de votre attention : • Pascal Dessaint Les uploads/Litterature/ cours-6 1 .pdf
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- Publié le Dec 14, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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