Pratiques : linguistique, littérature, didactique Les typologies textuelles And
Pratiques : linguistique, littérature, didactique Les typologies textuelles André Petitjean Citer ce document / Cite this document : Petitjean André. Les typologies textuelles. In: Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°62, 1989. Classer les textes. pp. 86-125; doi : https://doi.org/10.3406/prati.1989.1510 https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_1989_num_62_1_1510 Fichier pdf généré le 13/07/2018 PRATIQUES n° 62, Juin 1989 LES TYPOLOGIES TEXTUELLES André PETITJEAN INTRODUCTION « Types de textes », « types de discours », « types d'écrits », « types de messages », « types de livres »... les références à la classification textuelle se multiplient aujourd'hui dans les ouvrages didactiques (instructions officielles, manuels, revues, livres...) mais non sans hésitations terminologiques comme en témoignent quelques citations extraites d'un même ouvrage (1) : Pour Daniel Bain, page 68, il s'agit d'aider le maître « à mettre en évidence, pour la compréhension et l'interprétation, les marques caractéristiques d'un type de discours, d'une intention énonciative, etc. » (souligné par moi). « Les divers types de messages ne se trouvent pas réunis dans toutes les classes et ne donnent pas lieu aux mêmes traitements pédagogiques » écrivent Françoise Sublet et Monique Yziquel, p. 75 (souligné par moi). « Les trois types d'écrits ont été choisis à partir de questionnaires aux enfants » écrit Régine Legrand-Gelber, p. 125 (souligné par moi). Claudine Garcia-Debanc et Maurice Mas parlent des « études linguistiques sur une typologie des textes et le fonctionnement des différents types de textes », p. 136 (souligné par moi). Au niveau des Instructions Officielles, la situation est assez semblable, avec des différences cependant selon les cycles (je me suis limité à l'élémentaire et au collège). A l'école primaire (2), la référence à un principe de classification des textes apparaît à plusieurs reprises mais de façon trop implicite et confuse. C'est ainsi que p. 25 on conseille aux maîtres de recourir « aux meilleures œuvres accessibles à la jeunesse, dans un but d'initiation à la qualité littéraire» sans que soient explicités les critères, fonctionnels ou essentialistes, qui permettent de discriminer parmi les textes ceux qui sont « littéraires ». Confusion, car il est fait référence, tour à tour sous les dénominations de texte, discours, et genre, en fait à un même type textuel : le récit. C'est ainsi que page 31, il est demandé de construire de « courts textes pour relater un fait», que page 32, on conseille, à l'oral, la pratique de « différents modes de discours » dont « la narration » et qu'à l'écrit il est question, page 31, « de composition écrite... en différents genres, notamment narratif». (1) Apprendre/enseigner à produire des textes écrits, sous la direction de J.-L. Chiss, J.-P. Laurent, J.-C. Meyer, H. Romian, B. Schneuwly, De Boeck, 1987. (2) I.O. de 1985 parues dans le Livre de Poche, n° 6129. 86 Au niveau des collèges (3), l'intérêt pédagogique d'un recours à la classification des textes est nettement affirmé et on ne peut qu'y souscrire. En témoignent les extraits suivants : « [...] favoriser la création par les élèves de phrases et de textes oraux et écrits [...] et la connaissance de la diversité des types de discours » (Collèges, page 28). A la fin du cycle d'observation, l'élève doit savoir, entre autres, « 6. définir la spécificité d'un texte, reconnaître les principaux traits qui caractérisent certains types de textes (narratif, théâtral, poétique, documentaire) » (BO, p. 4). Des exercices spécifiques sont prévus concernant « l'observation du fonctionnement des textes » parmi lesquels on retiendra, révélateurs de notre propos : « trouver des points communs ou des différences entre deux ou plusieurs textes brefs» (BO, p. 12). Classer des faits de langue, des textes, des coupures de journaux, des ouvrages, selon des critères précis » (BO, p. 12). De même, on trouve à la page 28 du Livre de Poche une définition du « texte littéraire » que l'on pourra discuter mais qui a le mérite d'exister. Il reste que l'on peut regretter qu'un certain flou terminologique demeure dans les classifications. Ainsi, page 23, seul le contexte permet d'inférer que « discours » signifie texte oral alors que page 29, il semble désigner des textes écrits. Autre exemple, page 47 on oppose « récit », « théâtre », « poésie », « textes d'auteurs étrangers » alors qu'à la page 49, dans la même série d'oppositions, « écrits en prose » remplace « récit ». Chacun comprendra que l'hétérogénéité de tels classements ne peut que poser des problèmes, au niveau des élèves comme à celui des enseignants. Il faut dire, à la décharge des auteurs de la « noosphère » (4), que du côté des savoirs savants ae référence (en particulier les théories linguistiques) les modes de classification sont tout aussi peu