Poésie : 1935-1965 : quel engagement ? Aragon/Eluard; Jouve; Frénaud, Ponge, Ta
Poésie : 1935-1965 : quel engagement ? Aragon/Eluard; Jouve; Frénaud, Ponge, Tardieu, Queneau Grande figure : René Char Introduction : Bien que la poésie ait peut-être souffert de la puissante diffusion du roman et de l'élargisement de son domaine, le XXème siècle apparaît comme une grande époque poétique. Non seulement la poésie « continue » malgré le désordre du monde, mais à partir d'Apolinaire et des surréalistes, elle développe une audace et une originalité effective. En effet, la seconde guerre mondiale, de la captivité, de l'Occupation et de la Résistance provoque une véritable relance poétique. Dès 1940, des noyaux de ferveur poétique se constituent et les revues se multiplient, citons à Marseille : Les Cahiers du Sud; à Lyon et à Saint-Etienne : Confluences et Positions. Il faut également parler de l'oeuvre importante accomplie en Suisse par Les Cahiers du Rhône, fondés par Albert Béguin, spécialiste de la poétique moderne connu pour ses études sur Gérard de Nerval. Ces revues proposent d'incarner une véritable « résistance spirituelle » et font alors une véritable place à la poésie, seul langage capable d'affirmer encore, symboliquement la liberté. C'est que la poésie s'affirme alors comme une expérience de la liberté, dans le démenti vivant d'évènements historiques intolérables. Engagée, elle l'est le plus souvent, dans la mesure où elle prend appui sur cette histoire même et sur la protestation qu'elle suscite. Elle peut également tenter de remonter aux sources en faisant revivre les grands mythes ou donner une nouvelle fraîcheur au lyrisme de la nature ou de l'amour. Certes, cette poésie de la Résistance peut paraître un épisode superficiel. Il est né beaucoup de poètes, et il en a peu survécu. Mais l'inspiration avait traversé une expérience humaine qui, jointe à l'héritage des années 1920-1940, explique certains aspects parmi les plus importants de la poésie contemporaine. Aragon : (1897-1982) Fils illégitime d’un haut fonctionnaire de la IIIe République, élevé dans la gêne financière d’une bourgeoisie déclassée, Louis Aragon est reçu bachelier en 1915, puis entreprend des études de médecine et fait la connaissance d’André Breton, avec qui il se lie d’amitié. Mobilisé en 1917, il retrouve son ami pendant et après la guerre et participe avec lui et Philippe Soupault à la création de la revue Littérature (1919). L’année suivante, il publie un premier recueil de poèmes (Feu de joie), puis, après avoir pris part à quelques manifestations de Dada, s’engage dans des recherches littéraires qui vont aboutir au surréalisme, rédigeant successivement un texte ironique présenté sous la forme d’un roman d'apprentissage (Anicet ou le Panorama, 1921), un pastiche du roman didactique de Fénelon (les Aventures de Télémaque, 1922), composé en partie selon le principe de l’écriture automatique, et un recueil de nouvelles (le Libertinage, 1924). L’année même où paraît le premier Manifeste du surréalisme de Breton, Aragon expose sa propre conception du surréalisme dans un texte théorique (Une vague de rêves, 1924), prônant le « merveilleux quotidien », issu de la rencontre de l’imaginaire avec le réel, et se révélant spécialement attentif au problème de la description littéraire, développé peu de temps après dans un roman (le Paysan de Paris, 1926). En 1927, Aragon adhère au Parti communiste, avec notamment Breton. Cette adhésion marque pour lui le premier pas en direction d'un engagement profond, qui le conduit à rompre avec le surréalisme et avec Breton en 1932. Le Traité du style (1928) porte déjà les indices d’un doute qui ira croissant sur la capacité du mouvement à se renouveler. La rencontre, en 1928, du poète avec l’écrivain d’origine russe Elsa Triolet est à cet égard déterminante ; elle l’amène à se mettre au service de la révolution, renforce son orientation esthétique vers le réalisme et contribue à l’éloigner de Breton. Alors que le Roman inachevé (1956) est un recueil de poèmes d’inspiration autobiographique où se lit un retour à certains traits de la poétique surréaliste, le Fou d’Elsa (1963) et Il ne m’est Paris que d’Elsa (1964) s’inscrivent dans la continuité du thème de la célébration de la femme, inauguré dans les poèmes engagés de la Résistance. son œuvre se nourrit désormais d’une interrogation sur la création artistique et sur la conscience (la Mise à mort, 1965 ; Blanche ou l’Oubli, 1967 et Théâtre / Roman, 1974). Correspondant à la fois à un désir de communication sincère et à un goût prononcé pour le masque et les énigmes, la diversité de sa création témoigne de la passion d’Aragon pour l’exploration de l’inconnu, qui l’a amené, finalement, à assimiler l’écriture à une quête de soi. Les Œuvres