Projet OLIF - 2017 Le projet OLIF (Offre de Livres Islamiques en langue Françai

Projet OLIF - 2017 Le projet OLIF (Offre de Livres Islamiques en langue Française : catégorisation, succès de librairie et contenu) est mené depuis le 1er janvier 2017 sous la responsabilité scientifique d’Anne-Laure ZWILLING, UMR 7354 « Droit, Religion, Entreprise, et Société » du CNRS et de l’Université de Strasbourg. Ce projet pluridisciplinaire vise à restituer un tableau général de l’offre et de la diffusion du livre islamique en français. La démarche suivie consiste à cartographier l’offre disponible dans les lieux de vente et sur internet, et à repérer les tendances fortes de sa diffusion en s’appuyant sur des enquêtes de terrain portant sur des points de vente significatifs et complétées par des entretiens réalisés auprès de différents acteurs. Ce tableau d’ensemble est complété par une analyse critique de contenu d’une sélection représentative de ces ouvrages. Compte-rendu critique d’ouvrage I. Rappel – identification de l’ouvrage Auteur (Nom, prénom) : Abd el-Kader [« l’émir Abdelkader »] Titre : Écrits spirituels Année de publication : 1982 Nombre de pages : 240 Editeur : Le Seuil Lieu d'édition : Paris Dans le cas d’une traduction, titre original : (extraits du) Kitāb al-Mawāqif Langue originale : Arabe Nom du traducteur : Michel Chodkiewicz II. Analyse d’ensemble a) Thématique : 3 – Théologie ; tawhid ; foi 6 - Foi, spiritualité, mystique b) mots-clés -sur le contenu de l’ouvrage : Soufisme, Mystique, Ibn ʿArabī c) public visé (explicitement / implicitement) : Cet ouvrage s’adresse essentiellement aux lecteurs familiarisés avec la littérature soufie et ses notions, qui trouveront ici une très bonne traduction d’une œuvre essentielle de son répertoire récent. Mais l’identité de l’auteur, personnalité célèbre de l’histoire coloniale du XIXème s., pourrait également attirer d’autres lecteurs qui découvriront ici la facette la plus intellectuelle et la plus profonde de l’une des figures majeures de l’islam moderne. d) Indications critiques : 1. Remarques sur le niveau de langue (familier, soutenu, académique..) et le style : L’écriture est d’un niveau académique et généralement assez soutenu. La traduction est claire, dans une langue précise et abordable, mais la sophistication du texte original se ressent dans l’écriture. 2. Remarques sur l’originalité du contenu (reprise d'ouvrage anciens, de thématiques classiques, réponses à un auteur connu… ) Le propos de l’auteur est original, bien qu’il soit essentiellement en dialogue avec le texte coranique et le Hadith. S’il répond parfois clairement à son maître à penser, Ibn ʿArabī (m. 1240), Abd el-Kader n’hésite cependant pas à le contredire parfois, ou à réinterpréter ses textes et ses notions à sa manière propre. Projet OLIF - 2017 3. Projet / visée (explicite / implicite) de l’ouvrage Les textes de l’émir Abd el-Kader s’insèrent clairement dans la tradition soufie, et plus encore dans la tradition dite « akbarienne » (des continuateurs d’Ibn ‘Arabī). L’auteur propose une œuvre qui actualise les notions de cette école de pensée. 4. Insertion de l’ouvrage dans le panorama des publications / dans les débats en cours Cet ouvrage est particulièrement intéressant en raison de la célébrité de son auteur dans les champs militaire et politique, que l’on découvre ici sous un autre jour. C’est également un ouvrage majeur du soufisme d’époque récente, ce qui est plutôt rare dans le domaine. (Signalons tout de même que le Kitāb al-Mawāqif, d’où sont tirés les extraits traduits ici, a fait depuis lors l’objet de deux traductions intégrales (de qualité moindre que celle-ci), par Michel Lagarde chez Brill, et par Max Giraud chez Al Bouraq). III. Analyse de contenu a) Résumé L’émir ʿAbd al-qādir b. muḥyiddīn (1808-1883), également appelé ʿAbd al-qādir al-jazāʾirī (« l’algérien »), ou plus simplement « l’émir Abd el-Kader », est une figure majeure de la lutte anticoloniale du XIXème siècle. La résistance farouche qu’il opposa aux troupes françaises dans le Maghreb, mais également la noblesse proverbiale de son caractère et la façon avec laquelle il a su concilier tradition et intérêt pour la modernité, l’ont rendu célèbre dans le monde entier, au point qu’une bourgade de l’Iowa prit le nom d’« Elkader » en son honneur. Mais c’est ici une toute autre facette du personnage qui est proposée au lecteur : celle d’un auteur soufi majeur, héritier spirituel de la voie (ṭarīqa) Qādiriyya, et de l’école akbarienne, qui entretenait une relation surnaturelle intime avec son fondateur, Ibn ʿArabī, auprès de la tombe duquel il sera même finalement inhumé. C’est d’ailleurs aux efforts d’Abd el-Kader que l’on doit la première édition imprimée de l’œuvre majeure de celui-ci, les Futūḥāt Makiyya. La