Mots. Les langages du politique 75 | 2004 Émotion dans les médias Marie-Anne Pa
Mots. Les langages du politique 75 | 2004 Émotion dans les médias Marie-Anne Paveau et Georges-Elia Sarfati, Les grandes théories de la linguistique. De la grammaire comparée à la pragmatique Pierre Fiala Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/mots/3503 DOI : 10.4000/mots.3503 ISSN : 1960-6001 Éditeur ENS Éditions Édition imprimée Date de publication : 1 juillet 2004 Pagination : 129-132 ISBN : 2-84788-057-7 ISSN : 0243-6450 Référence électronique Pierre Fiala, « Marie-Anne Paveau et Georges-Elia Sarfati, Les grandes théories de la linguistique. De la grammaire comparée à la pragmatique », Mots. Les langages du politique [En ligne], 75 | 2004, mis en ligne le 23 avril 2008, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/mots/3503 ; DOI : https://doi.org/10.4000/mots.3503 © ENS Éditions Marie-Anne Paveau et Georges-Elia Sarfati Les grandes théories de la linguistique. De la grammaire comparée à la pragmatique, 2003, Paris, Armand Colin (U), 256 pages. Il manquait en France depuis plusieurs années un manuel de linguistique qui offrît aux étudiants de linguistique générale et de linguistique française une syn- thèse accessible et cohérente sur le plan historique et épistémologique. L ’économie des onze chapitres de cet ouvrage, qu’on peut répartir en trois parties à peu près égales, met clairement en évidence le projet de ses auteurs, tout comme sa biblio- graphie et son index des noms. Dans les trois premiers chapitres, substantiels, consacrés à l’émergence et l’extension au 19e siècle du comparatisme historique, ils procèdent d’abord à un retour aux sources théoriques de la linguistique contemporaine. Rappelant les étapes décisives du développement de la grammaire comparée en Europe du Nord (Schlegel, Rask, Grimm, Bopp, Schleicher, Verner, Ostoff, Paul) et de l’anthropologie linguistique (Humboldt), les auteurs en décrivent les prolonge- ments aux États-Unis, donnant aux vues généralisantes de Whitney toute l’im- portance qu’elles méritent. Ils soulignent les débats théoriques qui s’élaborent à la fin du siècle sur la nature des lois phonétiques et les facteurs du change- ment linguistique, débats qui président à la naissance de la jeune Société lin- guistique de Paris, creuset de la discipline et de ses théories générales. Ils décrivent la réception en France de ces diverses théories, le développement, à côté des études orientalistes – sémitiques, indianistes, chinoises –, de la phonétique his- torique, de la géographie linguistique, de la dialectologie, bref des études romanes de Gaston Paris, de la «romanistique» comme les désigne un titre (p. 42), qui use d’un néologisme apparu au 20e siècle. Si l’exposé sous-estime un peu l’in- fluence de la grammaire générale et des Lumières, il illustre bien l’ancrage de la linguistique moderne dans le comparatisme européen et les apports originaux de la réflexion française: le développement de l’histoire des mots (Darmesteter) et des significations (Bréal), des conditions sociales (Meillet), anthropologiques et psychologiques du langage (Henri), insistant sur le fait que celui-ci échappe largement à la conscience humaine. La grande entreprise sociohistorique de Ferdinand Brunot sur l’évolution interne et externe de la langue française aurait pu trouver là une mention justifiée, comme foyer de réflexion sur les rapports entre le langage et l’histoire. Les quatre chapitres suivants, peu ou prou, sont liés à Saussure envisagé comme père emblématique du structuralisme, qu’il soit anthropologique, phi- losophique, psychanalytique, sémiotique ou simplement fonctionaliste. Son œuvre, ou plutôt la nébuleuse constituée par les multiples lectures et relectures Mots. Émotion dans les médias, n° 75, juillet 2004 129 du palimpseste primitif, est moins envisagée par les auteurs comme une syn- thèse réflexive et généralisante de l’empirisme comparatiste que comme le point de rupture avec celui-ci, instituant au début du 20e siècle la linguistique en tant que paradigme et, pour ainsi dire, norme de la modernité dans les sciences humaines, redéfinissant de façon restrictive son objet, son domaine, ses limites, ses instruments, ses méthodes. Après avoir exposé clairement les concepts de la vulgate saussurienne et rappelé la première réception, plutôt mitigée, du Cours de linguistique générale, dont seul Bloomfield aurait reconnu le caractère pro- fondément novateur (p. 83), les auteurs s’attachent aux développements fran- cophones du saussurisme, de Bally à Tesnière, en passant par Guillaume, aucune de ces trois figures ne s’étant en fait profondément inspirée du saussurisme. Deux chapitres consacrés aux fonctionalismes retracent ensuite avec précision l’histoire européenne de la phonologie du Cercle de Prague (Troubetzkoï, Jakobson), de la glossématique danoise (Hjelmslev), et des fonctionnalismes allemand (Bühler), anglais (Halliday) et français (Martinet). On sera surpris, en revanche, si l’on continue à penser que le milieu du 20e siècle, avec les travaux de Harris et de Chomsky, a ouvert une phase déci- sive dans les sciences du langage, celle d’une modélisation effective et d’une inscription possible dans les technologies informatiques et les problématiques cognitives, de voir évoqués en un seul