1 EDITORIAL La Lettre, plus longue cette année, est entièrement consacrée à une
1 EDITORIAL La Lettre, plus longue cette année, est entièrement consacrée à une étude de J. Drouin et M. Aghali-Zakara sur un site de l’Aïr. Cette étude ne pouvait pas être fractionnée parce qu’elle porte sur l’ensemble d’un « panneau » qui présente (ce n’est pas toujours le cas) une forte homogénéité. Les auteurs ne manquent pas de souligner que plusieurs séquences de lettres, observées sur d’autres sites, se retrouvent ici. Le fait est déjà intéressant par lui-même, mais plus remarquable encore est la forte proportion des « lignes » qui commencent par les trois caractères srγ, dont JD et MAZ donnent une interprétation séduisante : « je manque de X », autrement dit « X me manque ». Moins fréquent, mais répété assez souvent pour exclure un hasard, le groupe yny est traduit par « il a vu ». Je dois renvoyer à l’article pour les détails, mais la cohérence des analyses fondées sur le touareg et, par exemple, la présence du nom typique brd (abarad « jeune homme brave », avec un d dont l’alphabet local ne note pas le caractère pharyngalisé, permettent de considérer qu’on est en présence de textes touaregs, non datés mais relativement (j’insiste sur l’adverbe) récents. Si la place manque pour les rubriques d’information et de bibliographie qui figuraient dans les numéros précédents, il est néanmoins possible de formuler quelques observations sur l’évolution récente des études dans notre domaine. La première est que les inscriptions libyques « classiques » de l’Antiquité (j’entends par là les stèles funéraires et les quelques monuments qui leur sont apparentés par l’épigraphie) ont cessé de susciter les travaux les plus nombreux. On peut citer le livre de Mme Aït Ali Yahia Samia, Les stèles à inscriptions libyques de la Grande Kabylie, Tizi-Ouzou, L’Odyssée, 2008, 189 pp., qui facilitera l’examen de cet important groupe de documents. Si pourtant le libyque a moins attiré les chercheurs, c’est peut-être parce qu’il avait déjà fait couler beaucoup (et parfois trop) d’encre sans résultat substantiel. Le progrès de la recherche dépendra surtout, maintenant, de la découverte d’inscriptions nouvelles. En contrepartie, les inscriptions rupestres, touarègues ou plus anciennes, ont cessé d’être négligées, voire méprisées, ou traitées comme de simples curiosités. L’exemple donné par les linguistes comme J. Drouin et M. Aghali-Zakara (notamment dans notre Lettre !) a trouvé un écho chez les spécialistes de l’art rupestre, qui ont souvent l’occasion d’observer des inscriptions à côté des gravures, qu’il y ait ou non un lien entre les deux modes d’expression. Deux autres types de préoccupation contribuent en effet à attirer l’attention sur nos inscriptions : on ne peut les oublier ni si l’on s’interroge sur l’histoire de l’écriture libyco-berbère, ni si l’on cherche à préciser les relations des îles Canaries, où cette écriture est bien représentée, avec le continent africain. Au cours des deux ou trois dernières années, diverses études ont donc traité des inscriptions rupestres. La place manque ici pour une bibliographie en règle, mais on reconnaîtra aisément plusieurs de ces travaux dans les dernières livraisons de la revue Sahara (Milan), 18 à 20 (2007 à 2009), des Cahiers de l’AARS (Association des Amis de l’Art Rupestre Saharien), 12 (2009), ou encore dans les publications de l’Institutum Canarium (Vienne, Autriche). Les noms de M. Aghali- Zakara, J.-L. Le Quellec, W. Pichler reviennent plus d’une fois dans ces fascicules. Mais il faudrait citer aussi les chercheurs canariens, comme R. Springer-Bunk, qui travaillent sur les données insulaires, mais étendent aussi leurs investigations au continent. Le tableau n’est pas sans quelques ombres. S’il est excellent qu’on cesse enfin de s’en tenir à des intuitions et qu’on s’appuie sur la statistique des signes et sur leur répartition géographique, on ne doit pas non plus tomber dans le dogmatisme. Il en est des caractères d’écriture comme de l’évolution des langues, qui ne se laisse pas représenter (on le sait aujourd’hui) par un arbre généalogique simple : comment leur histoire aurait-elle pu se dérouler sans accident, sur des espaces et des durées aussi considérables ? La multiplicité des essais auxquels donne lieu, de nos jours, la rénovation de l’écriture berbère permet de penser que des hésitations et des « ratages » ont dû exister de tout temps. Enfin, il ne faut pas oublier qu’à l’exception du touareg les parlers notés par les inscriptions demeurent inconnus : or leurs systèmes phonologiques ont agi sur les alphabets. On est ainsi condamné à extrapoler