traduction, la présentation et les nombreuses notes sont dues à Michel Chodkiewicz, éminent spécialiste de l’œuvre d’Ibn ʿArabī. Il débute l’ouvrage par une copieuse introduction d’une trentaine de pages, qui nous présente la place de l’auteur dans la tradition du soufisme et plus spécialement son lien spirituel avec la lignée akbarienne, mais également les enjeux théologiques et herméneutiques majeurs qui sont à l’œuvre dans les écrits de l’émir. Le livre est ensuite composé d’extraits du Kitāb al-Mawāqif ou « Livre des haltes », qui est certainement la réalisation majeure d’Abd el-Kader. Cet ouvrage volumineux propose une série de « haltes », qui sont autant de points-de-vues spirituels et mystiques, abordant les grands thèmes de la métaphysique, de l’exégèse ou de la pratique soufies, et dialoguant souvent en sous- texte avec les Futūḥāt ou les Fuṣūṣ al-ḥikam d’Ibn ʿArabī. Les textes du Livre des haltes sont d’une grande profondeur théologique, et abordent d’une façon originale certains débats classiques, notamment à propos de la prédestination ou de l’ontologie. Ils témoignent d’une maîtrise des sciences religieuses traditionnelles et d’une familiarité avec la littérature majeure du soufisme, mais se font également l’écho d’une expérience personnelle hors du commun, qui est la source revendiquée de l’ouvrage. Projet OLIF - 2017 Le choix de Michel Chodkiewicz s’est visiblement porté sur les passages les plus « akbariens » du livre, dans lesquels l’émir aborde les thèmes les plus célèbres, et les plus controversés, de la pensée d’Ibn ʿArabī : unicité de l’Être (waḥdat al-wujūd), articulation subtile entre transcendance et immanence de Dieu, réalité muḥammadienne (ḥaqīqa muḥammadiyya) précédant le Prophète historique... S’ajoute à cela une liberté exégétique rare, et un recours décomplexé au symbolisme et à la science des lettres (ʿilm al-ḥurūf), qui ne sont pas sans rappeler les pages les plus célèbres des Futūḥāt ou des Fuṣūṣ. Les extraits des Haltes sont écrits dans un style assez direct, s’adressant souvent au lecteur pour lui communiquer les impressions les plus intimes de l’auteur ou pour l’exhorter à scruter en lui- même pour découvrir la présence des mêmes réalités subtiles. La traduction rend très bien la simplicité et la vitalité du style. Si le lecteur habitué à la littérature soufie ne se sentira certainement pas dépaysé par ces textes, on pourrait presque se risquer à dire qu’il ressentira une certaine « modernité » dans l’écriture de l’émir Abd el-Kader, ce qui en fait une œuvre originale, dont la portée est bien plus grande que celle d’un simple mimétisme scolastique. b) Structure de l’ouvrage, organisation, articulation logique du contenu Le traducteur a d’ailleurs choisi de regrouper les extraits selon sept thématiques, de nature inégales. La première série aborde la voie spirituelle, en traitant de la différence entre ravissement (jadhba) et cheminement (sulūk), des « deux morts », de l’adoration parfaite et de la véritable crainte de Dieu, ou encore de la nécessité du maître spirituel. La série d’extraits suivante aborde la notion d’unicité de l’Être et de « l’identité suprême ». Il y est question du rapport entre Être et néant, de « la solitude éternelle de l’Essence divine », de la « vie universelle », et de la symbolique du couple de lettres « lâm-alif » qui renvoie à l’articulation entre la manifestation divine et l’étendue de la création. Ensuite, d’autres extraits abordent la notion de théophanie, et l’articulation entre transcendance et immanence. L’auteur y parle tout à tour de la « face de Dieu », de la « lumière des cieux et de la terre » et du mystérieux « minaret des Noms divins ». Viennent ensuite trois extraits remarquables sur « Dieu et les dieux », qui proposent une distinction entre le Dieu véritable et le « dieu conditionné par la croyance », pour finalement vanter les mérites de la « docte ignorance ». La série suivante aborde les difficiles questions de la théodicée et de la prédestination : « Science divine et Décret divin » face aux « causes secondes », problématique de l’attribution des actes et de l’existence du mal, ou encore la nécessité du retour à Dieu. L’avant dernière section est consacrée au Prophète et à l’imitation de son modèle. Il y est question d’une véritable « extinction » en lui par « abandon à Dieu », et de la capacité de tenir ensemble « vision distinctive et vision unitive ». Enfin, le dernier extrait renvoie à la célèbre et polémique formulation d’Ibn ʿArabī dans ses Fuṣūṣ al-ḥikam, qu’Abd el-Kader s’approprie ici sans détours : « je suis Dieu, je suis créature ». L’ouvrage se termine ensuite par une table de concordance entre la uploads/Litterature/ projet-olif-cnrs-abd-el-kader-ecrits-sp.pdf

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