PIERRE M I C H E L LES ARTICLES D’OCTAVE MIRBEAU Société Octave Mirbeau Angers
PIERRE M I C H E L LES ARTICLES D’OCTAVE MIRBEAU Société Octave Mirbeau Angers – 2009 INTRODUCTION MIRBEAU JOURNALISTE Avant d’accéder tardivement à la gloire littéraire, comme romancier et dramaturge à succès à l’échelle de l’Europe, Octave Mirbeau a été un journaliste professionnel, et il l’est resté toute sa vie. Il n’avait pourtant aucune illusion sur la presse de son temps, dont il n’a cessé de dénoncer vigoureusement le mercantilisme et la fonction d’abêtissement qui lui était dévolue, quand ce n’était pas carrément une presse de chantage1. Mais, avant qu’il ne connaisse de rémunérateurs triomphes littéraires, c’était son seul gagne-pain, et, quel qu’ait été son dégoût, force lui a été, pendant une douzaine d’années, de vendre sa plume et de se plier aux diktats de ses employeurs successifs2, avant de parvenir, peu à peu, à établir un rapport de forces plus favorable et de leur imposer à son tour ses conditions. Par la suite, lorsqu’il entame sa rédemption par la plume, après le grand tournant de 1884-1885, il tente de faire des journaux auxquels il collabore, malgré qu’ils en aient, des armes efficaces, dans les grands combats pour la Vérité et la Justice dans lesquels, nouveau Don Quichotte3, il se lance intrépidement, et des instruments de conscientisation d’un lectorat anesthésié, au service de ses idéaux éthiques et esthétiques. Sans cesser d’être aussi alimentaire, puisque, jusqu’en 1900, elle est sa principale source de revenus, sa collaboration aux grands journaux — Le Gaulois, Le Figaro, La France, L’Événement, Le Matin, le Gil Blas, L’Écho de Paris, Le Journal, L’Aurore, L’Humanité et Paris-Journal — lui permet désormais d’espérer mener à bien sa grande mission : démasquer les gloires et respects usurpés, dénoncer les « honnêtetés coupables » et les « bosses morales » des dominants, démystifier les institutions bourgeoises oppressives et aliénantes, ouvrir les yeux de ses contemporains et les obliger à « regarder Méduse en face ». 1 Trois de ses articles sont précisément ntitulés « Le Chantage ». Sur sa critique de la presse, voir notamment « Le Journalisme » (http://www.scribd.com/doc/2238901/Octave-Mirbeau-Le-Journalisme-), « Le Journalisme français » (http://www.scribd.com/doc/2343265/Octave-Mirbeau-Le-Journalisme-francais-), « La Police et la presse » (http://www.scribd.com/doc/2341361/Octave-Mirbeau-La-Police-et-la-presse-) et la préface de Tout yeux, tout oreilles (http://www.scribd.com/doc/11348624/Octave-Mirbeau-Preface-de-Tout-yeux-tout- oreilles-de-Jules-Huret). 2 Mirbeau écrit, dans Les Grimaces du 29 septembre 1883 : « Le journaliste se vend à qui le paie ; il est devenu machine à louange et à éreintement comme la fille publique machine à plaisir ; il bat son quart, dans se colonnes étroites – son trottoir – accablant de caresses et de gentils propos ceux qui veulent bien monter avec lui, insultant ceux qui passent indifférents à ses appels, insensibles à ses provocations. » 3 Voir son article dédié « À Don Quichotte » (http://www.scribd.com/doc/2315340/Octave-Mirbeau-A- Don-Quichotte-). 2 Il est donc important de mieux connaître la masse des articles qu’il a rédigés au cours de sa carrière journalistique, qui ‘est étendue sur quatre décennies. Un premier recensement de quelque 1 200 articles a été effectué par Jean-François Nivet à l’occasion de sa thèse, soutenue en 1987, sur Mirbeau journaliste. Depuis ce premier dépouillement systématique4, quelque 150 nouveaux articles signés Mirbeau ont été découverts, ainsi que des centaines d’autres, parus sous diverses signatures, ou non signés : il est donc grand temps de faire le point et de procéder à un indispensable aggiornamento. Mais tout de suite se pose le problème de ces collaborations masquées, si fréquentes dans la presse de l’époque, où l’anonymat et le recours aux pseudonymes permettaient, non seulement de cacher la maigreur des effectifs de la plupart des petits journaux qui pullulaient partout en France, mais aussi de camoufler l’identité de rédacteurs d’articles pas toujours gratifiants ni honorables commandés par la direction du journal : l’écriture masquée a ceci de bon qu’elle épargne aux « prolétaires de lettres », selon la forte expression de Mirbeau5, certaines avanies publiques quand ils sont chargés de basses besognes par leurs seigneurs et maîtres6. Elle autorise aussi – et Mirbeau ne s’en est pas privé – des fantaisies et des expériences littéraires sans courir le risque d’être identifié. Et puis, pour un journaliste aussi connu et aussi politiquement incorrect que le père de l’abbé Jules, elle peut, à l’occasion, être un moyen de toucher un lectorat rétif, qui pourrait bien être tenté de boycotter des articles signés d’un nom sentant un peu trop le soufre aux naseaux des misonéistes de tout poil. En ce qui concerne Mirbeau, précisément, les pseudonymes sont nombreux et divers — et encore est-il plausible que plusieurs d’entre eux n’aient pas été identifiés à ce jour. Gardéniac est le signataire des Petits poèmes parisiens de 1882 ; Auguste celui de la rubrique théâtrale des Grimaces, en 1883 ; Henry Lys est le