Recherches & Travaux 83 | 2013 L’expérience du sujet lecteur : travaux en cours

Recherches & Travaux 83 | 2013 L’expérience du sujet lecteur : travaux en cours La subjectivité du sujet lecteur de poésie au lycée : un défi (possible ?) aux enseignants Cynthia Agra de Brito Neves Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/recherchestravaux/653 DOI : 10.4000/recherchestravaux.653 ISSN : 1969-6434 Éditeur UGA Éditions/Université Grenoble Alpes Édition imprimée Date de publication : 31 décembre 2013 Pagination : 101-115 ISBN : 978-2-84310-267-7 ISSN : 0151-1874 Ce document vous est offert par Bibliothèque cantonale et universitaire Lausanne Référence électronique Cynthia Agra de Brito Neves, « La subjectivité du sujet lecteur de poésie au lycée : un défi (possible ?) aux enseignants », Recherches & Travaux [En ligne], 83 | 2013, mis en ligne le 01 juillet 2015, consulté le 15 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/recherchestravaux/653 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/recherchestravaux.653 © Recherches & Travaux 101 Cynthia Agra de Brito Neves1 UNICAMP (Brésil) - Université Grenoble Alpes, EA Traverses 19-21 Les poésies à l’école peuvent encore donner l’occasion aux poésies et aux élèves de (se) lire, de (se) dire, de (s’)écrire. Les poésies se font chaque jour dans la lecture de tous, dans la parole de chacun, car aucun ne peut éviter « la rime et la vie 2 ». Ce travail fait partie de notre thèse de doctorat en cours d’élaboration, dans laquelle nous cherchons à étudier la façon dont les « poésies » ou « genres poé- tiques » – toujours au pluriel – circulent dans les classes de lycées brésiliens et français. Ainsi, il s’agit d’une étude comparative qui a pour objet l’enseignement et les voies d’apprentissage de la littérature à partir de l’observation des travaux de professeurs brésiliens et français sur des textes poétiques – traduits ou non – et des réactions des élèves à ces textes dans les dynamiques de classe. Nous y comparons également les programmes nationaux, le matériel didactique, et l’Examen national de l’enseignement secondaire (Exame Nacional de Ensino Médio), l’ENEM brésilien, avec le baccalauréat français. L’ENEM est une épreuve écrite que les élèves brésiliens passent à la fi n de la troisième année du lycée. Cet examen national a pour objectif d’évaluer les compétences en lecture et interprétation de divers genres textuels, textes de langage verbal (énoncés littéraires et informatifs) et visuel (photos, cartes, peintures, graphiques, etc.) à travers des questionnaires à choix multiples. Il s’enquiert aussi de l’aptitude de l’élève à argumenter, à résoudre des problèmes pratiques de la vie quotidienne, à élaborer des propositions d’interventions réelles et à présenter des idées bien structurées au cours de la rédaction d’une 1. Doctorante à l’UNICAMP (bénéfi ciaire d’une bourse de la CAPES au Brésil ) et au CEDILIT, Centre de recherche en didactique de la littérature. 2. M.-C. et S. Martin, Les Poésies, l’école, Paris, Presses universitaires de France, 1997, p. 138. La subjectivité du sujet lecteur de poésie au lycée : un défi (possible ?) aux enseignants Recherches & Travaux – no 83 102 dissertation. La réussite de l’élève à cette épreuve fait partie du processus qui permet son entrée à l’université, ses notes étant enregistrées et additionnées à celles du vestibular (l’épreuve d’entrée spécifi que à chaque université). En ce sens, l’ENEM est comparable au baccalauréat. Notre intérêt pour la pédagogie française est dû à son infl uence historique sur le système éducatif brésilien, principalement dans le domaine de l’enseignement des langues et de la littérature. La réalisation de ce travail a été possible en 2011 grâce à l’opportunité de participer au CEDILIT (Centre de recherche en didac- tique de la littérature, dirigé par le professeur Jean-François Massol, de l’univer- sité Stendhal - Grenoble 3). En plus des réunions et discussions de ce groupe, nous avons suivi trente heures de cours de langue et littérature française en classes de secondes générales, de premières (économique et sociale, et littéraire) et de terminale littéraire dans deux lycées de Grenoble : le lycée Champollion (avec l’enseignante S. B.) en centre-ville, et le lycée Marie-Curie (avec l’enseignante V. G.) à Échirolles. Au Brésil, tout au long de l’année 2010 et au début de 2012, nous avons également passé 30 heures dans des classes de langue et littérature portugaise et brésilienne équivalentes aux seconde, première et terminale, dans deux écoles de province de Sao Paulo : à Anglo-Taquaral de Campinas (avec l’enseignant F . M.), et au Colégio Objetivo d’Indaiatuba (avec l’enseignant S. P .). En tant que chercheuse-observatrice, nous avons participé, durant ces périodes et au sein de ces institutions, aux activités ayant trait