3f a e e ulnzalne littéraire du 16 au 30 juin 1970 Entretien avec Pierre Navill

3f a e e ulnzalne littéraire du 16 au 30 juin 1970 Entretien avec Pierre Naville sur J'U.R.S.S. Théâtre'noir à New York SOMMAIRE J LE LIVRE Hugo von Hofmannstahl Andréas et autres récits par Diane Fernandez DE LA QUINZAINE S liatail1e paraît par Denis Hollier 6 Entretien avec Roger Caillois propos recueillis par Gilles Lapouge 8 L'illimité de la pensée par Maurice Blanchot 9 Les dames de Bataille par Jean Schuster 10 Bataille forcé par Lucette Finas 12 LITTERATURE José Cardoso Pires Le dauphin par Alvaro Manuel Machado ETRANGERE 13 ROMANS FRA ~ ÇAIS Jacques Chatain Rliche ou r herbe rance par Jean Gaugeard 14 ESSAIS Michel Mohrt L'air du large par Marc Saporta 16 ARTS L'Expressionnisme par Marcel Billot Les Galeries par Nicolas Bischower 18 PHILOSOPHIE Michel Butor La rose des vents par François Châtelet 32 rhumbs l'our Charles Fourier René Schérer Charles Fourier ou la contestation globale 19 G.G. Granger Wittgenstein par Christian Descamps 20 ECONOMIE Eugène B. Pasukanis La théorie générale du par Robert Paris POLITIQUE droit et du marxisme 21 Georges Lefranc Grèves d'hier et d'aujourd'hui par Michelle Perrot 22 ENTRETIEN Pierre Naville Qu;est-ce que l'U.R.S.S. ? propos recueillis par J. P. 23 Robert Conquest La grande terreur par Dominique Desanti 2S LETTRE DES Plus de noir que de nu par Jean Decock ETATS-UNIS 26 FEUILLETON W par Georges Perec La Quinzaine litteraire François Erval, Maurice Nadeau. Conseiller: Joseph Breitbach. Comité de rédaction: Georges Balandier, Bernard Cazes, François Châtelet, Françoise Choay, Dominique Fernandez, Marc Ferro, Gilles Lapouge, Gilbert Walusinski. Secrétariat de la rédaction : Anne Sarraute. Courrier littéraire: Adelaide Blasquez. Maquette de couverture: Jacques Daniel. Rédaction, administration: 43, rue du Temple, Paris (4"). Téléphone: 887-48-58. Publicité littéraire: 22, rue de Grenelle, Paris (7"). Téléphone: 222-94-03. Publicité générale : au journal. Prix du nO au Canada: 75 cents. 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Andréas est un ro- man inachevé, dont les deux premiers épisodes, qui se suf- fisent à eux-mêmes, nous sont ici donnés. Il en comporte un troisième, essentiel, curieuse- ment absent de l'édition fran- çaise: Das Venezianische Erlebnis des Herrn von N., de- meuré à l'état de notes, dont chaque formule. chaque frag- ment, a des résonances infi- nies (1). Hugo von Hofmannstahl Andréas et autres récits Trad. de l'allemand par Eugène Badoux et Magda Michel Préf. de Henri Thomas 'Gallimard éd., 264 p. Itinéraire intérieur et spirituel, ce' récit d'une adolescence et de son passage 'à la maturité, ce ro- man d'éducation et d'apprentis- sage a l'importance d'une Educa- tion Sentimentale ou d'un Wil- helm Meister. On ne saurait prétendre pré· senter en quelques mots une per- sonnalité aussi complexe que celle de Hugo von Hofmannsthal (2). Rappelons seulement que ce génie précoce fut célèbre dès le lycée (1891), grâce à son œuvre poétique; imprégné de plusieurs littératures, profondément mar- qué par une Vienne en décompo- sition, aussi sensible à la musique et à la peinture qu'au langage, l'auteur d'Andréas était un hom- me d'une culture prodigieuse dont on retrouve sans cesse l'écho dans ce roman où tout est allusion, réminiscence en même temps que poème et pure créa- tion personnelle. D'étranges obsessions courent à travers ce texte dont il est diffi- cile de savoir à quelle angoisse intime on peut les rattacher étant donné le soin extrême avec le- quel Hofmannsthal a évité toute littérature de «confession ». Ain· si retrouve-t·on à plusieurs repri· ses le thème d'un valet, d'un la- quais, d'un subordonné diaboli· que, assassin ou voleur. Faut-il voir là le souvenir de la fin tra- gique de Winckelmann, sur le- quel Goethe, Pater et Hofmanns- thal ont tous écrit des essais, étranglé par son compagnon de voyage Archangeli que tentèrent ses médailles d'or? (le valet cri- minel d'Andréas s'appelle Dieu- donné). Quoiqu'il en soit, cette angoissante présence d'un alter ego pervers ou meurtrier qui se retrouve dans presque tous les récits de ce volume, comme dans Andréas, est