pseudonyme adopté en juin 1884, en guise d’allégeance au néo-monarchiste Arthur Meyer, quand, de retour de son exil breton, il fait timidement sa rentrée au Gaulois ; Montrevêche et un diablotin aux pieds fourchus7 signent les chroniques de L’Événement, en 1884-1885, cependant que, sous son vrai nom, Mirbeau, endetté jusqu’au cou après sept mois d’abstinence, chronique d’abondance dans les colonnes de La France et du Gaulois ; les deux séries de Lettres de l’Inde, qui paraissent, en 1885, dans Le Gaulois et Le Journal des débats, sont signées respectivement Nirvana et N., histoire de déguiser une mystification littéraire de la plus belle eau8 ; à l’automne 1892, lorsqu’est fondé 4 À vrai dire, Gérard de Lacaze-Duthiers, auteur de plusieurs articles sur les articles de Mirbeau, avait entrepris ce dépouillement au lendemain de l’affaire Dreyfus, mais, à l’en croire, son travail a été perdu, et en tout cas il n’en reste aucune trace. 5 Dans Les Grimaces du 15 décembre 1883 (http://www.scribd.com/doc/10761859/Octave-Mirbeau-Le- Theatre-). 6 Mais, en revanche, Mirbeau a bel et bien signé ses consternants articles antisémitiques des Grimaces, en 1883, et il en a conçu un lancinant sentiment de culpabilité. Il fera son auto-critique à deux reprises : dans « Les Monach et les juifs », le 14 janvier 1885 (http://www.scribd.com/doc/2239156/Octave-Mirbeau-Les-Monach-et- les-Juifs-), et surtout dans « Palinodies », le 15 novembre 1898 (http://fr.wikisource.org/wiki/Palinodies). . 7 Voir notre édition des Chroniques du Diable, Annales littéraire de l’université de Besançon, 1995. 8 Mirbeau n’a en effet jamais mis les pieds en Inde et se contente de mettre en forme littéraire les rapports envoyés par son ami François Deloncle à Jules Ferry, alors président du Conseil. Voir notre préface aux Lettres de l’Inde, L’Échoppe, Caen, 1991 (http://www.scribd.com/doc/8107478/Pierre-Michel-et-JF-Nivet-preface-des- 3 Le Journal, Mirbeau y collabore d’abord sous le pseudonyme de Jean Maure, alors qu’il est encore sous contrat d’exclusivité avec L’Écho de Paris, dont la rédaction, qui a tôt fait de le subodorer sous son masque, s’inquiète de son départ prochain ; en 1896 et 1897, enfin, Mirbeau signe Jacques Celte quelques notes de pseudo-voyage et Jean Salt sept fantaisies9, qui paraissent dans Le Journal. Quant aux « Salons » de 1874, 1875 et 1876, parus dans L’Ordre de Paris, ils ont été rédigés comme “nègre” pour le compte d’un fruit sec, un journaliste politique du nom d’Émile Hervet – qui signe R. V. ceux de 1874 –, et c’est avec eux que commence pour Mirbeau une longue période de négritude d’une douzaine d’années10, qu’il évoquera avec amertume en 1882, par le truchement de son double, Jacques Sorel, dans un des premiers contes signés de son nom, « Un raté »11. Comme ces divers pseudonymes sont attestés par des témoignages externes et/ou des preuves internes, ils ne sont pas problématiques pour notre recension, bien qu’on ne puisse exclure que, selon une pratique courante, d’autres journalistes aient pu, exceptionnellement, les utiliser aussi12. Mais rappelons-nous qu’il en est allé de même de la signature d’Octave Mirbeau lui-même, qui n’est donc pas davantage en soi une garantie absolue d’authenticité, et ce à deux reprises au moins13 : quand Camille Mauclair l’a utilisée, avec son aval, pour faire passer son article sur Pelléas et Mélisande (http://www.scribd.com/doc/8404659/Octave- Mirbeau-Pelleas-et-Melisande-) et lui donner ainsi plus d’impact et d’autorité ; et, ce qui est infiniment plus scandaleux et beaucoup moins avouable, quand, en février 1917, le renégat Gustave Hervé a rédigé, pour le compte de la veuve abusive du grand écrivain, le prétendu « Testament politique d’Octave Mirbeau », qui n’était plus là pour protester véhémentement contre les sidérants propos posthumes qu’on lui prêtait14. En revanche, plus délicats à interpréter sont les innombrables éditoriaux anonymes de L’Ordre de Paris, de 1873 à 1876, et les chroniques d’ethnographie parisienne du Gaulois intitulées La Journée parisienne et signées Tout-Paris15, qui ont paru de l’automne 1879 à Lettres-de-lInde-dOctave-Mirbeau). 9 Voir notre article « Octave Mirbeau – Jean Salt », http://membres.lycos.fr/fabiensolda/darticles %20francais/PM-OM%20Jean%20Salt.pdf. 10 Voir notre article « Quelques réflexions sur la négritude », http://www.scribd.com/doc/2363537/Pierre- Michel-Quelques-reflexions-sur-la-negritude-. 11 Voir « Un raté », http://www.scribd.com/doc/8419113/Octave-Mirbeau-Un-rate-. 12 C’est à coup sûr le cas de l’avant-dernière rubrique signée Auguste, que je n’ai donc pas insérée dans la liste qui suit. 13 Il faudrait ajouter la préface de Goha le simple (http://www.scribd.com/doc/2348538/Octave-Mirbeau- Preface-de-Goha-le-Simple-roman-dAlbert-Ades-et-Albert-Josipovici), rédigée à une époque où Mirbeau est totalement incapable d’écrire, et qui est sans doute l’œuvre de Francis uploads/Litterature/ pierre-michel-quot-les-articles-d-x27-octave-mirbeau-quot.pdf
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- Publié le Jul 11, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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