Recension de livre UE 2 - Histoire moderne et contemporaine - M2 CCS – MICHELE
Recension de livre UE 2 - Histoire moderne et contemporaine - M2 CCS – MICHELE METIVIER Hélène Camarade, Ecritures de la résistance, le journal intime sous le Troisième Reich, Toulouse, Presse Universitaire du Mirail, 2007. Première partie : Le Troisième Reich : un âge d’or du journal intime ? Hélène Camarade est une historienne, maître de conférences, son livre est tout avant tout un bel hommage aux victimes de la seconde guerre mondiale. La première partie de son livre est un recueil d’analyses de journaux intimes écrits entre 1933 à 1945 en Allemagne venant de différentes sources. Nous trouvons dans ce livre des témoignages de personnalités menacées par le gouvernement national socialiste. Elles nous offrent la vision de leurs pensées les plus profondes, leurs frayeurs surtout, ainsi que leurs prises de position politique. Ces journaux sont des marqueurs historiques et à ce titre font partis des recueils de la Mémoire. L’auteur a une approche critique de chaque type de journaux intimes et nous permet d’appréhender les comportements individuels pendant une période livrée à la tyrannie absolue centrée essentiellement sur le peuple juif. Nous trouverons notamment les traces des écrits d’Elisa de Boor, Theodore Haecker et Friedrich Reck-Malleczewen des écrivains de la première heure, des résistants tels que Ulrich von Hassel un diplomate, le médecin Elfriede Paul ainsi que des victimes de la politique raciale universitaire. On peut noter que certains dissidents faisaient partis du monde des lettres et donc avec une vision assez réaliste des évènements et venaient du monde de l’écriture bien avant l’accession des nazis au pouvoir. Hélène Camarade soulève la question de savoir si les diaristes avaient la volonté de fournir des témoignages afin d’être diffusés après la guerre et si la teneur de leurs écrits est de nature à vouloir montrer l’Allemagne du moment avec une certaine véracité. La seconde réflexion est celle du journal intime dépourvu de connotation politique et simplement le reflet journalier extrait d’un quotidien ou l’attente ne peut produire qu’une écriture « en attendant » dans un espace réduit. Produits dans un lieu clandestin, ces journaux intimes ont servi de témoins sur les objectifs des nazis et laissant ainsi des traces de leurs crimes, c’est en somme une certaine forme de résistance allemande. Chaque diariste était libre de son écriture et certaines réflexions seront plutôt superficielles ou intimes, la vie quotidienne de certains auteurs n’étant à ce moment qu’assez restreinte socialement. Il y aura donc le journal tourné vers l’intérieur et celui vers l’extérieur sensibilisé sur l’actualité. D’autres sources sont été à ajouter aux journaux intimes telles que les mémoires, les chroniques ou les lettres personnelles. Le journal intime tient lui d’un récit discontinu, décrivant le moment présent, se préoccupant de l’avenir tout en revenant sur le passé. Les journées sont datées mais pas forcément suivies jour après jour. Le modèle du journal est important, le besoin qu’il soit petit, passe-partout, se casant dans une poche tient là aussi de la clandestinité. Ernt Jünger1 dira que « le journal intime reste dans un état total, l’ultime dialogue possible » et Henrich Breloer2 observera que le journal est l’espace qui recueille « les paroles non prononcées ». Les repères traditionnels sont perdus et le respect mutuel n’existe plus. En 1936, Reck-Malleczewen observera que « les concepts sont sans dessus dessous », Hassel sera plus radical en 1940 et 1 Ernst Jünger (1895-1998), écrivain allemand, contemporain et témoin de l'histoire européenne du XXe siècle, il a participé aux deux guerres mondiales. 2 Henrich Breloer, (1942), scénariste et réalisateur allemand. Il a surtout travaillé sur des docudrames liés à l'histoire allemande moderne. considérera que le gouvernement « a produit un phénomène sans précédent, la désagrégation, la confusion conceptuelle et la destruction de tous liens existants ». Dès lors, le journal intime devient la bouée sur laquelle on se repose pour survivre et garder un lien avec le passé, le journal de bord pour se rappeler que quelques jours auparavant qu’un bonheur même imparfait était meilleur que les jours actuels. Plusieurs supports de diaristes d’horizons différents ont été choisi dans ce livre. Ainsi aussi étonnant que cela puisse paraître Joseph Goebbels a tenu un journal qui avait pour but de représenter une mémoire collective nationale-socialiste afin de primer sur toute autre. Des récits de guerre tenus par des soldats allemands sont rédigés sous forme de chroniques du régiment. Ces faits étaient à l’origine écrits afin de soutenir le moral des troupes. Le nazisme a sa propre vision de la mémoire