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Revue internationale International webjournal www.sens-public.org Métamorphoses des genres SIRKKA REMES Résumé: Que signifie étudier les genres au pluriel ? Les phénomènes du travestissement font débat aussi bien dans la théorie littéraire que dans la sociologie. S’il n’existe pas de genre pur ou originel, il nous reste à étudier comment les genres se métamorphosent. Dans mon travail de recherche sur l’œuvre de Gilles Zenou, je suis confrontée à la difficulté d’étudier un auteur qui circule entre la fiction et la philosophie, les mythes et les contes, le féminin et le masculin. Mots-clés: Genre ; Métamorphose ; Littérature ; Philosophie ; Religion ; Judith Butler ; Gilles Zenou Abstract: What does it mean to write « genres » in plural? The phenomena of transvestism are being discussed as well in the literary theory as in the field of sociology. If there is no pure or original gender or genre, we can only study how the « genres » are metamorphosing. In my research work on the Jewish-Moroccan-French writer Gilles Zenou, I am confronted to the difficulty of studying texts which mix fiction and philosophy, the mythology and the tales, the feminine and the masculine. Site du Centre de Recherches en Études Féminines et de Genres ~ Écritures de la modernité Contact : redaction@sens-public.org Recherches en Études Féminines et de Genres Sommaire-liens du dossier Profession de foi d'un Centre de Recherches en Études Féminines et de Genres ANAÏS FRANTZ Un genre érotique ? ABDEREMAN SAID MOHAMED Sang : le texte et ses règles MELINA BALCÁZAR MORENO Du "genre" nu comme un ver et des genres en littérature ANAÏS FRANTZ Métamorphoses des genres SIRKKA REMES Les débordements du genre, l’autoportrait en vert, envers et contre tout… Un autoportrait en vert de Marie Ndiaye ELSA POLVEREL La scène lieu ultime des dépassements en tous genres ? L’exemple de Valère Novarina AUDREY SZEBESTA ... pour qu'il arrive des genres de tous bords MIREILLE CALLE-GRUBER Article publié en ligne : 2008/10 http://www.sens-public.org/article.php3?id_article=603 © Sens Public | 2 Métamorphoses des genres Sirkka Remes1 approche des questions du genre dans les séminaires de Mireille Calle-Gruber a deux particularités : d’une part l’habitude de parler des genres au pluriel, et d’autre part le contexte de la diversité culturelle. Je vais donc tenter d’analyser quel impact ces choix ont eu dans mon travail de recherche et aussi faire part des difficultés liées à cette approche. L’ A l’occasion de notre première séance sur les genres, Sarah-Anaïs Crevier Goulet nous a présenté l’histoire du mot gender en anglais. Je ne connaissais pas l’usage du mot dans la terminologie médicale. Par contre, je savais que la distinction entre le genre et le sexe a été utilisée par les anthropologues par exemple dans le contexte où dans certaines tribus, une femme pouvait être mariée à une autre femme à défaut d’un homme disponible. Dans ces cas, la femme qui remplaçait le mari avait donc le statut social d’un homme alors que son sexe biologique n’était jamais mis en doute. Si l’utilité de la distinction entre le sexe et le genre est actuellement mise en doute, il ne faut pas oublier que dans l’anthropologie et dans la sociologie le fait de pouvoir distinguer entre les deux a été une étape importante pour pouvoir parler de la construction sociale du genre. Pourquoi alors écrire les genres au pluriel ? Il y a encore quelques années, j’étais très réticente à l’idée d’associer les études du genre au sens sociologique du terme aux études sur les genres littéraires. Je ne voulais pas mettre l’accent sur un accident linguistique qui fait que le même mot est utilisé en français pour désigner deux champs d’études complètement différents. C’est seulement quand j’ai pris conscience de la similitude du vocabulaire entre la théorie littéraire et la théorie du genre que j’ai vu l’utilité de ce lien. Par exemple, Gérard Genette parle de la transtextualité ou de l’imitation au second degré2, tandis que Judith Butler parle de l’imitation du genre à travers les exemples du travestissement3. Si l’on ne réduit pas la politique du performatif aux performances de « drags queens », mais que l’on considère que toute construction de 1 Sirkka Remes est doctorante en littérature à l’université de Paris III. Elle prépare une thèse sur l’oeuvre de Gilles Zenou sous la direction de Mireille Calle-Gruber. Née en 1973, elle a obtenu sa maîtrise en littérature générale à l’université de Jyväskylä (Finlande) en 1998 et son D.E.A. en études féminines à l’université de Paris VIII en 2002. Articles parus :« L’écriture comme une façon de mourir » dans Parallèles et Croisées, Paris, l’Harmattan 2004 ; « L’errance du mystique