culture Jazz R iccardoDelFra,contrebassis- te, 55ans, né à Rome, fines lunettes
culture Jazz R iccardoDelFra,contrebassis- te, 55ans, né à Rome, fines lunettes, catogan, distinc- tion, précision du geste, composi- teur, leader de trio, quintet, big bands, directeur depuis 2004 de la section Jazz et musiques improvi- sées au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.Les16 et 17décembre 2011, àl’amphiopérade Lyon,ilredonne en quintet My Chet, My Song, avec Pierrick Pedron (sax), Airelle Bes- son(trompette),PaulLay(piano)et Ariel Tessier (batteur). ŒuvremusicalecrééeàMarciac le 6août 2011, avec l’orchestre du conservatoire de Toulouse (direc- tion, Jean-Pierre Peyrebelle). Ric- cardo Del Fra s’est aussi bien pro- duithuitansauxcôtésdutrompet- tiste culte Chet Baker, qu’aux Vieilles Charrues avec Annie Ebrel (musique celtique) ou au Lincoln Center. Il appartient au cercle fer- mé des contrebassistes. De leur poste de vigie, les contrebassistes forment un monde à part: «On s’adore, on est curieux les uns des autres, on s’apprend, on se montre des trucs. Tout bassiste passe son temps à connaître des milliers de batteurs, de pianistes, il côtoie tou- tes sortes de solistes, mais ne croise jamais d’autres bassistes sur scè- ne.»Oualors, pourlepur bonheur du jeu, de la conversation, de l’étonnement. Avant de succéder, à sa deman- de, au conservatoire, à Jean-Fran- çois « J.F-. » Jenny-Clark (1944-1998)auplusfortdumalqui devait l’emporter, dans les tout derniers instants, «on parlait de doigtés, de passages d’accords, de recours, de positions»… Riccardo pratique la belle langue, tient à ce qu’aucun de ses compagnons ne soit oublié, disserte à l’infini sur ses admirations. Insiste aussi sur son action au conservatoire. «Pendant les deux premières années, j’ai restructuré le départe- ment, grâce à Alain Poirier, direc- teur et professeur d’analyse. Ayant autantà cœurdecréerdespasserel- les avec d’autres départements (le classique), que d’inviter quelque soliste prestigieux pendant trois jours.Puis, j’airecommencé àjouer, à diriger: si tu n’as pas une activité visible,tun’espasintéressant.Jefais tourner les élèves à l’étranger – au foruminternationaldel’Internatio- nal Association Jazz Education: c’est là que s’est révélé le groupe Rétroviseur; à New York, en 2007, j’aiamenévingt-six élèvesetquatre profs.Onajouépartout.Maisjefais aussiensortequel’assemblée géné- raledel’Afijma[Associationdesfes- tivals innovants en jazz et musi- ques actuelles] se tienne au conser- vatoire.» Ses deux projets – un trio d’ex- ceptionavecMarcCopelandaupia- no et Billy Hart à la batterie; son chant pour Chet Baker – alternent avec ses activités de compositeur pour le cinéma (Lucas Belvaux), et ses activités pédagogiques. Autour de Chet, «je ne voulais pas faire un énième hommage, mais une évocation plus poétique, plus dramatique, dans le sens de sa chanson emblématique, My Fun- ny Valentine, entièrement refon- due. Ou du But Not for Me: j’asso- cie le standard à une composition originale plutôt postmoderne. Nousavonsfaittantd’albumsetde route avec Chet. Grâce à lui, j’ai connu Al Levitt [batteur] et Alain Jean-Marie [piano]. On restait au Dreher, près de Châtelet, plus de quinze jours d’affilée. Pratique de lamusiquequi atotalementdispa- ru, cela se sent.» Les clubs, en effet, sont devenus partout de micro- lieux de concerts, souvent pour promouvoir un album. Lamusique,c’estl’enfance;l’en- fance, c’est la mère; la mère, c’est le cinéma. Avoir participé à la musique pour La Cité des femmes, sous la houlette de Fellini, là, pré- sent; avoir joué pour Lalo Schifrin ou Ennio Morricone, cela crée moins de souvenirs que de devoirs. L’exigence et le risque: «Au conservatoire de