aux poésies et, dans une perspective qualitative et subjective, nous avons recueilli des données dans un journal de bord qui constituera un des objets d’analyse de notre thèse. Dans ce travail spécialement élaboré pour ce colloque « Le sujet lecteur- scripteur de l’école à l’université : postures et outils pour des lecteurs divers et singuliers », nous anticipons quelques-unes de nos observations et critiques qui méritent ici un intérêt particulier, puisqu’elles ont trait à la réalisation de lectures et écritures subjectives de poésies dans les contextes scolaires français et brésilien, parfois de façon diamétralement opposées, et d’autres fois similaires. Comment les poésies (sur)vivent Entre les murs 3 de l’institution scolaire : l’importance accordée à l’analyse formelle et la recherche des fi gures de style Au sein d’un espace institutionnel aussi bureaucratique, puissant et contrôleur de discours que l’entendait Michel Foucault 4, il est diffi cile d’imaginer des 3. Nous faisons ici référence au fi lm Entre les murs, du cinéaste français L. Cantet, Palme d’or au festival de Cannes en 2008. Il montre la dynamique d’une salle de classe en France et les confl its auxquels le professeur de français, F. Marin, est confronté au long de l’année scolaire. 4. M. Foucault, L’Ordre du discours, Paris, Gallimard, 1971. La subjectivité du sujet lecteur de poésie au lycée 103 activités qui renvoient aux joies de la littérature5 ou au « plaisir du texte6 », en particulier lorsqu’il s’agit de lectures poétiques. Dans l’univers de Roland Barthes, le texte est un discours qui attend d’être lu, qui cherche à séduire son lecteur, à le provoquer et à l’emporter. Se construit alors un espace de jouissance, un jeu dialectique qui fait de l’écriture la science des jouissances du langage, son kamasutra. Lorsqu’il lit, penché sur une matérialité pleine de ruptures et de collisions – la langue, son lexique, sa métrique, sa prosodie – le lecteur vit l’instant insoutenable où il peut atteindre la jouissance de la cohabitation des langues. Cette jouissance, c’est le plaisir du texte. Or, ce sont justement les lectures poétiques qui sont, souvent, et de diff é- rentes façons, déviées voire niées par l’institution scolaire. Les professeurs dont nous avons suivi les classes semblent en avoir conscience et essaient, dans une certaine mesure, d’aller à contre-sens de cette logique. Cependant, ils en dépen- dent et soumettent leurs méthodes d’enseignement de la littérature aux diktats du baccalauréat et de l’ENEM. D’une certaine façon, ce sont les examens de fi n de cycle secondaire qui régissent l’enseignement et donc l’apprentissage de la langue et de la littérature des deux pays en question. En observant le déroulement de « séquences didactiques (SD) poétiques » en France et au Brésil, nous avons remarqué une prise en compte constante de l’examen national, aussi bien à travers le choix des professeurs d’enseigner tel ou tel poète, que l’intérêt manifeste des élèves pour le sujet traité en classe. En France, l’élève apprend à lire à voix haute en respectant les liaisons et les enjambements, il est entraîné à écrire des sous-parties pour produire un commentaire littéraire – tout cela dans la perspective du baccalauréat, comme nous le verrons plus loin. Au lycée brésilien, on ne relève pas de pratique de la lecture poétique à voix haute, puisque l’ENEM est une épreuve entièrement écrite. En revanche, on y enseigne, de façon insistante et depuis l’équivalent de la classe de seconde, les règles de la métrique, la scansion, les rimes, c’est- à-dire les aspects formels du texte poétique dont la connaissance est exigée lors de l’examen national. En France, nous avons suivi un module entier de travail sur des poésies, du Symbolisme au Surréalisme, dans des classes de seconde générale du lycée Champollion. L’objectif principal de cette SD, a précisé Mme S. B., était la lecture complète du recueil des Fleurs du mal de Charles Baudelaire7. Les élèves devaient lire l’œuvre poétique à la maison et, en classe, l’enseignante reprenait la 5. G. Snyders, Alunos felizes: refl exão sobre a alegria na escola a partir de textos literários, trad. C. A. P . da Silva, Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1993. 6. R. Barthes, Le Plaisir du texte, Paris, Seuil, 1973. 7. C. Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Paris, Hachette Éducation, coll. « Bibliolycée », 2002. Recherches & Travaux – no 83 104 lecture des poèmes qu’elle avait sélectionnés. Après la lecture de chaque poème, la professeure choisissait, dans leur manuel, des questions d’interprétation du texte, les élèves répondaient, puis on passait à la correction de l’exercice. L’un des premiers poèmes étudiés fut « Élévation ». uploads/Litterature/ recherchestravaux-653.pdf

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