© Éditions Albin Michel, 2017 ISBN : 978-2-226-42395-5 Pour Nicolas et Valentin

© Éditions Albin Michel, 2017 ISBN : 978-2-226-42395-5 Pour Nicolas et Valentine La force de rebondir ! Il est 8 heures du matin. C’est la fin de l’hiver. Emmitouflée dans un pull et une lourde parka, je me promène sur cette plage de Normandie où je possède une petite maison. C’est mon refuge loin du stress de la vie parisienne. En marchant sur le sable, à marée basse, je regarde Le Havre, de l’autre côté de l’estuaire de la Seine. En dépit de la morsure du froid qui me fait frissonner, la beauté de cette nature m’apaise. J’ai besoin de m’y retrouver seule pour clarifier ce qui se passe en moi. Quoi que je fasse, mes pensées me ramènent inéluctablement vers la fin de Toute une histoire. J’ai appris la mauvaise nouvelle il y a seulement quelques jours. Je suis encore sous le choc… Tant de moments intenses sont inscrits dans ma mémoire, tant de rencontres uniques ont été déterminantes et m’ont bouleversée. Je suis heureuse d’avoir participé à cette belle émission et fière du travail accompli, mais je ne peux nier la tristesse qui se distille aujourd’hui. Cette tristesse a un goût amer : celui du deuil. Comme à chaque fois que surviennent des difficultés, je ressens le besoin de me tourner vers mes amis pour m’aider à appréhender ma douleur. Je rencontre une nouvelle fois le psychiatre Christophe Fauré. Nous nous connaissons depuis dix ans. Christophe n’est pas mon psy, au sens où je ne suis pas sa patiente et qu’il ne me reçoit pas en consultation. Notre lien est celui de l’amitié, de la confiance et du respect mutuels. Par ses questions, lors de nos échanges et de nos séances d’écriture, il réussit à faire surgir ce que j’ai du mal à nommer et identifier seule. Il m’a accompagnée dans l’accouchement de mes deux premiers livres : Au-delà, où je raconte la fin de vie de ma mère et mon chemin de deuil après son décès, et Ce que j’ai appris de moi, qui explore ce qu’on appelle la « transition du milieu de la vie », cette période charnière où l’on remet en cause de multiples aspects de notre existence. Une « transition », c’est exactement ce que je suis en train de vivre. Interrogation à propos de ma stabilité professionnelle ; envol de mes enfants vers leur vie d’adultes ; recherche d’un équilibre affectif après ma séparation d’avec Pierre, mon ex-mari ; inexorable assaut du temps sur mon corps de femme de cinquante-trois ans. Tout cela réactive mes peurs, mes fragilités, mes démons intérieurs et je sais pertinemment que je n’ai pas d’autre choix que de les affronter ! En écrivant Ce que j’ai appris de moi, j’ai compris les enjeux de ce temps de vie si particulier que nous traversons tous avec plus ou moins d’intensité. Mais je ne pensais pas passer si brusquement aux travaux pratiques ! Maintenant, je me trouve au pied du mur : quelles ressources intérieures mobiliser pour faire face à ce tournant professionnel ? C’est à ce moment précis que je comprends que mon expérience de Toute une histoire peut faire la différence. En y réfléchissant, je réalise que je ne pars pas de zéro. Pendant ces six années, j’ai énormément appris sur moi-même et sur les autres. J’ai eu la chance d’être presque au quotidien dans l’intimité d’une multitude de personnes ayant chacune leur histoire, leur parcours de vie dramatique, leurs succès dans l’adversité et, parfois, leurs errances. Le plus troublant, c’est que j’ai trouvé dans ces récits un écho à mes problématiques. J’y entendais mes propres interrogations. Je me voyais confrontée aux mêmes doutes, aux mêmes attentes. Ces histoires m’ont enthousiasmée, étonnée, bousculée, bouleversée, amorçant secrètement une véritable réflexion. Au fil des années, j’ai appris à écouter et à affiner le regard que je porte sur les gens. À comprendre ce que nous mettons en œuvre au cours de nos vies pour tenter d’être heureux. Les récits qui m’ont été confiés semblent tous raconter la même chose, révéler la même aspiration : être en relation paisible et profonde avec soi-même. C’est un souhait que chaque être humain partage. Et pourtant, y parvenir semble difficile. Je le ressens aujourd’hui, où je me sens plus vulnérable que jamais. Enrichie par cette expérience, je suis préoccupée par une seule question : Comment rebondir ? Comment s’extirper après une difficulté ou une épreuve de vie, comme un divorce, un revers de fortune, un traumatisme d’enfance, la perte d’un être cher, l’annonce d’une maladie grave, un échec