Frosinone, je me suis mis à la contrebasse par amour pour le professeur Franco Petracchi. Il avait un feeling insen- sé et faisait sonner une basse en contreplaqué comme un Stradiva- rius. Plus la folie, le panache. Quandilattaquaituntraitdifficile, une phrase qui fait peur, il hurlait en riant: Spavaldo!» Spavaldo? Allons-y ! Téméraires ! Soyons fous! A l’assaut! Banzaï!p Francis Marmande My Chet, My Song – Hommage à Chet Baker, les 16 et 17décembre à 20h30, à l’Opéra national de Lyon (amphi opéra), place de la Comédie à Lyon. Tel.: 04-72-00-45-45. De 10¤ à 16¤. Opera- lyon.com N ousne faisons plus le même métier » : commentaire d’un marchand à propos des ventes d’arts africains qui ont lieu à Paris, capitale de ce marché, chez Christie’s, le 13décembre, et chez Sotheby’s, le 14. Pourquoi cet- te phrase? En raison des estima- tions annoncées pour les pièces principales de ces vacations. Chez Chritsie’s le 13, un masque Punu du Gabon, visage enduit de blanc, chevelure torsadée en deux cornes, a obtenu 229000euros, autant qu’une statuette Bamana (Mali), anguleuse et expressive. Un beau masque Fang (Gabon), aux lignes courbes épurées, a atteint 931000euros. Et un lion Fon du Bénin, estimé au mieux 300000 euros,a dépassélemillion. Ce qui justifie les estimations tout aussi optimismes de Sothe- by’s: de 200000 à 300000euros pour un ivoire Lega (RDC) au corps scarifié ; de 300 000 euros à 500000 euros pour une cuiller anthropomorpheDan(Côted’Ivoi- re); entre 400000et 600000 euros pour un cavalier yoruba/nago (Nigeria, Bénin) curieusement baroque et la même estimationpourunedeuxièmepiè- ce Yoruba. Les masques? Entre 200000et 250000euros pour un Kwelé (Gabon) aérien, de 200000euros à 300000euros pour un Boa (RDC) – que le catalo- guecompareunpeuviteàunPicas- so de 1907 –, ou entre 350000et 450000euros pour un Punu daté de la fin du XVIII esiècle. Les histoires de ces œuvres se ressemblent. Collectées pour les plus précoces à la fin du XIX esiècle et, pour les plus tardives, dans les années 1970, elles ont séjourné depuis dans des collections pri- vées. De là ces estimations, large- mentsupérieuresauxprixquepra- tiquent les marchands dans leurs galeries ? L’explication ne convainc pas, car les objets vendus par les marchands ont des trajets tout à fait comparables. Cela fait longtemps que plus rien d’impor- tant ne vient d’Afrique, le conti- nentayantétéexploréentoussens etjusquedanssescontréeslesplus écartées. L’écart est dû à deux autres rai- sons.Lapremièreestliéeàlavisibi- litémédiatiquesupérieuredesven- tes aux enchères et à la publicité aimablement concurrentielle à laquelle se livrent Christie’s et Sotheby’s auprès des enchéris- seurs potentiels – un phénomène identiqueàcequis’observedansle champdel’artcontemporain.Ilest assurément plus spectaculaire de lancer des enchères dans une salle bondée de millionnaires que de procéder à une acquisition dans unegalerie.Ilenvaainsid’unPunu ou d’un Fang prestigieux comme d’un Richard Prince ou d’un Jeff Koons. Une fabuleuse élégance Le parallèle ne s’arrête pas là. Le marché des arts dits «primitifs» attire désormais des collection- neurs d’art actuel, habitués à des montants considérablement plus élevés.Ilsne sont pas desspécialis- tes d’Afrique ou d’Océanie mais acquièrentquelques pièces«triba- les»emblématiquespourlepresti- gesocialetaunomdulienentreart du XX e siècle et découverte des «Nègres». Ce faisant, à leur insu sans doute, ils déconcertent et découragent des collectionneurs plus anciens, plus compétents, mais incapables de « suivre » au-delà d’un certain seuil. Contraints de délaisser les piè- ces «classiques», ces amateurs savants s’intéressent aujourd’hui à des provenances auparavant ignorées, Asie du