romanesques croisées d’Elsa Triolet et d’Aragon ont paru en quarante-deux volumes de 1964 à 1974. – Le Fou d’Elsa fait écho aux images du Cantique des cantiques, et son projet peut être mis en regard de celui de la Légende des siècles, de Hugo ; la marque du modèle romantique est présente dans l’inscription d’un rapport d’intertextualité avec Chateaubriand (Aventures du dernier Abencérage) ou Barrès, mais il permet surtout de voir apparaître la conception de l’histoire d’Aragon. – Aragon : principales œuvres ANNÉE TITRE GENRE 1920 Feu de joie recueil de poèmes 1921 Anicet ou le Panorama roman 1922 Les Aventures de Télémaque roman 1924 Une vague de rêve essai 1924 Le Libertinage recueil de récits et de pièces de théâtre 1926 Le Paysan de Paris roman 1928 Traité du style essai 1934 Les Cloches de Bâle1 roman 1934 Hourra l’Oural recueil de poèmes 1936 Les Beaux Quartiers1 roman 1941 Le Crève-Cœur recueil de poèmes 1942 Les Yeux d’Elsa recueil de poèmes 1942 Les Voyageurs de l’impériale1 roman 1943 Le Musée Grévin poème 1944 Aurélien1 roman 1945 La Diane française2 recueil de poèmes 1949 Les Communistes3 roman 1956 Le Roman inachevé recueil de poèmes 1958 La Semaine sainte roman 1959 Elsa poème 1963 Le Fou d’Elsa poème 1965 La Mise à mort roman 1967 Blanche ou l’Oubli roman 1974 Théâtre/Roman roman 1980 Le Mentir-vrai recueil de nouvelles 1 Fait partie du cycle intitulé le Monde réel. 2 Plusieurs textes réunis dans ce recueil ont été diffusés clandestinement durant l’Occupation, en particulier dans l’anthologie des « poètes de la Résistance » intitulée l’Honneur des poètes, publiée par les Éditions de Minuit le 14 juillet 1943. 3 Ouvrage intégralement réécrit en 1951, fait partie du cycle intitulé le Monde réel Extrait du poème intitulé « Les Poètes » Eluard : (1895-1952) Paul Eugène Grindel, dit Paul Éluard, voit le jour à Saint-Denis, dans la banlieue parisienne. Obligé d’interrompre ses études pour rétablir une santé gravement menacée par la tuberculose (1912), il est néanmoins mobilisé en 1914, au tout début de la Première Guerre mondiale : il devient alors infirmier militaire. Si les premiers poèmes d’Éluard sont encore influencés par la littérature de Jules Romains, ils révèlent surtout les sentiments d’horreur et de pitié qu’ont pu inspirer à un poète désormais en quête de pacifisme les spectacles quotidiens de la guerre (le Devoir et l’Inquiétude, 1917 ; Poèmes pour la paix, 1918). Remarqué par Jean Paulhan, futur directeur de la NRF, Éluard est présenté par son intermédiaire à Benjamin Péret, puis à André Breton, à Louis Aragon et à Philippe Soupault. Il lie ensuite connaissance avec Tristan Tzara, René Magritte, mais aussi Man Ray et Joan Miró. Il participe dans un premier temps au mouvement Dada (les Animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux, 1920 ; les Nécessités de la vie et les conséquences des rêves, 1921). En 1919, il entre dans le groupe réuni autour de la revue Littérature, puis se lance dans l’aventure surréaliste. Il écrit ainsi Mourir de ne pas mourir qui paraît la même année que le Manifeste du surréalisme d’André Breton (1924). Éluard s’engage sans réserve dans les activités du groupe surréaliste et sur la voie de l’expérimentation littéraire. Avec Benjamin Péret, il compose 152 Proverbes mis au goût du jour (1925). Durant l’année 1930, il écrit Ralentir travaux, en collaboration avec René Char et André Breton, puis rédige avec ce dernier l’Immaculée Conception. Son adhésion au groupe ne l’empêche cependant jamais d’affirmer son goût et son respect pour la poésie du passé — à laquelle il dédie plusieurs anthologies (Première Anthologie vivante de la poésie du passé, 1951) —, ni de défendre son esthétique propre, marquée par une grande clarté et une grande simplicité d’expression, mais aussi par un classicisme — parfaitement assumé — sur le plan formel. Pour Éluard, le poème d’amour n’est ni un exercice de style ni un simple hommage amoureux ; il est une célébration du rôle intercesseur de la Femme, cet être qui constitue pour le poète un lien entre le monde et l’univers poétique : son inspiratrice. Choqué par le massacre de Guernica en 1937, il prend position en faveur de l’Espagne républicaine (« la Victoire de Guernica », Cours naturel, 1938), puis s’engage dans la Résistance. Membre d’un réseau clandestin, animateur du Comité national des écrivains (CNE), il fait de la poésie l’instrument d’un combat contre la barbarie en publiant plusieurs ouvrages dans la clandestinité. Tout d’abord Poésie et Vérité (1942), qui comprend le célèbre uploads/Litterature/ poesie-quel-engagement.pdf
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- Publié le Sep 04, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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