à rattacher au thème du double: parmi les lectures entreprises par Hofmannsthal avant de composer la fin de son roman se trouvent Docteur leckyll et Mr. Hyde et le livre d'un phi. losophe américain Morton Prin- ce : The Dissociation of a person- nality. Le grand sujet de l'œuvre de Hofmannsthal, ce sont ces tenta· tions passionnées qui, malgré les garde-fous des principes et des convenances grâce auxquels les instincts sont maintenus dans les profondeurs comme sous la pesan- teur purifiante d'un couvercle, ne ces sen t d'affleurer. Certaines phrases laissent deviner des abî- mes, comme celles qui décrivent le jeune et pur Andréas chevau· chant aux côtés du valet sadique, écoutant ses méfaits avec un trou- ble dégoût qui le fait «brûler et transir ». Les rêves dans lesquels, à cause des récits du valet, An· dréas se perd (... « il n'est plus un jeune chevalier, plus rien de galant, de respectable, plus rien de beau mais un acte sauvage, un meurtre dans la nuit:t) prouvent assez à quel point Dieudonné est l'inquiétant miroir des virtualités de son maître à qui le proverbe «tel maître, tel valet» vient à l'esprit et, «comme l'éclair, l'idée inverse... » Le récit de la Pomme d'or sug· gère en une page admirable le bouillonnement obscur des pas- sions qui remonte insidieusement, grâce au sommeil, chez une jeune femme dont les «défenses sont mmees ». «Elle luttait contre f ennemi invisible dont la voix subversive résonnait en elle, irra· diant pas même le désir, simple. ment, la possibilité de tout le mal, de tout ce qui existait de crimi· nel et de tentateur.» La saisissante Histoire de Cava- lerie culmine dans un «regard de haine bestiale» que jette un maréchal des logis à son capitai- ne : ce sont ces rapports de sour· de violence, ces ébauches de sen- timents, ces velléités et ces tenta- tions, ce démoniaque et cet irra- tionnel qui sont les forces agis· santes de l'œuvre rappelant par là l'univers de J.-P. Jacobsen dont Rilke avait été si frappé. Maria Grübbe, tourmentée de lubies et de désirs suicidaires, Niels Lyhne oscillant entre la vie et le, rêve sont des personnages dont la, texture, nerveuse est voi- sine de celle des héros de Hof- mannsthal. Jacobsen, écrit l'au- teur d'Andréas, «nous révèle en tout premier lieu une double vue des choses » ; il observe le conte· nu de la vie psychologique «de manière psychiatrique ». De fait, Hofmannsthal est .davantage han- té par le dédoublèment de l'être que par l'aspect protéen de la personnalité sur lequel tant de récits romantiques mettent l'ac- cent; d'où un monde bien plus angoissant que celui des méta- morphoses. Monde à la fois réaliste, magi- que, ironique et sensuel, qui n'a rien de la mollesse voulue et re- cherchée d'un pur esthétisme (terme dont Curtius a montré combien, souvent utilisé de fa· çon arbitraire, superficielle, il ne convient guère au cas de Hof· mannsthal: «Quand, on est artis- te, on est toujours plus qu'un simple esthète:t) (3). En lutte contre tant de forces maléfiques, il y a dans cette œu- vre d'admirables moments de tendresse et d'espoir. Certaines scènes d'Andréas qui communi· quent au lecteur, de façon quasi- tangible, un bonheur d'une qua- lité très rare, prennent toute leur force et leur sérénité en contraste avec la morbide identification du maître au valet. La rencontre dans la ferme entre Andréas et la jeune Romana, jeune fille pu- re, instinctive, essentiellement li- bre, d'une «terrible innocence» et qui rappelle la Girolame du Miguel Ma1Îara de Milosz, est inoubliable. Semblable aux héros pirandel- liens qui ne savent plus s'ils sont ou' non coupables d'un méfait ir- réparable, Andréas est sans cesse confronté avec des visions crimi- nelles : c'est un chat «dont jadis il avait brisé la colonne verté- brale avec Je timon d'un char» et dont «le faciès est en proie, tout ensemble, aux affres de la mort et à la volupté, en un Olé· lange hideux»; c'est un chien dont il aurait disloqué l'échine et «qui rend l'âme en frétil- lant ». - «Andréas avait.il vrai- ment fait cela ? Il n'en était lui- même pas certain. Mais ces uploads/Litterature/ quinzaine-litteraire-97-juin-1970.pdf

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