précis. Pour les uns, discours et texte sont des expressions synonymiques (5), pour les autres discours s'oppose à texte, le premier désignant un énoncé mis en situation et le second un mode d'organisation abstrait (6). Pis encore, pour certains, l'entreprise typologique est nécessaire et possible (7), pour d'autres, elle est un objet impensable (8). (3) Je me réfère à la fois aux LO de 1985 parues dans Le Livre de Poche intitulé Collèges. Programmes et Instructions et aux Compléments aux Progammes et Instructions des classes de collège publiées dans le BO supplément au n° 25 du 30 juin 1988. (4) J'emprunte ce terme à Yves Chevallard (1985) pour désigner les agents qui contribuent à l'élaboration du discours didactique (Instructions, manuels, revues et ouvrages spécialisés). (5) Je pense entre autres à Irèna Bellert (1970) qui inaugure ainsi son article : « que l'on accepte la définition de travail suivante d'un texte ou d'un discours cohérent... ». (6) On aura reconnu l'opposition entre les théories de l'analyse du discours et les modèles relevant des grammaires de texte. Sur l'origine et les développements de ces paradigmes théoriques, je renvoie à Michel Cha- rolles (1988). (7) « C'est seulement par la typologie que la linguistique s'élève à des points de vue tout à fait généraux et devient une science » (L. Hjelmslev, 1966). (8) « Pour maîtriser un tant soit peu l'univers discursif on utilise constamment des typologies fonctionnelles (discours juridique, religieux, politique...) et formelles (discours narratif, didactique...) qui s'avèrent aussi inévitables que dérisoires [...]. On est condamné à penser un mélange inextricable de même et d'autre, un réseau de rapports constamment ouvert [...]. En outre si l'on veut prendre en compte les facteurs de variations spatio-temporelles qui spécifient ces typologies [...], on conçoit aisément que l'on se trouve confronté à quelque chose d'insensé dès qu'on entend accéder à un peu de généralité » D. Maingueneau (1984). 87 Il m'a donc semblé utile, compte tenu de l'enjeu théorique, didactique et pédagogique des classifications textuelles de tenter un essai de classification des problèmes en menant ma réflexion sur l'acte même de la classification selon qu'il est abordé par différents champs théoriques de référence (9). RÉFLEXIONS SUR L'ACTE DE CLASSIFICATION 1. L'apport des sociologues On doit aux sociologues de la culture une observation de type ethnographique des modes de consommation des textes et une réflexion critique sur le caractère « constituant » des genres (10). J'entends par là, qu'à travers les classifications que proposent des agents sociaux divers (enquêtes sur la lecture, instructions officielles, manuels de textes, pages culturelles de journaux...) se reflètent les conventions sociales propres à notre aire(ère) culturelle. Ce coup de force de légitimation sociale qu'effectuent les classifications peut s'analyser à des niveaux différents : — Elimination dans les nomenclatures proposées par les enquêtes sur la lecture de genres supposés non révélateurs du savoir lire. C'est ainsi que Patrick Parmentier (1986) regrette que parmi les genres proposés soient omis « catalogues, brochures, dépliants touristiques ou techniques, notices, prospectus, modes d'emploi, cartes postales, etc., tous supports écrits qui sont l'objet de lectures et parfois de collection, de capitalisation culturelle ». Si bien que, comme l'écrit Jean-François Barbier-Bouvet (1988) : « L'enquête somme les individus de se situer, à travers leurs réponses, autant par rapport à une légitimité sociale que par rapport à leur pratique effective. Une étude récente sur la faible lecture en donne une illustration frappante : les mêmes personnes qui commençaient I' entretien en affirmant « je ne lis pas », « je ne lis jamais », se trouvèrent au bout de dix minutes d'entretien libre faire la liste de tous les textes qu'elles avaient lus récemment, mais qu'elles n'avaient pas jugé dignes d'être cités (collection Harlequin, bandes dessinées, revues et magazines...). Un sondage se serait arrêté à leur première réponse et les aurait classées parmi les non-lecteurs. » — Non-coïncidence entre les taxinomies officielles (proposées par l'école ou les bibliothèques) et les taxinomies ordinaires mises en œuvre quotidiennement par les différents sujets sociaux. Nicole Robine (1984) montre, par exemple, que « les discours des jeunes travailleurs sur les genres, lus ou non, ne correspondent pas aux classifications de la littérature, de la culture cultivée ni aux « catégories Dewey » et que les modes de classement des ouvrages en bibliothèque représentent pour les jeunes travailleurs interviewés un « facteur d'éloignemeht de la bibliothèque ». — uploads/Litterature/ prati-0338-2389-1989-num-62-1-1510.pdf
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- Publié le Aoû 24, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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