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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Jean-Marie Thomasseau L'Annuaire théâtral : revue québécoise d’études théâtrales, n° 29, 2001, p. 101-122. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/041458ar DOI: 10.7202/041458ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 26 May 2014 08:47 « Les manuscrits de la mise en scène » Jean-Marie Thomasseau Université de Paris 8 Les manuscrits de la mise en scène L a critique génétique n'a pas encore abordé de front le cas délicat des manuscrits de théâtre1. Leur nature profuse et confuse, jointe à l'ambiguïté de leur statut textuel, semble en effet avoir long- temps retardé l'inventaire et l'analyse de ces textes. Les premiers efforts visant à proposer une taxinomie2, fût-elle approximative, ont d'emblée mis en évidence la forte hétérogénéité du corpus, son fractionnement, sa lisibilité hasardeuse, en même temps que la difficulté de positionnement du théoricien de théâtre à l'égard des protocoles suivis par les généticiens, surtout préoccupés jusqu'à présent d'in- vestigations sur les genèses poétiques et romanesques. En l'état actuel des connaissances et compte tenu des états aussi divers que nombreux des manuscrits de théâtre, une tentative d'analyse globale s'avère trop aléatoire, d'autant que la réflexion épistémologique et méthodologique sur le sujet en est encore à ses balbutiements. Aussi a-t-il semblé plus pertinent, dans un premier temps du moins, de fractionner la difficulté et d'ouvrir aux 1. À notre connaissance, c'est Almuth Grésillon qui la première a attiré l'attention sur les difficultés spécifiques à l'analyse des manuscrits de théâtre. Voir en particulier: « De l'écriture du texte de théâtre à la mise en scène », Cahiers de praxématique, n° 26, 1996, p. 71-94. Pour les questions d'ana- lyse, on consultera aussi avec profit, du même auteur, Éléments de critique génétique (Grésillon, 1994), qui offre une bibliographie complète sur le sujet. 2. Voir notre étude rédigée à la suite du Colloque sur les manuscrits de théâtre tenu à l'École nor- male supérieure en février 1996. Ce texte, qui distingue treize états différents dans les manuscrits de théâtre, est appelé à paraître dans Manuscrits modernes (dir. Jacques Neefs et Béatrice Didier) aux Presses universitaires de Vincennes. L'étude suivante porte pour Pessentiel sur l'état n° 4, que dans cette taxinomie nous avions qualifié de « texte livret ». L'ANNUAIRE THÉÂTRAL, N° 29, PRINTEMPS 2001 102 L'ANNUAIRE THÉÂTRAL investigations futures quelques pistes exploratoires sur une partie assez aisément identifiable et délimitable de ce gigantesque corpus : des textes qu'à défaut de mieux l'on appellera les « manuscrits de la mise en scène », et qu'une définition minimale pourrait caractériser comme l'ensemble des écrits nés de la préparation d'un spectacle. Grâce à la générosité de Sophie Moscoso, qui pendant vingt-huit ans a été l'assistante à la mise en scène d'Ariane Mnouchkine, nous avons pu avoir communication d'une série d'échantillons issus de plusieurs mises en scène du Théâtre du Soleil; aussi est-ce sur ces documents que nous tenterons quelques observations avant d'envisager une possible étude génétique des textes de théâtre et d'en justifier la finalité. Il n'est pas aisé, tant les cas d'espèce abondent selon les expériences de mise en scène, d'entreprendre à ce stade un descriptif précis des types de textes nés de la préparation d'un spectacle et d'en proposer une typologie rigoureuse. Aussi, pour une première approche, nous en tiendrons-nous empiriquement aux docu- ments sur le Théâtre du Soleil que nous avons en notre possession et dans lesquels il est possible de reconnaître cinq configurations textuelles. 1. Depuis son arrivée au Théâtre du Soleil en 1970, au moment où celui-ci s'est installé à la Cartoucherie, et jusqu'à son départ de la troupe, en 1998, Sophie Moscoso, dans son rôle d'assistante à la mise en scène, a scrupuleusement observé et noté, au jour le jour, ce qui se déroulait et se disait sur le plateau des répéti- tions. Ces notes cursives, écrites au stylo noir, avec parfois quelques lignes au crayon et des passages soulignés ou encadrés au stylo-bille rouge, se présentent sur des fiches cartonnées quadrillées en petits carreaux de format 30 x 21 cm ou des feuilles de même format, soigneusement rangées dans des classeurs à trous (documents n° 1, n° 2 et n° 3). 