Phénoménologie de l'attention selon Husserl : 2/ la dynamique de l'éveil de l'a
Phénoménologie de l'attention selon Husserl : 2/ la dynamique de l'éveil de l'attention. Pierre Vermersch J'ai déjà abordé le thème de l'analyse phénoménologique de l'attention dans ce bulletin (Vermersch 1998) et nous avons eu l'occasion dans l'atelier du séminaire d'été 1997 de travailler sur l'explicitation de l'attention. En continuant l'exploration des textes d'Husserl, dans le cadre du séminaire de pratique phénoménologique que j'anime depuis trois ans en collaboration avec Natalie Depraz et Francisco Varela, je me suis rendu compte que ce sur quoi nous avions travaillé était de l'ordre d'une description statique. Ainsi les textes de base qui présentent d'une part la différence entre le "remarquer" et "le prendre pour thème" (Husserl 1995) en particulier le § 4 et l'analyse de la corrélation entre acte (noèse) et contenu (noème) (Husserl 1950) en particulier le célèbre §92, contiennent la description des différentes formes d'attention, mais pas d'analyse micro-génétique de l'apparition d'un nouveau regard tourner-vers, pas de dynamique de la manière dont un objet de la perception auquel je ne prêtais pas attention jusque là vient sous mon regard. L'objet de ce second article est précisément de décrire et modéliser cette dynamique de l'éveil de l'attention. Il va s'appuyer sur le livre d'Husserl qui est tourné vers la modélisation de ce moment de passage : Expérience et Jugement, et tout particulièrement dans le premier chapitre de la première section le § 17(Husserl 1991). Mon but n'est pas de nous faire rentrer dans toute la complexité de la phénoménologie husserlienne, ni de nous transformer en philosophes phénoménologues. Ma direction de travail est plus méthodologique : comment pouvons-nous expliciter un objet d'étude aussi fin et délicat à saisir que l'attention ? D'une certaine manière, nous l'avons vu cet été avec le thème de recherche du "Sentiment intellectuel", il ne suffit pas d'avoir une méthode de production et de recueil de verbalisation pour cerner un objet de recherche. Il ne suffit pas de savoir mener un entretien, fut-il d'explicitation, ni de savoir opérer une description, pour parvenir à produire des données intéressantes qui font avancer l'intelligibilité du monde intérieur. Pour atteindre un tel objectif, il faut disposer d'un modèle hypothétique de ce que l'on veut étudier, qui permet de générer de nouvelles questions. Il faut pouvoir orienter son regard dans la bonne direction pour apercevoir des propriétés qui sont là devant nous, mais qui ne se révèlent que si on a l'idée de les questionner. (Ce que je dis là n'est pas mystérieux, je l'ai développé dans mon intervention au GREX sur "Pourquoi est-il si difficile de décrire son propre vécu". Si vous allez dans un jardin, vous ne verrez, et ne pourrez décrire qu'à la hauteur de vos compétences de botanistes ou de jardinier. Et cela n'est pas passif, cela suppose regarder certaines plantes en "changeant la direction de son regard", certains détails n'apparaissent que si l'on sait, par exemple, aller se mettre sous les feuilles parce que c'est là où on peut voir s'il y a des parasites.) La première partie présente le modèle de l'éveil de l'attention tel qu'Husserl l'a développé. Elle est précédée d'une introduction générale au livre "Expérience et jugement". Mon objectif de lecture du § 17 est d'identifier les énoncés qui peuvent se prêter à une mise en forme expérientielle que nous pourrions nous-mêmes accomplir pour vérifier si nos descriptions concordent ou pas avec celles de l'auteur. Dans la seconde partie, je pars d'une expérience accomplie pour produire une première description très synthétique. Cette description sera développée et analysée pas à pas pour essayer de voir ce qui recoupe le modèle husserlien. La proposition d’expérience est basée sur l’extrait suivant du § 17 : 4.4 Le Je ne s'abandonne pas nécessairement tout entier à une stimulation puissante: il peut l'admettre selon une intensité variable.4.6 On ne fait pas attention à une stimulation puissante si l'on est en conversation avec une personne "importante", et même si l'on en subit une contrainte momentanée, il se peut que ce ne soit qu'une orientation secondaire, marginale, un être-emporté, un raptus strictement momentané ne s'accompagnant pas d'une attention "détaillée". Selon ce texte, on peut être occupé attentivement à un thème particulier qui nous motive et en même temps tourner notre attention –sans la fixer– vers des éléments n’appartenant pas au thème, qui se détachent de manière transitoire ou en tous les cas apparaissent en plus dans notre champ d’attention. Dans notre cas, le thème principal sera le fait de porter attention à ce que l’un de nous dit, tout en essayant de saisir comment nous apercevons au passage des éléments sensibles, émotionnels, intellectuels qui peuvent se détacher dans le champ d’attention. En