Sud-Est, Hima- laya, zones tribales indiennes. Ou, d’Afriqueet d’Océanie, à desobjets dits utilitaires, armes, hameçons ou coupes, qui se révèlent souvent d’une fabuleuse élégance. Chris- tie’s proposait donc, le 13décem- bre, avant sa grande vente du soir, unbelensembled’«objetsdecurio- sité provenant de la collection Daniel Blau».Lequel se trouveêtre lefilsdupeintreGeorgBaselitz,lui- même excellent connaisseur de statuaire africaine. p Philippe Dagen Lamusique,c’est l’enfance;l’enfance, c’estlamère;lamère, c’estlecinéma PortraitRiccardoDelFra,contrebassistequia–entreautres–partagélaroutedeChetBaker pendanthuitans,luirendhommageàsamanière,poétiqueetdramatique,àl’OpéradeLyon Lefeelingdelavigie Cinéma L a sortie d’un inédit d’Edward Yang est un événement. D’abord parce que l’œuvre, assez réduite (elle n’est composée que de sept longs-métrages), de ce cinéaste,disparu en 2007 à l’âge de 59 ans, a été peu vue en France. Seuls deux de ses films ont connu une distribution commerciale ici (dont Yi Yi, Prix de la mise en scène à Cannes en 2000). Une apparente confidentialité qui cache le fait qu’il s’agit d’un des plus grands artistes du cinéma contemporain, undeceuxayantcontribuéàtrans- former en profondeur, quoique d’unemanièreextrêmementsubti- le,lanature dumédium lui-même. Il a été, avec Hou Hsiao-hsien, l’undeschefsdefiledecequel’ona appeléla«nouvellevague»duciné- ma taïwanais. Le foyer d’un boule- versement doux, mais radical, d’unecertaineformedemodernité cinématographique, un nouveau rapport au plan et au temps filmi- que, une manière de faire muter ces notions, tout en continuant le projet d’un art qui tente à la fois de montrer le monde et de raconter des histoires. Imprégné de culture moderne, de mangas, de musique pop, de films hollywoodiens, Edward Yang a construit une œuvre qui est autantun regard sur l’histoire de son pays qu’une réflexionsur lasociétémoderne. Réalisé en 1986, The Terrorizers est son deuxième long-métrage. Divers personnages s’y croisent sans qu’au début du récit rien ne semble les relier: un photographe, une jeune prostituée eurasienne, unefemmeécrivainenpanned’ins- piration mariée à un cadre d’entre- prise en attente d’une promotion, d’autresfigures plusfurtives. L’écrivain quitte son mari après un mystérieux coup de fil de la prostituée.Pourretrouverl’inspira- tion, dira-t-elle, mais elle entame une liaison avec un homme divor- cé qu’elle a connu quand elle était jeune. Le photographe s’installe dans l’appartement auparavant occupé par la prostituée qu’il a, au débutdufilm,priseenphotoetqui semblel’obséder. Profusionde personnages Les trajets de ces différents monades solitaires s’entrecroisent progressivement,provoquésparle hasard, la volonté de l’un ou de l’autre ou un mélange des deux, avantd’aboutiràunetragédiedont lanature(réelleoufictionnelle)res- teraindécidablepourlespectateur. L’éparpillement apparent du récit n’est pas seulement la consé- quence de la profusion de person- nages. Il est, plus justement, la représentationdelavieelle-même, celledechaquepersonnageetpeut- êtredel’individumoderne,unevie morcelée, incomplète, séparée de saproprevérité. Yang semble poursuivre une voie cinématographique affron- tant l’aliénation contemporaine et la terreur urbaine. L’écrivain et le photographenesont-ilspaslafigu- redel’artisteenquêtedesensfaceà un réel insaisissable, condamné à n’en saisir que des portions? A cet égard, c’est sans doute ainsi qu’il faut comprendrele portrait photo- graphique de la prostituée, puzzle uploads/Litterature/ quo-31-36 1 .pdf
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- Publié le Jul 31, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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