et du sens à donner pour les générations futures. On parlera d’enjeu tant dans le camp des opposants que des partisans. Le souci de la falsification des faits voit le jour, on a déjà le souhait de vouloir soustraire une certaine vision de la vérité pour un jour prochain après la guerre et ce dès 1933. En effet, Walter Tausk3, a écrit en lendemain du boycott des magasins juifs à Breslau « comme tout ceci n’est pas autorisé à paraître dans les journaux, cela doit être transmis ici (dans le journal) à la postérité ». Dans ces temps douloureux, le problème d’une vérité modifiée est omniprésent, et on cherchait à maintenir les faits malgré les arrestations. Peu nombreux étaient les écrivains qui pensaient publiés leur journal. On sait aujourd’hui, que l’issue de cette guerre ne pouvait leur en donner l’occasion pour certains. La fin heureuse était toujours présente quant à une délivrance. Après la guerre, ces journaux arrivés jusqu’à nous ont été reçus comme preuve juridiques lors des procès. Certains journaux ont été versés au dossier de nazis à leur décharge. Ces témoignages ont servi d’accusation de crimes tels que dans les affaires d’Adolf Eichmann ou le SS Willy Dusenschön. Par exemple, dans cette dernière affaire, la femme du journaliste juif allemand Fritz Solmitz, décédé dans un camp, retrouve en récupérant les affaires de son mari, des feuilles dans le cadran de sa montre. Solmitz avait noté les sévices corporels provoquant la mort que lui avait infligé Dusenshön, alors qu’on lui avait déclaré qu’il s’était suicidé. Ainsi des « manuscrits cachés » nous plongent dans l’exploit de la recherche, telle une chasse au trésor, des lieux clandestins de ceux qui furent arrêtés, emprisonnés et qui ont continués à écrire malgré tout. On parlera de manuscrits souterrains, une pratique courante utilisée pour les cacher dans les jardins, les bois privés, où bien plus particulièrement dans les ghettos et les camps d’extermination. Dans les ghettos cela tenait de l’excellence car après chaque départ des convois les soldats ne laissaient aucune trace et se débarrassaient des biens et jetaient par les fenêtres tout ce qui n’avait pas de valeur marchande autrement dit les feuilles partaient en premier et pourrissaient sur le sol. Seuls quelques journaux sortis de l’enceinte purent échapper aux soldats. Notons l’idée de Simca Gutterman en 1942, qui rédigea son journal sur des bandes de papiers roulées numérotées, il les coinça dans une bouteille fermée à la cire. Celle-ci fut cachée sous les marches d’un escalier. Elle fut trouvée lors de travaux de rénovation bien des années plus tard. La volonté de marquer son passage dans ces lieux tenait de l’imprudence mais plus encore de la 3 Walter Tausk, (1890-1941 ghetto de Kowno, Lituanie) est issu d'une famille de confession juive. Il a travaillé comme représentant des ventes à Wroclaw et a travaillé comme écrivain pendant son temps libre. ténacité car le seul fait de se procurer du papier et des bougies était purement impossible dans ces temps de pénurie et de dénuement extrême. Cette même obstination que l’on retrouve pour l’emballage des journaux, surprotégés contre tous les aléas d’un transport difficile ou d’un intérêt politique un peu trop marqué par les nazis. Rappelons que le nouveau gouvernement en 1934 met en place une nouvelle loi pour les délits politiques et que les idées subversives en font parties 4. Plus simple mais tout aussi risqué, que la cachette, le journal qui confié et impliquant autrui. Victor Kemplerer n’hésita pas à faire passer près de cinq mille feuillets à une amie médecin. On peut noter aussi que les personnalités religieuses étaient mises à contribution, la robe devenait la garantie d’une certaine partialité. Le plus triste est cet exemple, quand après avoir réussi à camoufler le journal pendant toute cette période, on s’aperçoit après-guerre que l’auteur est décédé sans pouvoir le récupérer. Ce sera le cas pour Haecker protégé pendant un temps par la famille Scholl. Il confie ses écrits à la famille qui les caches dans des tubes en fonte puis les enterre jusqu’à la fin de la guerre. Une multitude de témoignages écrits, de pensées, des prises de position, de colère, de sentiments d’oppression ont vu le jour sur des pages dont les auteurs ne savaient pas si la postérité en prendrait connaissance. Ni la peur de la mort ou de l’enfermement dans des camps n’ont eu raison de leur opiniâtreté. Le diariste de 1933-1945 passe son temps à écrire son quotidien, cela devient son asile, ses quatre murs. La première partie de ce livre, qui en uploads/Litterature/ recension-de-livre-ue-2-histoire-moderne-et-contemporaine-m2-ccs-michele-metivier.pdf
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- Publié le Aoû 08, 2021
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