professionnel ou encore la découverte d’une trahison ? Comment s’armer face aux inévitables soucis ou contraintes de l’existence ? Il y a d’abord les circonstances extérieures dont le contrôle nous échappe, mais qui peuvent influer sur notre manière de rebondir : notre environnement, notre éducation, notre milieu socio-culturel, etc. En revanche, nous pouvons peser sur les conditions intérieures, et c’est la voie que nous devons apprendre à explorer ! Où pouvons-nous puiser cette force de surmonter les embûches ? Quelles sont les ressources qui nous sont accessibles ? J’ai appris, grâce à Toute une histoire, que nous sommes, toutes et tous, sur ce chemin, même s’il prend des formes ou des aspects différents. J’ai touché du doigt l’universalité de ces questions. Grâce à ces récits intimes, j’ai pu voir la lumière qui est en chacun de nous, cette pulsion de vie, ce socle intérieur sur lequel nous pouvons nous appuyer pour avancer. Dans ce livre, avec le regard de Christophe, je vous propose de partager les 7 clefs qui m’ont permis de rebondir et d’évoluer quand les conditions nous l’imposent. De la rencontre avec le réel à nos émotions négatives, à nos boussoles intérieures affûtées, à nos peurs handicapantes, ces tremplins nous permettent de nous réconcilier avec nous-mêmes. En un mot de nous apaiser. Ces clefs, nous pouvons tous nous les approprier et apprendre à nous en servir, indépendamment des obstacles. C’est là que résident leur force et leur pertinence. Elles vous donneront accès, je l’espère, à de nouveaux chemins de sérénité. Il s’agit d’un programme ambitieux, mais, comme disait le grand écrivain allemand Goethe, « le but, c’est le chemin ». Première clef Rencontrer le réel « Le plaisir peut s’appuyer sur l’illusion, mais le bonheur repose sur la réalité. » Chamfort Sur cette partie retirée de la plage où j’aime me promener se dresse un bunker en ruine. Curieusement, un de ses murs est peint en bleu azur, comme si quelqu’un avait voulu donner des couleurs à ce qui n’en a jamais eu. Alors que je m’assois sur les galets, adossée à ce bloc de béton battu par le vent, vestige de la Seconde Guerre mondiale, je pense à ce qu’il représentait autrefois : un temps de menace et de tourment. Un peu comme mon esprit aujourd’hui. Un lourd passé qui s’accompagne de nombreuses souffrances. Mais qu’en reste-t-il ? Une grosse masse grise sur laquelle les enfants grimpent. Je m’interroge alors : comment les gens ont-ils réussi à se reconstruire après une douleur aussi vive ? Chacun a tenté de mobiliser ses ressources, en puisant dans son for intérieur le courage de tout rebâtir. Attitude qu’après la guerre Winston Churchill a magnifiquement résumée par cette phrase : « Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. » Le message, soixante-dix ans plus tard, m’apparaît clair : il faut acter ce qui se passe dans nos vies ; il faut regarder la réalité telle qu’elle est pour avancer et ne pas reproduire les erreurs du passé. Il y a donc une condition première qui doit être remplie de façon indispensable pour aller de l’avant. Pour se relever et repartir du bon pied, il faut rencontrer la réalité, se confronter à elle. C’est le point de départ de tout changement, quand, blessé ou le genou à terre, on se trouve face à la fin de quelque chose qui comptait pour nous. En regardant cette mer grise qui s’étend à l’infini, je comprends qu’il me faut affronter les événements qui surviennent dans ma vie. J’ai rendez- vous avec mon réel. Si je veux avancer, je n’ai pas d’autre choix. Me placer face à ce qui m’arrive, sans chercher à éluder, ou à minimiser quoi que ce soit, le plus honnêtement possible. « Rencontrer la réalité telle qu’elle est » consiste à faire le deuil de ce qui ne sera plus – même si la perspective est déplaisante et que tout en moi s’y refuse. Cette rencontre est nécessaire pour discerner les bonnes décisions à prendre et se remettre en mouvement. Ce temps est venu. Je me retire alors dans un endroit calme où je sais que je ne serai pas dérangée. Je coupe mon téléphone, respire profondément pour faire le vide. Puis je prends une feuille de papier et j’écris la situation dans laquelle je me trouve, en essayant d’être aussi exhaustive qu’objective. Que s’est-il passé ? Que se passe-t-il maintenant ? Quel est le contexte ? Qui est présent dans cette situation uploads/Litterature/ il-est-temps-de-choisir-sa-vie-davant-sophie-z-lib-org.pdf

  • 66
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager