Perspective Actualité en histoire de l’art 2 | 2008 Période moderne/XIXe siècle

Perspective Actualité en histoire de l’art 2 | 2008 Période moderne/XIXe siècle Les livres d’architecture : leurs éditions de la Renaissance à nos jours Antonio Becchi, Mario Carpo, Pierre Caye, Claude Mignot, Werner Oechslin et Pascal Dubourg Glatigny Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/perspective/3396 DOI : 10.4000/perspective.3396 ISSN : 2269-7721 Éditeur Institut national d'histoire de l'art Édition imprimée Date de publication : 30 juin 2008 Pagination : 189-204 ISSN : 1777-7852 Référence électronique Antonio Becchi, Mario Carpo, Pierre Caye, Claude Mignot, Werner Oechslin et Pascal Dubourg Glatigny, « Les livres d’architecture : leurs éditions de la Renaissance à nos jours », Perspective [En ligne], 2 | 2008, mis en ligne le 31 mars 2018, consulté le 01 octobre 2020. URL : http:// journals.openedition.org/perspective/3396 ; DOI : https://doi.org/10.4000/perspective.3396 Textes et éditions : les livres d’architecture débat PERSPECTIVE 2008 - 2 189 Depuis plusieurs années, les études d’histoire de l’architecture ont connu un renouveau en France à travers de nombreuses initiatives collectives, souvent consacrées à la question du livre d’architecture : bibliothèques d’architectes, étude des classiques, édification et culture savante, docu- mentation du bâti… Cette activité a été ponctuée par la publication en 2004 de la première traduction en français du traité d’­Alberti depuis la version qu’en avait donnée Jean Martin en 1553. La dernière manifes- tation en date, le premier congrès francophone d’histoire de la construc- tion, dont une partie importante était consacrée aux traités, a réuni à Paris en juin dernier plus de cent cinquante intervenants. L’intérêt que soulèvent les écrits d’architecture est très varié : il regarde la connais- sance des techniques, l’identification des vecteurs de diffusion des pratiques architecturales, la constitution des corpus construits, l’établis- sement des normes disciplinaires et le rapport avec les autres domaines humanistes. Ces études ont désormais pris leur place dans l’histoire de l’archi­tecture et l’on commence à parler ici et là d’un genre spécifique, le « livre d’architecture » ou peut-être plutôt le « livre d’architecte ». Le caractère central et essentiel de l’image et de l’illustration dans les traités d’architecture a sans doute permis à ce genre d’acquérir quelques lettres de noblesse auprès des historiens de l’art. Mais le goût prononcé des architectes d’aujourd’hui pour ce mode de promotion et de reconnais- sance a contribué à réorienter les historiens du passé vers ces ouvrages qui ne faisaient jusqu’alors qu’accompagner leurs études. La diffusion et l’édition des textes liés à l’architecture partagent cependant de nombreuses questions avec celles des traités consacrés aux arts figuratifs. Le rapport que les historiens de l’art et de l’archi­tecture entretiennent avec la philologie, en leur qualité d’usagers, n’est pas résolu. Si la plupart de ces travaux actuels traitent de textes déjà publiés dont l’établissement n’est pas mis en question, la finalité de ces travaux est loin de faire aujourd’hui consensus. Fournit-on un texte neutre (le reprint devrait alors suffire à la tâche) ou propose-t-on une nouvelle lecture du texte et des thèmes dont il traite ? Et surtout, la critique ­externe Les livres d’architecture : leurs éditions de la Renaissance à nos jours Points de vue d’Antonio Becchi, Mario Carpo, Pierre Caye, Claude Mignot, Werner Oechslin, avec Pascal Dubourg Glatigny Chercheur invité au Max-Planck- Institut (Berlin), Antonio Becchi travaille depuis 1992 sur le projet Between Mechanics and Archi- tecture ; il a fondé la Bibliotheca mechanico-architectonica. Pierre Caye, directeur de recherche au CNRS, a étudié Vitruve et le vitruvianisme. Il dirige au CNRS le GDR sur « les savoirs artistiques et les traités d’art de la Renaissance aux Lumières ». Enseignant à l’École d’architecture de Paris-La Villette, Mario Carpo a été responsable du centre d’études du CCA entre 2002 et 2005. Ses recherches se concentrent sur les relations entre la théorie de l’archi- tecture et l’histoire des médias. Pascal Dubourg Glatigny est chargé de recherche CNRS au Centre Marc-Bloch (Berlin). Il a publié une traduction des Deux règles de la perspective pratique de Vignole d’Egnatio Danti (2003) et a dirigé Réduire en art, la techno-logie de la Renaissance aux Lumières (2008). Claude Mignot, professeur à l’université de Paris IV-Sorbonne, a publié une réédition commentée de Manière de bâtir pour toutes sortes de personnes par Pierre Le Muet, Paris, 1623 (1981). Théoricien et historien de l’architec- ture, Werner Oechslin a enseigné au MIT, puis à l’école polytechni- que de Zurich, où, de 1986 à 2006, il a dirigé le GTA. Il étudie plus particulièrement les liens entre les théories historiques et leur écho dans la production contemporaine. période m oderne 190 DéBAT PERSPECTIVE 2008 - 2 doit-elle nourrir la connaissance du texte lui-même ou celui-ci éclairer les autres témoignages de l’histoire, en particulier matériels ? La publi- cation d’écrits inédits étant assez minoritaire dans ce panorama, la question des ­diverses pratiques ecdotiques 1 est souvent absente du débat, mais les différents choix de traduction de textes anciens dans une langue nécessairement contemporaine sont au cœur de cette tourmente. Pour certains, la traduction, simple adjuvant, n’est pas nécessaire, alors que pour d’autres elle reste un instrument d’appropriation intellectuelle indépassable car global. L’édition numérique, lorsqu’elle est pourvue de combinatoires permettant d’entrer dans la critique interne du texte, voudrait résoudre ces choix difficiles en proposant une multitude de ­ niveaux d’entrée. Mais la définition des champs et des liaisons opéra- toires du logiciel ne constitue-elle pas déjà une proposition herméneu- tique ? Les limites, thématiques et quantitatives, des documents externes alors convoqués ne forment-elles pas les contours d’une lecture guidée ? [Pascal Dubourg Galtigny] Pascal Dubourg Glatigny. Comme le montre le débat précédent, l’intérêt des historiens de l’art figuratif pour les textes est relativement récent et s’est considérablement accru ces vingt dernières années, avec les multiples rééditions du manuel de Julius von Schlosser sur la littérature artistique (Vienne, 1924), mais l’histoire de l’architecture a toujours publié et commenté les éditions anciennes. Cela est en partie dû au rôle central qu’a joué la théorie des ordres dans la structuration de la discipline qu’est l’histoire de l’architecture. Comment évaluez-vous l’extension thématique du champ de publication des traités liés à l’architec- ture ces vingt dernières années ? En d’autres mots, de quelle manière avons-nous progressé depuis le tableau très large dépeint par Angelo Comolli dans les quatre volumes de sa ­Bibliografia storico-critica dell’architettura civile ed arti subalterne (fig. 1a-b) 2 ? 1. Angelo Comolli, Bibliografia storico-critica dell’architettura civile ed arti subalterne, Rome, 1788, vol. 1 : a. tableau synoptique ; b. p. 81 : Dizionari : Grapaldi, De partibus ædium, 1516. Textes et éditions : les livres d’architecture débat PERSPECTIVE 2008 - 2 191 Claude Mignot. La théorie des ordres est effective- ment l’un des champs privilégiés pour la tratattistica architecturale, mais le livre touche tous les secteurs de l’art de bâtir, de la stéréotomie et de l’art du char- pentier aux ornements sculptés en passant par les modèles distributifs, et cela dès le xvi e siècle, où ­ Sebastiano Serlio, Jacques Androuet Du Cerceau et Philibert ­Delorme déclinent tous les types de livres d’architecture possibles 3. L’importance des livres dans le processus de création architecturale est en effet co- essentielle à la formation de la culture architecturale moderne. La lecture, la traduction, le commentaire et l’illustration du De architectura de Vitruve d’une part, le relevé graphique des monuments antiques et leur analyse d’autre part, installent un nouvel habitus, et toute la littérature architecturale part de ce noyau ini- tial, en un arbre spectaculaire où Vitruve remplace Jessé. Un siècle et demi après l’impression des deux premiers livres d’architecture (De re ædificatoria par Leon Battista Alberti, Florence, 1485 ; De architectura libri decem par Vitruve, Rome [?], 1486 [?]), le nombre des livres est tel qu’aucun architecte ne peut plus les rassembler dans son cabinet. La bibliographie historique et critique d’Angelo Comolli est très intéressante : en offrant un tableau très large, trop large sans doute, non seulement de l’architecture, mais aussi des « arts qui en dépendent » [arti subalterne], elle s’affronte à la difficulté de définir les limites du champ architectural, mais conduit à une bibliothèque idéale assez confuse. Aussi, à mon sens, la première bibliographie moderne d’architecture est-elle celle que Louis Savot a publiée à la fin de son Architecture française des bâtiments particuliers (Paris, 1624 ; rééd., 1673 et 1685 avec des notes par François Blondel ; fig. 2) : « Déclaration des principaux auteurs, qui ont écrit non seulement de toutes les parties de l’architecture, mais encore de quelques unes d’icelles », où Savot recense environ quatre-vingts ouvrages. Si les architectes et les historiens de l’architecture ont toujours réédité et com- menté les traités anciens (voir la Bibliothèque portative d’architecture publiée par Jombert en 2 volumes, 1764-1766), l’intérêt n’a longtemps porté que sur les traités- phares, de Vitruve et Alberti (fig. 3a-b) à Palladio, de Delorme à Ledoux, même si les reprints de Gregg Press (à partir de 1964) et surtout les microfiches publiées par Hachette offraient déjà un panel très conséquent, tandis que les éditions Il Polifilo, à Milan, constituaient à partir de 1966 une superbe collection d’éditions critiques (fig. 4a-b), dont le modèle n’a pas été suivi par les uploads/Litterature/ perspective-3396 1 .pdf

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