2. Au bout d'un certain laps de temps, et ce, à intervalles réguliers, Ariane Mnouchkine, qui dans le cours du travail se référait quelquefois aux notes prises quotidiennement pour retrouver la mémoire d'un détail oublié, la trace d'un es- sai avorté ou retenu, demandait à Sophie Moscoso de préparer un résumé de ce qui avait été réalisé jusque-là. Elle ne relançait le travail de création qu'après une consultation attentive de ces condensés qui semblent scander les étapes successi- ves de la mise en scène en cours. Ariane Mnouchkine annotait parfois ce résumé de sa propre main, ce qui n'est pas le cas du résumé à notre disposition concer- nant un moment de la préparation de L'Indiade (document n° 4). LES MANUSCRITS DE LA MISE EN SCÈNE 103 3. En fin de parcours, lorsque le texte des dialogues était au point (celui d'une création collective, du texte original d'un auteur ou d'une traduction), selon un rituel bien établi, Ariane Mnouchkine le recopiait de sa propre main avant d'en confier la photocopie à chacun des acteurs. Le premier contact des acteurs avec le texte à dire s'opérait toujours ainsi par le truchement d'un manuscrit autographe de leur metteur en scène. Sur des parties de ce texte, du moins sur celui des Eumé- nides conservé par Sophie Moscoso, on remarque des biffures, des annotations au crayon de sa propre écriture, comme si, au moment des ultimes mises au point, un transfert d'annotations s'était opéré des fiches cartonnées vers les marges et les interlignes du texte de la pièce recopié à la main (document n° 5). 4. Dans les copies suivantes du texte des Euménides, cette fois tapées à la machine, dans celles aussi d'une partie de La Ville parjure que nous avons pu consulter, abondent encore, toujours de la main de Sophie Moscoso, corrections et notes marginales prenant souvent la forme de véritables didascalies addition- nelles. Enfin, pour les feuillets concernant La Ville parjure, on constate des modi- fications entre ce premier texte et celui qui sera définitivement imprimé, essentiellement de larges suppressions (documents n° 6, n° 7 et n° 8). 5. Enfin, en sus de ces documents, nous a été confié un bloc-notes de marque « Rhodia », de format 15 x 21 cm, dans lequel figure un ensemble de notations personnelles diverses, rédigées par Sophie Moscoso dans les années 1980, en mar- ge de la préparation de plusieurs pièces, mais en relation directe avec elles et avec la vie de la troupe (document n° 9). La diversité de nature de ces documents rend assez bien compte, en définiti- ve, des types généraux d'écrits manuscrits que l'on rencontre habituellement lors de la préparation d'un spectacle théâtral. Quelques précisions s'avèrent toutefois nécessaires pour parfaire ce descriptif général3. On se trouve, dans le cas du Théâ- tre du Soleil, devant une configuration particulière où le metteur en scène répu- gne lui-même à l'écriture et délègue à une observatrice attentive, elle-même engagée dans l'aventure4, le soin de consigner en toute indépendance et avec son propre regard, pour en garder la mémoire, les travaux et les jours, les temps forts, les 3. Les éléments de cette nomenclature seront abrégés dans le texte de la façon suivante: Les Euméni- des: Eum.; L'Indiade: Ind; La Ville parjure: Ville. Suivront la date quand elle est présente et le nu- méro de feuillet correspondant au nombre de pages à cette date. Le bloc-notes de remarques plus personnelles tenu par Sophie Moscoso est noté sous l'abréviation: Rhod. 4. Voir sur ce point particulier notre entretien avec Sophie Moscoso: « Le simple, le concret et les outils », Tbéartre, n° 2, 1999, L'Harmattan, p. 107-125. 104 L'ANNUAIRE THÉÂTRAL incidents de parcours, les trouvailles, les paroles qui fusent, les décisions prises... Il s'agit, en somme, de la rédaction d'un journal de bord par un membre actif de l'équipe, qui enregistre toutes les embardées de la mise en scène, mais qui aussi veille au grain et relève quotidiennement la position pour mieux tenir le cap. Certains metteurs en scène répugnent toutefois à ce regard extérieur et le refu- sent, ou alors finissent par l'accepter comme une nécessité ou un pis-aller. Il n'en demeure pas moins qu'un devoir de mémoire de la création en gestation semble s'imposer de plus en plus. Il s'institutionnalise même puisque, dans ce droit fil, depuis plusieurs années, la Comédie-Française s'est uploads/Litterature/ les-manuscrits-de-la-mise-en-scene.pdf

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