sommes-nous conscient ? Pouvons-nous le rendre conscientisable ? Sommes-nous capables de repérer le mouvement d’accès à la conscience ? Que se passe-t-il quand un élément passe ainsi au premier plan ? On l'aura compris cet article essaie de poser des questions de méthodes : comment à partir d'une description phénoménologique peut-on réactiver les conclusions en reprenant soi-même les situations d'expérience qui lui servent de support. Comment expliciter l'avènement d'une distraction sur le fond d'une attention maintenue ? Introduction à la lecture du § 17 d’ “ Expérience et jugement ”. Pour comprendre ce paragraphe 17 “ L'affection et l'orientation-vers du Je. La réceptivité comme degré inférieur de l'activité du Je ”, il faut le considérer comme un des épisodes d’un feuilleton complexe, dont il faut rappeler l’intrigue et résumer les épisodes précédents pour le rendre intelligible. Mais pour éviter les plus gros malentendus, je rappelle que les termes "affection", "affecter" sont pris dans le sens technique philosophique de ce qui affecte, qui a donc un effet sur le sujet, et non pas dans le sens plus courant d'être émotionnellement touché. Ensuite, le rapport avec le thème de l'attention est immédiatement présent dans la question du "s'orienter-vers" c'est-à-dire du tout début de prise en compte d'un élément qui ne l'était pas encore.(cf. § 13, p 70 “ Partout où il est question d’attention, une telle activité de degré inférieur est sous-jacente ”.) Le projet du livre et ses origines : la généalogie de la logique. Si je commence par situer le contexte le plus général, ce paragraphe est situé dans un livre tardif d’Husserl “ Expérience et jugement ” édité en 1938, dont il a délégué l’édition –basée sur ses manuscrits– à l’un des assistants : Landgrebe, tout en suivant jusqu’au bout le résultat. C’est cette collaboration éditoriale qui fait que nous avons là sans doute le livre le mieux structuré et le plus intelligible de toute l’œuvre d’Husserl ! Mais en même temps les puristes sont prêts à considérer cet ouvrage comme n’étant pas de l’auteur, et n’hésite pas à le mettre à part dans les bibliographies. Ce livre a pour but d’établir la généalogie de la logique : comment les opérations logiques les plus élaborées (la généralisation par exemple dans la troisième section finale) sont fondées sur l’expérience la plus élémentaire : l’expérience anté-prédicative (titre général de la première section) c’est-à-dire l’expérience avant toute conscience réfléchie, avant toute possibilité de mise en mots. On a ainsi une généalogie, au sens particulier d’une micro genèse, d’une explicitation de la constitution de tout acte complexe, constitution présente dans l’effectuation de tout acte et donc toujours disponible à nouveau pour une description et une analyse, pour autant que l’on puisse accéder aux couches les plus originaires. En complément de cette idée de genèse, on a donc l’idée d’originaire, d’originarité, et donc de fondement, de la détermination de sur quoi se fonde par généalogie les activités logiques intermédiaires (le jugement et la prédication) jusqu’aux activités les plus complexes qui fonde l’activité rationnelle et scientifique. Le projet est donc extrêmement ambitieux et appartient bien au style de l’époque préoccupée de problèmes de fondation. D’une certaine manière, il reste dans la continuité des recherches initiales de l’auteur, puisque la recherche de la fondation de l’analyse mathématique l’avait d’abord conduit (sous l’influence de Weierstrass) vers le nombre, puis de là vers la couche antérieure, donc vers la question de la fondation du nombre, l’instrument de la réponse étant non plus les mathématiques mais la philosophie, et donc comme je l’ai présenté dans mon texte relatif à la formation intellectuelle d’Husserl, vers la philosophie comme psychologie descriptive. Enfin, en deçà de la fondation du nombre, une autre couche est apparue plus fondamentale : c'est-à-dire la logique –entendue non pas comme une technique de calcul symbolique, mais comme la presque ultime couche transcendantale– une logique pure ou transcendantale. Husserl est donc resté depuis le début dans une recherche de fondation et ce livre “ Expérience et jugement ”, de concert avec les “ Essais sur la synthèse passive ” et “ Logique formelle et transcendantale ” peuvent être considéré comme l’aboutissement ou le dernier état de la tentative fondationnelle d’Husserl. Comme dans tout projet génétique ou généalogique trois difficultés vont apparaître : la première concerne le point d’origine, la couche la plus originaire qui plus on s’en approche plus elle devient difficile à saisir, et actuellement nous avons la compétition uploads/Litterature/ phenomenologie-de-l-x27-attention-selon-husserl 1 .pdf
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- Publié le Jul 23, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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