dans un roman de Gilles Zenou » dans la revue Equinoxes n°10 (automne/hiver 2007/2008) 2 Genette Gérard, Palimpsestes, La littérature au second dégré, Paris, Seuil, 1982. Article publié en ligne : 2008/10 http://www.sens-public.org/article.php3?id_article=603 © Sens Public | 3 Sirkka Remes Métamorphoses des genres l’identité est liée à une performance, il va de soi que la littérature est aussi un lieu de performance. Le genre littéraire est reconnu parce qu’il ressemble à un certain modèle, de même façon que le genre d’une personne est défini par rapport à notre horizon d’attente. La thèse de Butler est qu’il n’y a pas de réalité derrière le performatif. Elle dit qu’en imitant le genre, les pratiques telles que les drag queens révèlent la structure imitative du genre et sa contingence. Si on appliquait cette thèse dans les genres littéraires, cela voudrait dire que les travestissements littéraires où le texte jongle entre différents genres relativisent la notion même de genre. Ils montrent qu’aucun genre n’est pur et que les genres sont tout le temps en train de se transformer. C’est pourquoi j’ai choisi le terme de métamorphose pour parler des genres. Le mot métamorphose contient le préfixe méta qui s’apparente aux termes de métatextualité et métafiction, employés dans la théorie littéraire pour décrire l’écriture qui s’interroge sur son propre rôle. La deuxième partie du mot vient du morphès : la forme. L’étude des métamorphoses des genres implique donc à la fois l’étude des formes et l’idée de l’auto-conscience des textes. Dans la littérature, les exemples les plus connus de la métamorphose sont les Métamorphoses d’Ovide et la nouvelle de Kafka intitulé La métamorphose où un homme se transforme en cafard. Il s’agit donc des corps ou des matières qui changent de forme. Le principe est connu aussi des mythes de création où souvent les hommes ou les dieux sont crées à partir d’un membre du corps ou d’une autre matière. Pierre Brunel explique dans Le Mythe de la métamorphose l’attirance de ce mythe par sa capacité d’incarner l’union des contraires : La métamorphose est à la fois un mythe génésique et un mythe eschatologique, à la fois un mythe de croissance et de la dégradation. ( - - ) Elle combine altérité et identité, introduisant à l’animal qu’on veut être mais découvrant en même temps l’animal qu’on est. Elle est à la fois imaginaire et réelle, parole et être, sens et non-sens. Elle ne se développe que pour finalement s’abolir.4 Selon Brunel, la métamorphose combine donc l’identité et l’altérité. Les êtres se transforment parce qu’ils veulent être autre chose ou parce qu’ils imaginent qu’ils sont autre chose. Dans ce processus de transformation, la réalité du corps s’associe à l’imaginaire. C’est aussi la raison pour laquelle ce terme me semble particulièrement intéressant par rapport à ce débat sur le genre. Au lieu de débattre sur la question de savoir si la biologie vaut plus que le culturel, il faudrait essayer de comprendre comment le corps est interprété selon la culture de chacun. 3 Butler Judith, Trouble dans le genre, Le féminisme et la subversion de l’identité, Paris, La Découverte, 2005. 4 Brunel Pierre, Le mythe de la métamorphose, Paris, Librairie José Corti, 2004, p. 158 Article publié en ligne : 2008/10 http://www.sens-public.org/article.php3?id_article=603 © Sens Public | 4 Sirkka Remes Métamorphoses des genres L’idée de la métamorphose est liée à l’absence de l’identité originelle. Si l’identité change en permanence, cela va aussi pour l’identité narrative. Les textes contemporains qui jouent avec le mélange des genres, mettent souvent en doute la crédibilité du narrateur par les ruptures du récit. Le narrateur peut même mourir, mais cela n’empêche pas le récit de continuer, la mort étant elle aussi une forme de métamorphose. Dans mon travail de thèse, j’étudie les métamorphoses des genres chez un auteur peu connu qui s’appelle Gilles Zenou (1957-1989). Il était écrivain et philosophe à la fois. Lorsque j’ai commencé la rédaction de ma thèse, je pensais que le choix des études du genre me permettrait d’éviter les questions philosophiques et religieuses qui sont très présentes dans son œuvre. C’était une erreur. J’ai eu l’impression de glisser de plus en plus loin de mon point de départ et des questions du féminin et du masculin car l’œuvre possède sa propre force. Dès lors, je ne pouvais pas ignorer les questions philosophiques qui sont traitées dans le texte. Petit à petit j’ai compris qu’il fallait accepter de prendre en compte uploads/Litterature/ senspublic-cref-sirkkaremes.pdf
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- Publié le Mai 05, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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