Troubles dans le genre. Pour un féminisme de la subversion (1990) de Judith But
Troubles dans le genre. Pour un féminisme de la subversion (1990) de Judith Butler L’auteur Judith Butler est une philosophe américaine née en 1956. Elle est notamment professeure à l’Université de Berkeley en Californie. Ses écrits se rapportent principalement au féminisme et à la théorie queer, qui postule que la sexualité et le genre ne viennent pas de fondements essentialistes basés sur la différence sexuelle binaire mais viennent plutôt de l’environnement socio-culturel. L’ouvrage Le trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion publié en 1990 aux Etats- Unis, a du attendre quinze ans pour être traduit et publié en France. C’est donc en 2005 que Judith Butler commence à être reconnue par la sphère universitaire française. Son ouvrage Trouble dans le genre est maintenant devenu un classique enseigné lors des études sur les théories féministes et queer. L’œuvre A partir de la lecture d’auteurs et de psychanalystes du XXème siècle, comme Michel Foucault, Sigmund Freud, Jacques Lacan, Julia Kristeva ou Monique Wittig, Judith Butler s’applique déconstruire l’ontologie fondée sur la différence sexuelle selon laquelle il existerait une différenciation sexuelle binaire prédéterminée. Le mot « trouble » que l’on retrouve dans le titre de l’ouvrage renvoi à une diversité de sens, allant du problème au désir. La question que pose Judith Butler est donc de savoir comment semer le trouble dans les catégories de genre construites dans le but de maintenir une hiérarchie de genre et une hétérosexualité obligatoire. L’ouvrage tente de savoir comment certaines pratiques sexuelles qui ne sont pas jugées normales remettent en question la stabilité du genre. Il s’agit alors de montrer que la pratique sexuelle a le pouvoir de déstabiliser le genre puisque la norme sexuelle consolide la norme de genre, dans le but de maintenir un ordre hétérosexuel jugé naturel et obligatoire. Judith Butler va également critiquer les principales théories expliquant l’identité sexuelle afin de fonder un nouveau féminisme qui n’essentialiserait par la femme. Les femmes et les hommes sont d’abord une catégorie politique et juridique, désignée par la loi. Et cette identité sexuée se construit dès la naissance, car l’enfant ne devient humain qu’une fois que la réponse à la question « c’est un garçon ou une fille ? » a été donnée. On peut voir cette question comme un rituel initiatique visant à renforcer une convention de genre. Le genre apparaît donc comme un construit culturel qui vient donner un sens au corps. Judith Buter réfute l’idée que le genre serait une pratique culturelle mettant en lumière un sexe biologique et naturel qui existerait avant le discours. En effet, pour l’auteur, il n’existerait pas réellement de loi implicite qui instituerait une continuité entre sexe, genre et sexualité. C’est cette supposée continuité qui créée l’existence de tabous et de restrictions. Judith Butler considère que le corps sexué, de même que le genre, ne serait donc qu’une illusion, produite par la répétition continuelle des actes et des discours que nous associons au genre. Le genre est, de plus, un effet du discours qui impose une unité à un ensemble d’attributs sexuels qui ne présentent a priori aucune cohérence. L’étude des individus qui ne rentrent pas dans les catégories sexuelles binaires (comme les hermaphrodites ou les transsexuels) a permis à la critique féministe de montrer le caractère discursif et artificiel de ces catégories présentées par la science comme naturelles. Butler étudie également les implications politiques et culturelles de l’homosexualité, notamment par la critique de l’œuvre de Monique Wittig. Pour celle-ci, être lesbienne est un projet politique. Être femme n’a de sens que dans le contexte de l’hétérosexualité obligatoire et, pour elle, « les lesbiennes ne sont pas des femmes » et n’auraient « pas de vagin ». Être un « vrai » homme ou une « vraie » femme, ce n’est pas être un gay ou une lesbienne. L’homosexualité est subversive par rapport à la matrice hétérosexuelle qui est la fondatrice de la domination masculine ; on ne pourrait donc pas être un ‘‘véritable’’ homme ou une ‘‘véritable’’ femme en étant gay ou lesbienne. Judith Butler construit alors sa propre théorie du genre : celui-ci est un acte performatif. L’homme qui accentue sa virilité, la femme qui surjoue sa féminité sont des témoins de la non-naturalité du genre, et même su sexe. Dialogue avec d’autres auteurs Dans Troubles dans le genre, Judith Butler se réfère à deux œuvres de Sigmund Freud. Dans l’article « Deuil et mélancolie » (1917), Freud distingue le deuil, la réaction à une véritable perte, de la mélancolie. La mélancolie serait la réaction d’une personne qui ne saurait pas ce qu’elle a perdu. Selon Freud, la réaction d’une personne n’étant pas sûre de ce qu’elle a perdu (ou ne se rappelant plus bien d’avoir perdu quelque chose) va être d’intégrer l’objet perdu dans le Moi, en s’identifiant à cet objet perdu. L’enfant, à la naissance, désire sa mère ou son père. Mais le tabou de l’inceste va lui faire renoncer à ce désir interdit. Le Moi de l’enfant incorpore alors cet objet auquel il a fallu renoncer et le conserve par identification. Donc, si l’identité de genre hétérosexuelle est formée sur la base de la perte initiale de l’objet de désir du même sexe, alors d’identité de genre hétérosexuelle est mélancolique. Cependant, contrairement à Freud, Judith Butler estime que le tabou de l’homosexualité précède le tabou de l’inceste. Ce ne serait pas le désir qui serait le déterminant mais l’identification par l’enfant au parent du même sexe ou du sexe opposé. Judith Butler se réfère également à l’Histoire de la sexualité de Michel Foucault. Ce dernier développe l’idée que la loi aurait « produit » la sexualité, et va donc à l’encontre de l’idée généralement admise que la loi réprimerait la sexualité. Butler pense également que la loi qui vient interdire les relations homosexuelles les invente et les établit par la même occasion. L’hétérosexualité aurait donc besoin de l’homosexualité pour se définir et rester stable. Dialogue avec l’actualité Cet ouvrage fait écho aux débats actuels portants sur la nécessité de conserver l’institutionnalisation d’un genre binaire homme / femme, notamment dans le droit. En Europe, seuls le Portugal, la Finlande et l'Allemagne, les Pays-Bas et Malte permettent un assouplissement de l'inscription du sexe à l'état civil. L’Allemagne permet par exemple que le champ réservé à la mention du sexe ne soit pas rempli pour les enfants présentant un diagnostic de « désordre de la différenciation sexuelle ». D’autre part, en Australie, la Haute Cour a admis en 2014 l’inscription sur les registres de l’état civil de la mention « sexe non spécifique ». En Inde, à côté des catégories « masculin » ou « féminin », les formulaires proposent aussi la mention « autre ». On retrouve cette mention de « sexe neutre » ou « sexe indéterminé » au Népal, en Thaïlande ou encore en Malaisie. Si la France ne semble pas aller dans cette direction (cf. arrêt rendu par la 1ère chambre civil de Cour de Cassation le 4 mai 2017 refusant de remplacer la mention de sexe masculin par la mention de sexe neutre), la cour d’appel de Montpellier a néanmoins autorisé, le 14 novembre 2018, la création d’une filiation neutre via la mention de « parent biologique » au lieu des traditionnelles filiations biologiques maternelle ou paternelle. uploads/Litterature/ resume-troubles-dans-le-genre-de-judith-butler.pdf
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- Publié le Fev 06, 2022
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