chapitre, intercalé, les «formalismes» linguistiques, du descriptivisme bloomfieldien au générativisme chomskien, en passant par le distributionalisme (Harris, Gross) et la tagmémique (Pike). On y trouvera néanmoins un résumé synthétique gardant toute sa clarté, même si les exemples sont ici réduits au minimum. Sous les étiquettes de linguistiques énonciatives, discursives et pragmatiques, trois chapitres occupent le dernier tiers du volume. Ils présentent les prolonge- ments théoriques récents de propositions énoncées dans la seconde moitié du 20esiècle, souvent en contrepoint au structuralisme saussurien et aux divers for- malismes alors dominants. Placées sous la multipaternité de Bakhtine, Bally, Jakobson, mais surtout Benveniste, l’énonciation et ses multiples déterminations intra- et extralinguistiques sont exposées à l’aide des synthèses qu’en a fournies Catherine Kerbrat-Orecchioni et des développements théoriques bien distincts qu’en ont tirés Oswald Ducrot dans sa pragmatique linguistique et Antoine Culioli dans ses éléments de sémantique formelle. Le chapitre sur les approches dis- cursives revient sur les notions incontournables de textualité, de genre et de condi- tions de production, qu’on les aborde à travers la sémiotique littéraire barthésienne, la sémantique greimassienne, l’analyse du discours harrissienne, assortie ou non des principes althussériens ou foucaldiens, mais aussi à travers les approches argumentatives, lexicologiques, lexicométriques ou la linguistique textuelle ada- mienne. Les synthèses de Jean-Michel Adam, mais celles aussi de Dominique Comptes rendus 130 Maingueneau, et les travaux de François Rastier permettent de tracer les origines et les perspectives de ce domaine riche d’avenir et parfois sous-évalué sur le plan théorique. Enfin les approches pragmatiques, leurs filiations logiques et philo- sophiques, leurs développements cognitivistes et les débats qui les animent condui- sent à s’interroger sur les limites du domaine de la linguistique théorique. L ’un des auteurs a d’ailleurs consacré à cela un exposé récent1. On partagera pleinement les positions des auteurs quand ils rappellent en conclusion leur volonté et leur espoir d’avoir offert un cheminement pédago- gique permettant d’explorer quelques-uns des mythes fondateurs de la linguis- tique, au premier chef la rupture saussurienne et ses conséquences épistémologiques, et d’avoir pu ainsi soulever quelques questions sur les enjeux entourant la naissance et le renouvellement des théories. Une sociologie des connaissances pourrait trouver là matière à approfondissement. Les premières introductions des années 1970, de Mounin (1967, 1972), Lepschy (1978) ou Leroy (1980), indigentes et datées, et les traductions des manuels anglo-saxons, de plus vaste ampleur, Robins (1967, 1976), Gleason (1961, 1968), Lyons (1968, 1970), avaient fait leur temps éditorial. Les présentations encyclopédiques (Auroux et alii, 1990-2000) et des publications françaises plus récentes (Fuchs- Le Goffic, 1975, réédition 1992, Malmberg, 1990, Bergounioux, 1994, précieux pour les extraits commentés) ne répondent pas toujours à une présentation péda- gogique, générale et articulée. Tous ces ouvrages sont néanmoins largement uti- lisés et mentionnés par les auteurs. Peut-être regrettera-t-on que le cheminement à travers un exposé riche de références et de citations, limité forcément en exemples, n’ait pas fait étape auprès de quelques références théoriques importantes, par exemple, pour s’en tenir au champ français, l’approche clinicienne de Damourette et Pichon dans l’entre-deux-guerres, plus tard les postulats anti-saussuriens de la praxématique, la sociolinguistique et les réflexions sur l’oralité développées dans le cadre du GARS à Aix, ou par ailleurs les propositions fondamentales avancées par Jean- Claude Milner pour une «science du langage»2. Mais on sait que nul panorama n’appréhende l’ensemble d’un paysage et que souvent tel petit mont trop proche ou aux allures altières dérobe à la vue de plus beaux sommets. On s’étonnera aussi alors – mais pas trop hélas – que les «grandes théories linguistiques» soient toutes attachées à des noms masculins et que les noms féminins soient plutôt liés aux synthèses et aux commentaires. En tout cas, bel exemple d’écriture mixte, toujours limpide et accessible, le «Paveau-Sarfati» peut désormais servir de manuel de référence. L ’idéal sera de Comptes rendus 131 1. G.-É. Sarfati, 2002, Précis de pragmatique, Paris, Nathan. 2. J.-C. Milner, 1989, Introduction à une science du langage, Paris, Seuil. l’accompagner de la lecture du petit essai épistémologique suggestif de Robert Martin3, d’une bonne présentation de la linguistique actuelle4, de recueils col- lectifs récents sur le langage5, sur les corpus6, voire du Grand livre de la langue française7. La diversité de ces récentes introductions aux sciences du langage suffirait à montrer que si des langues continuent à mourir (tandis qu’apparais- sent sans cesse de nouveaux usages, de nouveaux dialectes, voire des langues nouvelles ou prétendues telles), la uploads/Litterature/ r-les-courants-linguistiques 1 .pdf
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- Publié le Nov 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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