constamment la valeur des lettres. Cette situation ne condamne pas la recherche, bien au contraire, mais elle invite chacun à faire preuve de mansuétude lorsque des hypothèses différentes s’affrontent. L. Galand EPIGRAPHIE LIBYCO-BERBERE La Lettre du RILB Répertoire des Inscriptions Libyco-Berbères EPHE - Sciences historiques et philologiques - Sorbonne 45-47, rue des Ecoles, 75005 PARIS Directeur de la publication : L. Galand ISSN 1260-9676 N° 15 - 2009 2 Station du Bonhomme et les messages écrits Vallée de Mammanet (Aïr nigérien) Cette paroi rocheuse étudiée ici se situe sur la rive gauche de la vallée de Mammanet, au N.O. du massif de l'Aïr au Niger. Cette vallée constitue un lieu de passage semi-désertique où circulent les bergers et leur troupeau. On n'y voit aucun habitat fixe. La carte d'H. Lhote (1979 : 8-9, 1987 : 6) localise la région concernée et montre les tracés de vallées fossiles orientées NE-SO. : l'auteur estime que cette vallée a été vraisemblablement une grande voie de pénétration. Elle a été photographiée en 1989 par les auteurs de cet article. Il s'agit d'un panneau vertical comportant un Bonhomme bras levés, tenant dans la main droite un objet qui pourrait être un bâton ou une arme ; sa tête est hérissée de deux antennes ; il porte une tunique le couvrant jusqu'aux mollets, jambes serrées. Autour de lui sont gravés six quadrupèdes, trois à sa droite et trois à sa gauche, dont l'un de grande taille. Une petite figurine à l'extrême droite du panneau pourrait être une représentation humaine. De part et d'autre du Bonhomme sont gravées 37 lignes dont 32 verticales BH et 2 HB dont deux lignes en boustrophédon BH/HB en bas du panneau, et 3 horizontales, dont 2 en bas au-delà de la fracture horizontale. Elles n'ont pas été répertoriées par H. Lhote qui, par ailleurs, a fait de nombreux relevés dans la vallée de Mammanet . La situation géographique du panneau, entre l'Azawagh méridional et l'Ahaggar saharien, influence parfois l'alphabet de l'Aïr employé. On relève deux signes interprétables,ºet k, sans certitude pour le second dont la valeur est extrapolée, non employés actuellement par les Touaregs qui ne les connaissent pas. La qualité de la surface du panneau est irrégulière, mais l'espace est ample et constitue un support appréciable pour accueillir figurines et inscriptions, au-dessus de la fissure transversale dans le bas du panneau où quelques autres ont trouvé place. NB : Les signes entre crochets sont incertains ou illisibles. L'astérisque * indique le changement d'orientation de la ligne. BH bas/haut, HB haut/bas, DG droite/gauche. P. Prasse ; F. Foucauld. vb. = verbe; nv. nom verbal ; l. ligne, s.signe ; adv. adverbe; p. personne ; sg. singulier, pl. pluriel ; NPH nom propre d'homme; NPF nom propre de femme ; NPL nom propre de lieu. RD complément régime direct. 3 lignes 1 à 15 A droite du Bonhomme, on commence à l'extrême gauche de la photo. 1 . l. BH, aucun signe ne donne une orientation sûre ; plusieurs signes sont incertains : [//]Ú nÈ l G s l 1 2 3 4 5 6 7 y n g l d s l y®nna ag®llid isla "il a dit l'Agellid il a entendu" (les nouvelles, des informations) = "l'A. a dit qu'il a entendu..." ®slu "entendre, entendre les nouvelles" > isal‡n "nouvelles" : Agellid, membre de la tribu maraboutique des Igellad (Goundam-Tombouctou – Mali). Avant le s. 1 trace de grattage. 2 . l. BH s r º t n w k n 1 2 3 4 5 6 7 8 s r ¤ t n w g n osr‡¤ Atanu Ag Anna "je manque d'Atanu Ag Anna" (= Atanu me manque...) ou ®sr‡¤ "je renonce à Atanu..." Le s.7 ne figure pas dans les alphabets contemporains ; on le rencontre fréquemment dans les inscriptions sahariennes et subsahariennes de différentes aires ; par déduction syntaxique et sémantique, on lui donne de façon incertaine la valeur /g/ (v. Pichler 2009 pour les reconstructions historiques des valeurs de ce signe). On peut considérer que ce signe, entre deux NP, note le terme de parenté ag Par ailleurs, le s. 6 peut noter la voyelle finale de Atanu (v. l. 5). F. 341 Atanu NPH ; 296 et 329 Ag Anna NPH "fils d'Anna". Les s. 1,2,3 peuvent correspondre à Issa (a) re¤ "c'est Issa que j'aime..." : l'auteur pourrait être Atanu. Cette inscription a été relevée ailleurs par Lhote (1979, p. 376) : le n° 2596 est identique, le n° 2599. ne comporte pas le s. 6 (comme dans notre l. 5. 3 . l. BH, plusieurs signes incertains à cause d'un éclairage défectueux uploads/Litterature/ repertoire-des-inscriptions-libyco-berberes-rilb-n015-2009.pdf
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- Publié le Nov 18, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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